Nigeria : les chrétiens pris dans la guerre menée par Boko Haram

Les chrétiens du nord-est du Nigeria paient un lourd tribut à l’insurrection islamiste de Boko Haram, mais le conflit n’est pas dirigé spécifiquement contre eux, même si les insurgés veulent établir dans la zone un « califat islamique ».

L’église de la ville de Kaduna au Nigeria après un attentat, le 30 novembre 2002. © AFP

L’église de la ville de Kaduna au Nigeria après un attentat, le 30 novembre 2002. © AFP

Publié le 6 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Depuis plusieurs semaines, les combattants islamistes se sont emparés de pans entiers de territoires dans les trois Etats, majoritairement musulmans, où ils sont le plus actifs: Borno, leur bastion, Yobe et Adamawa, et des témoignages ont fait état d’atrocités perpétrées contre l’importante minorité chrétienne.

"Des hommes chrétiens ont été abattus et décapités, des femmes forcées de se convertir à l’islam et mariées à des terroristes" à Madagali, une ville majoritairement chrétienne de l’Etat d’Adamawa prise fin août par Boko Haram, a affirmé le père Gideon Obasogie, porte-parole du diocèse de Maiduguri, la capitale de Borno.

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Un témoignage parmi d’autres, qui relatent qu’un grand nombre d’églises, d’écoles et de bâtiments religieux chrétiens ont été incendiés au cours des attaques et des attentats de Boko Haram ces dernières années. Et dans une vidéo diffusée en août, Abubakar Shekau, le chef du mouvement, a déclaré placer sous le règne du "califat islamique" la ville de Gwoza, prise par ses combattants dans l’Etat de Borno, ce qui fait craindre un regain de violences contre les communautés chrétiennes.

"Enclave retranchée d’un monde corrompu"

"Aussi bien les chrétiens que les musulmans sont victimes du conflit, car une bombe qui explose ne fait pas la différence", tempère l’évêque de Maiduguri, Oliver Dashe, dans un entretien avec l’AFP. "Cependant dans les dernières vagues d’attaques, on voit clairement que les chrétiens sont les plus touchés", explique-t-il. Selon lui, on assiste à un "exode massif des chrétiens des zones touchées", où "plus de 90.000 catholiques ont été déplacés".

Selon l’ONU, au moins 650.000 personnes au total ont dû fuir leurs foyers ces dernières années. En cause: l’insurrection de Boko Haram, mais aussi la répression violente et parfois indiscriminée des forces de sécurité nigérianes, dénoncée par des défenseurs des droits de l’Homme et des ONG comme Amnesty international.

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Depuis le début en 2009 de cette insurrection dans le pays le plus peuplé d’Afrique, le conflit a fait plus de 10.000 morts selon les autorités, un bilan impossible à vérifier de sources indépendantes. Cependant, pour le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria, il ne s’agit pas d’un conflit "inter-religieux" où les chrétiens seraient spécifiquement visés.

Des dignitaires musulmans régulièrement visés

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"C’est d’abord une guerre entre musulmans, une insurrection d’islamistes contre ce qu’ils considèrent comme les mauvais musulmans", estime-t-il. "Boko Haram existe depuis une quinzaine d’années, et ils s’en prennent aux chrétiens depuis quatre-cinq ans, mais la majorité des victimes sont musulmanes".

Des dignitaires musulmans sont régulièrement visés par le groupe armé, qui leur reproche de trahir la religion en se soumettant à l’autorité du gouvernement nigérian. A Gamboru Ngala, une ville de l’Etat de Borno frontalière du Cameroun prise la semaine dernière, les islamistes ont exécuté le plus haut dignitaire musulman de la cité.

L’émir de Gwoza a été tué en mai lors de l’attaque de son convoi. Deux autres chefs traditionnels ont été également visés mais en sont sortis indemnes. Boko Haram a même tenté d’assassiner deux des chefs religieux traditionnels les plus influents du Nigeria, l’émir de Kano et le shehu de Borno. Le sultan de Sokoto a aussi été menacé. "L’agenda de Boko Haram n’a pas changé depuis ses débuts en 2002", souligne M. Pérouse de Montclos. "L’insurrection vise à établir un califat où est appliquée la charia, une enclave retranchée d’un monde musulman corrompu".

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