Monnaie électronique : la Beac met un coup d’arrêt aux transferts hors de la zone Cemac
Dans une lettre datant du 19 juin, le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale, Abbas Mahamat Tolli, invite les dirigeants des banques de la zone Cemac à cesser les opérations de cette nature.
La Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) met un coup d’arrêt à la sortie des fonds hors de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) via le mobile money. Dans une lettre en date du 19 juin, le gouverneur de la banque centrale commune au Cameroun, au Gabon, au Tchad, à la RCA, au Congo et à la Guinée équatoriale, Abbas Mahamat Tolli, invite les dirigeants des banques à « cesser toute opération de transfert de fonds à l’international dans le cadre des activités de monnaie électronique, par le canal de vos partenaires techniques. » Il se réserve le droit de sanctionner ultérieurement d’éventuels contrevenants.
Dans la missive dont JA s’est procuré une copie, le banquier central constate, sans être affirmatif, l’abandon par les banques de leur rôle en la matière. « Les partenaires techniques, opérateurs de téléphonie mobile, seraient en réalité les véritables émetteurs de monnaie électronique, en assureraient la gestion et procéderaient à des transferts à l’international. De telles actions constitueraient alors une violation grave de l’esprit et de la lettre de la réglementation régissant non seulement l’activité d’émission de la monnaie électronique, mais aussi la réglementation des changes », relève Abbas Mahamat Tolli.
Sanction de la BCEAO contre Orange Money
Interpellé une première fois sur le phénomène en Afrique centrale, le 22 mars dernier, après la sanction infligée par la BCEAO à Orange Money en Afrique de l’Ouest, le Tchadien s’était refusé à une condamnation tout de go. « Vous avez aujourd’hui des acteurs, notamment les opérateurs de téléphonie, sans en avoir les autorisations, ni les contraintes auxquelles sont soumises les banques, qui font exactement l’activité des banques. Il faut mieux encadrer ça et surtout s’assurer qu’ils ne sont pas liés à des activités de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale ou de financement du terrorisme », avait-il alors déclaré.
L’autre source d’inquiétude porte sur les manquements des établissements de crédit quant à leurs obligations dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. « Il apparaît que ces diligences ne seraient pas ou peu respectées dans l’exercice de l’activité de monnaie électronique, notamment celles relatives à l’identification de la clientèle », poursuit le gouverneur. Ce rappel prend tout son sens dans la mesure où le Tchad et le Cameroun sont en première ligne dans la lutte contre la secte terroriste nigériane Boko Haram.
MTN Cameroun concerné
MTN Cameroun, dirigé par la Sud-Africaine Philisiwe Sibiya, et son partenaire financier Afriland First Bank Cameroun (AFBC), piloté par Alphonse Nafack, sont concernés par cette mesure. Depuis des semaines, la filiale du groupe sud-africain de télécoms mène une campagne de promotion des transferts dits sortants.
La rubrique « Envoyer de l’argent à travers l’Afrique » sur son portail internet offre la possibilité à ses clients de le faire en direction de l’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Togo).
Contactée, AFBC reconnaît, par l’entremise de Bouba Kaélé, son directeur de la communication, avoir reçu cette lettre et être en train de prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer. Tout en admettant que l’injonction affectera probablement les opérations, il se garde d’évaluer l’ampleur probable de son impact.
Quel impact ?
« Cette initiative participe de la volonté du gouverneur de maîtriser les flux de l’émission monétaire en zone Cemac, y compris à travers la monnaie électronique. Il est par contre prématuré d’évaluer l’impact sur les banques partenaires des opérateurs de téléphonie mobile », estime le banquier Samuel Kotto Ndoumbe, patron du cabinet Matys Capital.
En février, la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) avait interdit à l’opérateur Orange d’effectuer des transferts de fonds entre les pays de l’UEMOA et la France par Orange Money. La banque centrale ouest-africaine jugeait alors cette pratique non conforme à la réglementation.
Tirant probablement les leçons de cette sanction, le groupe français limite le champ des opérations par monnaie électronique à la sphère nationale de ses pays d’implantation.
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