Mamadou Lamine Sow (Air Sénégal) : « Nous avons pris beaucoup de temps pour ne pas commettre les mêmes erreurs »

Mamadou Lamine Sow, directeur général de la compagnie Air Sénégal qui deviendra opérationnelle en décembre prochain, a signé mardi l’achat de deux ATR 72-600 destinés à desservir en priorité le marché régional. Il en détaille les contours pour Jeune Afrique.

Un avion ATR 72-600, du modèle de celui qui volera bientôt sous le drapeau de Air Sénégal SA. © ATR Aircraft/ DR

Un avion ATR 72-600, du modèle de celui qui volera bientôt sous le drapeau de Air Sénégal SA. © ATR Aircraft/ DR

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 22 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Quelles seront les premières destinations vers lesquelles voleront ces avions ?

Mamadou Lamine Sow : L’ATR 72-600 se trouve être à forte efficience économique, aussi bien en termes de coût d’exploitation que de consommation de carburant, sur les trajets courts jusqu’à 800 kilomètres. C’est un avion imbattable. Ces deux avions, qui répondent parfaitement aux besoins du marché sénégalais, sont de module assez restreint. Avec un faible rayon d’action, ils sont destinés au réseau domestique et aux pays limitrophes, comme la Gambie ou la Guinée-Bissau. Le transport aérien est directement corrélé au développement économique. Un point de PIB supplémentaire engendre deux points de trafic. Il n’y a pas eu de compagnie aérienne pour développer ces opportunités. Il n’y a aucun pavillon national dans l’orbite des pays qui entourent le Sénégal. Air Sénégal SA peut jouer ce rôle.

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Quel est votre modèle économique ?

Les coûts de démarrage sont importants et nécessitent des fonds propres. Ces deux avions ont été acquis en propre, une première pour le Sénégal. Pour le reste, nous allons attendre de dépasser la phase de croissance qui sera de 3 à 5 ans. Nous aurons très rapidement en location deux avions pour le moyen-courrier, d’ici à la fin 2017-début 2018 puis un long-courrier, plus tard. Le temps d’attendre sur le marché l’arrivée des avions de nouvelle génération, les Neo d’Airbus ou Max de Boeing, plus économes en carburant que leurs aînés. Nous pourrons alors envisager d’autres acquisitions.

D’ici décembre prochain, un partenariat sera-t-il établi avec une compagnie comme Royal Air Maroc ou Air France ?

Notre réseau est structuré autour du hub de Dakar. Aujourd’hui il n’y a pas de compagnie isolée, on est ouvert à toute forme de partenariat, capitalistique, opérationnel et industriel. On est en discussions avec beaucoup d’opérateurs.

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Comment avez-vous reçu la récente main tendue d’Air Côte d’Ivoire en vue d’une coopération autour de vos réseaux ?

C’est une bonne chose. Nous sommes prêts et ouverts à ce partenariat. Il nous faut nous consolider au plan régional avant de regarder à l’international. Nous sommes dans un mouchoir de poche dans notre sous-région. On ne peut pas avoir trois hubs à la fois – Lomé, Abidjan, Dakar – en concurrence. Nous avons intérêt à coopérer, à harmoniser nos programmes, nos fréquences pour développer une synergie de coût et de revenus pour faire face à toutes ces majors, en mutualisant la maintenance, le carburant. La stratégie commerciale restera propre, bien sûr, à chaque entité.

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Les coûts d’opération sont importants, le marché est plutôt étroit. Comment ne pas répéter les erreurs des précédents pavillons nationaux Air Sénégal International et Sénégal Airlines ?

L’échec est le fondement de la réussite. Aujourd’hui, il y a énormément d’opportunités, nous avons pris beaucoup de temps pour les études pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Air Sénégal International était sorti du marché à cause de difficultés croissantes avec la maison-mère, Royal Air Maroc qui est partie avec ses actifs, les avions. C’est pour cela que cette fois-ci nous nous sommes dotés d’actifs propres. Cette compagnie avait été nommée en 6 ans 4 fois meilleure compagnie d’Afrique de l’ouest. Concernant Sénégal Airlines, sa stratégie de développement a été contrariée très vite par défaut de fonds propres. Or c’est un secteur très capitalistique, on ne peut pas développer une compagnie sans capitaux. C’est pour ça qu’on démarre avec du domestique.

Le Sénégal a accordé des droits de trafic à Emirates qui, avec ses gros porteurs vient directement concurrencer des compagnies africaines sur les lignes régionales. Comment affronterez-vous cette concurrence ?

Les grands compagnies intercontinentales n’ont pas vocation à faire du porte-à-porte dans le régional, elles doivent rester sur le long ou très long-courrier et laisser les compagnies locales faire leur travail. On doit trouver le moyen de nouer des coopérations avec elles pour que nous puissions arroser la sous-région. Leurs gros porteurs n’ont pas vocation à développer des cycles (décollage, atterrissage) sur de courtes distances, d’ailleurs cela augmente les frais de maintenance, qui sont fonction des heures de vol. Quand ils revendront leur avion, l’acheteur verra vite combien il y a eu de cycles.

Vous vous voyez vraiment arriver un jour au même niveau qu’Air Côte d’Ivoire ou Asky ?

Nous nous voyons plus loin, car le développement de notre compagnie est arrimé au développement du plan Sénégal Émergent.

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