L’Économiste du Faso : le « zaï », la pratique qui a stoppé le désert
À 184 km de Ouagadougou (capitale du Burkina Faso), au Nord, s’étend sur 25 hectares la forêt de « Gourga ». Même en pleine saison sèche (mai 2017 NDLR), la végétation de cette partie de la région du Nord impressionne et attise la curiosité. Une forêt dans une zone réputée aride. Un article du journal burkinabè L’Économiste du Faso.
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Confrontée depuis quelques décennies à une baisse constante de la pluviométrie, couplée d’une forte pression démographique, la région du Nord du pays subit une dégradation progressive de l’environnement et une régression des rendements agricoles.
Selon les données de l’Observatoire national de l’environnement et du développement durable (ONEDD), en juin 2011, la région constituait l’une des trois zones où la dégradation des sols était la plus forte, avec un indice de 3,1 sur 5, et le rythme de dégradation des terres est élevé.
Notons que, toujours selon l’ONEDD, en juin 2013, 74,1% des 273.828 km² de superficie que compte le pays sont des terres affectées par la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse.
Comment cette zone peut-elle abriter une forêt ?
L’œuvre est de Yacouba Sawadogo, 80 ans, connu comme « l’homme qui arrêta le désert ». Pour cette tâche herculéenne, il a trouvé une idée innovante : le «zaï». D’où lui est venue cette technique ? Pour M. Sawadogo, c’est en apprenant de la terre.
« À la fin des années 1960, des prédicateurs ont annoncé que nous ferions face à une sécheresse sans pareille dans notre localité. Face à ce malheur annoncé, j’ai décidé de laisser tomber mon commerce de pièces détachées afin de me mettre à l’agriculture. Afin de comprendre comment la nature se régénère, j’ai mis deux ans à sillonner les terres de mon village, souvent à pied, souvent à cheval ».
C’est au bout de ces deux ans de « communion » avec la terre que lui est venue l’idée du « zaï », une technique qui consiste à préparer le sol en saison sèche. Pour ce faire, il y creuse de petits trous, les remplit de débris organiques. Ces débris à leur tour attirent les termites, naturellement présentes dans cet environnement.
En s’installant dans les petites cavités, les termites creusent des galeries, ce qui permet de retenir l’eau de pluie lors de la saison des pluies. Il ne reste plus qu’à semer les graines.
Le coup de poker devient un véritable coup de maître
Mais l’innovation ne s’arrête pas là. Au fil des saisons, Yacouba Sawadogo est passé maître dans la technique du zaï. C’est désormais de la matière organique composée de compost ou de fumier associé à des tiges de mil concassé qu’il met dans ses petits trous. En plus des graines pour son champ, il y ajoute des graines d’arbres.
Le coup de poker devient un véritable coup de maître. La petite expérience de Yacouba se transforme peu à peu. En bordures de son champ s’érige désormais une forêt. Elle s’étend entre 25 et 27 hectares, selon des estimations GPS. Celle-ci attire de nombreux oiseaux qui rapportent à leur tour de nouvelles graines et contribuent à la diversification faunique.
C’est ainsi qu’on y retrouve des espèces végétales locales courantes. « J’ai entrepris de semer des graines d’arbres qui avaient disparu de la région. Des experts viennent de la capitale afin d’étudier ces arbres aujourd’hui présents », annonce avec fierté Yacouba Sawadogo.
Les animaux ne sont pas en reste. Au fil de la promenade dans cette forêt, on remarque des petits canaris déposés çà et là. Il s’agit en fait d’abreuvoirs pour oiseaux, rongeurs, reptiles et autres lièvres que la forêt abrite. Un véritable écosystème au milieu de cet espace aride.
La forêt de Gourga menacée
Afin de pérenniser cet acquis, M.Sawadogo décide de partager sa technique autour de lui. Ainsi est créé dans son village natal, à Gourga (4km à l’Ouest de Ouahigouya), une mini-foire « marché zaï ».
Une manifestation qui a connu la présence de producteurs venus des quatre coins du pays. Y sont présentées des variétés et des outils adaptés au zaï, et des échanges sont organisés sur des thématiques et des innovations en matière de production agricole, mais aussi sylvo-pastorale. Une initiative qui a abouti à la création de « l’Association des groupements Zaï pour le développement du Sahel ».
Cependant une menace plane sur cette réserve. « Aujourd’hui, je lance un cri du cœur aux autorités de ce pays. Le lotissement est en train de détruire cet écosystème », déplore M. Sawadogo.
Depuis quelques années, la ville a rejoint le village de Gourga et l’urbanisation a atteint la forêt. Des parcelles à usage d’habitation ont été découpées à l’intérieur de la forêt et les travaux de construction de certaines ont débutées.
Une calamité, selon l’innovateur qui espère être entendu des autorités.
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La pratique du zaï
La culture par zaï permet de concentrer l’eau et le compost dans des petits trous creusés à cet effet. Ces trous sont creusés à la daba pendant la saison sèche. Entre 30 et 40 cm de diamètre pour 10-15 de profondeur, répartis en quinconce tous les 80 cm sur le périmètre souhaité.
Cette technique permet de récupérer le sable et les matières organiques transportés par l’harmattan (vent chaud d’Afrique de l’Ouest) dans les trous.
L’astuce consiste à déposer deux poignées de résidus de matières organiques séchées au soleil dans chaque micro-bassin juste avant ou dès les premières pluies. Ces dernières vont attirer les termites qui creusent des galeries jusqu’à la surface et permettre ainsi l’infiltration de l’eau et la formation de poches d’eau en profondeur.
Le paysan recouvre le tout d’un peu de terre afin que les matières organiques ne soient pas emportées par le ruissellement dès les premières pluies importantes. En même temps, plusieurs graines sont semées dans chaque poquet.
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