La Presse : Un arbre indien face au changement climatique au Maghreb

Afin de lutter contre la pénurie d’eau et la désertification, le projet Acacias for All sensibilise les agriculteurs à de nouvelles techniques, respectueuses des sols et sources de revenus, comme la culture du moringa, un acacia venu d’Asie. Un article du quotidien tunisien La Presse.

Un champ cultivé par Acacias pour tous © La Presse

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Publié le 24 juin 2017 Lecture : 4 minutes.

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« A la base, la terre était détériorée. Il n’y avait pas d’arbustes. Le sol s’était appauvri à cause des pratiques de l’agriculture conventionnelle », confie Hosn El Oujoud Tborski, responsable de la communication chez Acacias for all.

Bien que l’acacia moringa ne soit pas officiellement homologué en Tunisie, cette entreprise est en train de changer le paysage agricole du Maghreb grâce à cet arbre aux vertus magiques. Très peu gourmand en eau, l’arbre donne des feuilles, qui une fois réduites en poudre, se vendent à prix d’or sur le marché européen, une chance de répondre à la fois à la pauvreté et à la pénurie d’eau de la sous-région.

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Sarah Toumi est à l’origine du projet. Petite fille d’agriculteur, elle constate que la Tunisie tombe dans un cercle vicieux. Alors que le pays est confronté au changement climatique et à des périodes de sècheresse toujours plus fréquentes, le choix des cultures tunisiennes n’a pas changé et les espèces cultivées restent extrêmement consommatrices en eau.

Du côté des agriculteurs, elle constate une passivité face aux événements. Pour Sarah, la situation est grave, d’autant plus que la désertification ronge peu à peu leurs cultures.

Peu connu des Tunisiens, cet arbre venu du sous-continent indien possède des propriétés parfaitement adaptées au milieu aride

Tout commence sur les terres de son grand-père, dans la région agricole de Hencha, au nord de Sfax. Comme souvent dans le pays, l’eau manque depuis plusieurs années. « Dans ce contexte climatique aride, les gens ne s’adaptent pas ! », s’agace Sarah.

Alors pour avancer, elle fait elle-même ses premières expériences dans un champ d’oliviers cinquantenaires. Elle plante de l’acacia naturel, et plus précisément l’acacia moringa.

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Peu connu des Tunisiens, cet arbre venu du sous-continent indien possède des propriétés parfaitement adaptées au milieu aride. Grâce à ses racines profondes, le moringa puise l’eau à 60 mètres sous terre, offrant le double avantage de limiter l’irrigation et de créer une barrière naturelle contre l’érosion.

Il protège le sol de sa canopée et permet de l’humidifier en fixant l’azote, une aubaine quand il s’agit de redonner vie à des sols devenus arides ou détériorés. L’idée de Sarah est donc simple : implanter l’acacia dans les cultures du pays et changer les habitudes des agriculteurs.

Une membre de la communauté Acacias pour tous © La Presse

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Restaurer l’écosystème, créer des revenus

Le projet pilote contre la désertification est lancé en 2012, dans le village de Bir-Salah, près d’El Hencha. Soutenue par les jeunes de Ashoka Venture, Sarah Toumi met en place un centre de démonstration avec sa pépinière que son équipe utilise pour des « pratiques agricoles durables ». Quatorze régions sont concernées par cette campagne de reforestation, principalement dans le sud tunisien, à Gabès ou El Omrane.

Pour bouleverser les pratiques de production des agriculteurs, Sarah commence à travailler avec les agriculteurs ruraux, souvent des femmes du village de Bir-Salah

Hosn El Oujoud Tborski, responsable communication affirme que l’entreprise s’appuie sur « des ambassadeurs constitués en coopératives qui assurent le boulot », avant d’ajouter : « notre organisation s’engage à racheter par la suite la production constituée souvent de produits dérivés tels que la tisane, le miel, la poudre de feuilles… ».

Pour bouleverser les pratiques de production des agriculteurs, Sarah commence à travailler avec les agriculteurs ruraux, souvent des femmes du village de Bir-Salah. Les femmes sont pour la plupart propriétaires de petites parcelles de terre et n’ont accès ni à l’information scientifique, ni aux marchés potentiels, pour autant, Sarah constate qu’elles sont plus réceptives au changement et à l’innovation.

Alors quand elle leur propose sa solution, rares sont celles qui refusent. Elles voient très vite dans la réinsertion de l’acacia une source importante de revenu. En effet, l’association de Sarah Toumi apporte les graines et quand l’arbre est assez grand, des femmes volontaires coupent les branches, sèchent les feuilles et les réduisent en poudre, en grande partie destinée au marché européen. Riche en vitamines et minéraux, cette poudre est transformée en complément alimentaire, en miel ou en tisane.

Tout cela se fait chez les femmes, sur leurs terres, dans le cadre d’une « coopérative » qui exige de chaque femme le paiement d’une somme modique mais qui lui offre la possibilité de commercialiser sa production et de s’initier aux techniques des affaires.

Un champ d'acacias. © La Presse

Un champ d'acacias. © La Presse

Le Maghreb comme horizon

Depuis, le projet a fait ses preuves et 50 000 arbres ont déjà été plantés. Désormais, l’ambition de Sarah est de planter un million d’arbres à l’horizon 2018 et d’étendre ses activités à travers le Maghreb. Car que ce soit en Algérie ou au Maroc, les problématiques sont les mêmes qu’en Tunisie.

On retrouve ainsi une forte proportion de la population employée par le secteur agricole (40 % au Maroc, 11 % en Algérie et 16 % en Tunisie) tandis que les terres arables se font de plus de plus rares. Dans ces zones semi-arides, les cultures pratiquées restent encore l’olivier et l’amandier, deux espèces très gourmandes en eau alors que la région fait face à la même raréfaction des ressources aquifères.

Mais Sarah le sait, reproduire la formule des coopératives dans tout le Maghreb est une étape ambitieuse. Pour porter son projet sur les trois pays, elle devra trouver des relais sur lesquels s’appuyer. Sans doute, la jeune Tunisienne nourrit l’espoir que son parcours suscitera des vocations, et que d’autres femmes se sentiront la force de bousculer des pratiques agricoles si profondément ancrées.

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