Racisme : la subtile confusion

Le racisme n’épargne toujours pas les ministres français d’origine étrangère. De Rachida Dati à Najat Vallaud-Belkacem en passant par Rama Yade, il a tissé une toile de confusion dans laquelle s’empêtrent même les antiracistes…

L’oeil de Glez © Glez

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Publié le 4 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Le racisme prolifère sur la confusion comme sur du fumier. Surtout quand cette confusion est orchestrée comme un second degré officiellement dédouané par ses imprécisions. Le polémiste déguisé en humoriste Dieudonné Mbala Mbala a tellement emprunté cette ligne de crête qu’elle est devenue une brèche dans laquelle s’engouffrent tout à la fois le politiquement correct et le politiquement incorrect. Et l’on manie les connotations comme des grenades dégoupillées…

Le magazine "Valeurs actuelles" vient d’en donner un nouvel exemple. Ce 4 septembre paraît sa première couverture depuis la réaffectation de Najat Vallaud-Belkacem dans le gouvernement français. L’hebdomadaire y qualifie le nouveau ministre de l’Éducation d’“ayatollah”. Cris d’orfraie des uns et ricanement des autres. Les uns, ce sont ceux qui lisent dans ce mot une allusion aux origines marocaines de la femme politique. Les autres, ce sont ceux qui l’ont employé à dessein, obtenant leur petit effet tout en arguant que les populations d’Iran et du Maroc n’ont pas de point commun "ethnique". Ni même religieux, l’Iran étant aussi majoritairement chiite que le Maroc est sunnite. Ne se moucherait alors que ceux qui se sentent morveux, c’est-à-dire les professionnels obsessionnels de l’anti-racisme.

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Et voilà comment on démine une bombe… après qu’elle a explosé. Accorder à "Valeurs actuelles" le bénéfice de la bonne foi serait oublier tout à la fois sa ligne éditoriale habituelle et les coups de griffes récurrents que reçoivent les ministres français d’origine étrangère. Dans le camp politique opposé de Najat Vallaud-Belkacem, les “triplettes” de Nicolas Sarkozy en avaient pris pour leur grade. Pour de bonnes ou mauvaises raisons, l’ancien président avait nommé au gouvernement Rachida Dati – fille d’un Marocain et d’une Algérienne –, Rama Yade – née au Sénégal – et Fadela Amara – issue d’une famille kabyle.

Selon la biographie "Rachida ne meurt jamais", un membre de la motion "La Droite forte" de l’UMP aurait déclaré que l’ancien Garde des Sceaux "aurait dû voler des mobylettes dans la banlieue de Chalon-sur-Saône". Rama Yade, ancienne secrétaire d’État aux Droits de l’homme, rappelle à qui veut l’entendre qu’elle a reçu "régulièrement des lettres avec des dessins de singes", sans jamais sans plaindre. Fadela Amara, quant à elle, a appris deux choses de son parcours de militante à l’association "SOS racisme" : l’ostracisme se niche à bien des niveaux de la société française et on le combat mieux en le dénonçant.

C’est ce que pense également l’actuel garde des Sceaux français, Christiane Taubira, qui aime rappeler que "le racisme n’est pas une opinion", mais "un délit". Elle est bien placée pour témoigner des vexations subies par certains ministres peu conformes aux stéréotypes gaulois. "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane" titrait, il y a quelques mois, le journal d’extrême droite "Minute". Là encore, un journal devenait le passeur d’un relais du pire. En amont, se trouvaient des racistes confirmés comme cette candidate du Front national qui, sur sa page Facebook, compara le ministre à un singe. En aval, se découvraient d’apprentis intolérants nourris par cette presse, comme cette fille d’une dizaine d’années qui, lors d’une visite à Angers de Taubira, aurait lancé : "C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon !"

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Cette effrayante revue des insultes les plus fameuses semble dessiner une double peine.

Cette effrayante revue des insultes les plus fameuses semble dessiner une double peine. Vallaud-Belkacem, Dati, Amara, Yade et Taubira évoluent sous les feux croisés de la misogynie et du racisme. La Garde des Sceaux est même à la confluence de trois intolérances. Pour avoir porté la loi sur le "mariage pour tous", elle subit les saillies conjuguées des misogynes, des racistes et des homophobes. Faut-il se réjouir que les principales tares soient concentrées dans les mêmes cortex cérébraux ?

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La misogynie et le racisme ne s’annulant pas, pourquoi relève-t-on si peu d’indélicatesses à l’encontre de la nouvelle ministre de la Culture, Fleur Pellerin née Kim Jong-Suk en Corée du Sud ? Les racistes ont cela de particulièrement vicieux que leurs aversions à géométrie variable conduisent les anti-racistes à glisser sur la pente des concurrences d’épiderme. Les immigrés asiatiques feraient-ils l’objet d’un traitement spécifique à la fois des racistes et des antiracistes ? Les déboires de Vallaud-Belkacem, Dati, Amara ou Yade seraient donc moins liés à l’antinomie "Français-étranger" qu’à la distinction "Afrique-reste du monde". Mais que dire de Christiane Taubira, ni d’origine africaine, ni même d’origine étrangère, sinon dans l’esprit de ceux qui cultivent, là encore, la confusion… 

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Cette foutue confusion finira par donner raison à Dieudonné sur un point : on ne peut plus rien dire. Sauf que c’est un peu de sa faute si on ne peut plus rien dire. Et que c’est un peu de la faute des racistes s’il devient gênant de déguster une meringue au chocolat appelée "tête-de-nègre". Et un peu de la faute de chocolateries qui en rajoutent des couches, comme celle qui, à Auxerre, vient d’annoncer le retrait de ses biscuits "bamboula" et "négro".

Cette indélicatesse culinaire dévoilerait finalement la clef de la confusion : c’est la couleur noire de la peau qui susciterait l’urticaire des racistes plus que les origines africaines, créant ainsi une homogénéité dans l’association Taubira-Yade et une hétérogénité dans l’association Taubira-Pellerin. Sauf que Najat Vallaud-Belkacem n’est pas plus noire que chiite…

>> Retrouvez tous les dessins de Damien Glez ici

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Par Damien Glez

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