Voici pourquoi la mutation de l’économie chinoise est une aubaine pour l’emploi en Afrique selon l’ancien chef économiste de la Banque mondiale
Lors de l’assemblée générale d’Afreximbank, mercredi 28 juin, l’ancien chef économiste de la Banque mondiale, Justin Lin, a livré quelques clés pour profiter du changement structurel de l’économie chinoise.
L’industrialisation des pays en développement est un échec. C’est en substance le point de départ du message délivré le 28 juin par Justin Lin, à l’occasion de l’Assemblée annuelle d’Afreximbank, la banque panafricaine du financement du commerce, qui se tient jusqu’au 1er juillet à Kigali.
Rappelant que les pays qui ont « un taux de croissance industrielle élevé ont aussi un taux de croissance du PIB élevé », le professeur et prolixe (24 livres à son actif) auteur chinois, qui a été durant quatre ans (2008-2012) chef économiste à la Banque mondiale, a livré ce cruel constat : depuis le milieu du vingtième siècle, sur 200 économies en développement, 2 seulement sont passées du statut de pays à faible revenu à celui de pays à haut revenu : la Corée du Sud et Taïwan. La Chine devant être le troisième en 2025.
« Les résultats sont particulièrement mauvais pour l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud », a-t-il ajouté.
Échec des précédentes politiques industrielles
Les politiques industrielles menées tant dans les années 60-70 (stratégie de substitution aux importations) que dans les années 80-90 (consensus de Washington) ont échoué : les premières en créant des éléphants blancs et des entreprises non viables, les secondes en démantelant brutalement les protections industrielles existantes avec l’espoir que l’industrialisation se ferait par la seule force du marché…
Les rares pays qui ont connu de vrais succès ont adopté des approches pragmatiques, soutenant les entreprises non viables le temps de les réorienter et facilitant le développement des activités dans lesquelles le pays avait un avantage comparatif.
Justin Lin a notamment cité le cas de la Chine et du Vietnam, insistant toutefois sur le fait que le premier pays au monde à avoir adopté cette approche restait Maurice.
Opportunité historique
Le monde émergent, et notamment l’Afrique, a selon lui aujourd’hui une opportunité historique pour s’industrialiser via le commerce, opportunité comparable à celles connues par le Japon après la Seconde Guerre mondiale, les Tigres asiatiques dans les années 60 puis la Chine dans les années 80.
Session: Financing industrialisation of #African #economies with @GroupEcobank et al. Watch live: https://t.co/C8PVMJKuQr #AfreximAGM17 pic.twitter.com/6ZIcrFDlUo
— Afreximbank (@afreximbank) June 28, 2017
« Il y a 85 millions d’emplois industriels en Chine, et ce pays est en train de changer structurellement en s’orientant vers des industries plus capitalistiques, a-t-il expliqué. Il y a donc beaucoup d’espace pour les autres pays pour développer des industries à fort contenu en emploi. »
Priorité aux marchés internationaux
L’économiste a donné quelques conseils : déterminer les secteurs dans lesquels le pays à un avantage comparatif latent (avec un coût des facteurs faible mais des coûts de transactions élevés qui pourront être abaissés par des investissements judicieux) ; s’inspirer des politiques industrielles de pays dynamiques et ayant une structure économique proche ; attirer des investisseurs étrangers dans le secteur cible ; développer l’innovation.
Selon lui, les pays africains, dont les besoins en création d’emplois sont importants, devraient en priorité viser les marchés internationaux plutôt que régionaux.
L’intérêt des zones économiques spéciales
Il a également plaidé, dans les pays souffrant d’un mauvais climat des affaires, pour la création de zones économiques spéciales et de parcs industriels bien ciblés.
« Avoir une politique industrielle est essentiel. Les ressources des gouvernements sont limitées, il faut les utiliser stratégiquement », a-t-il insisté, citant ce qui constitue selon lui les deux grands succès subsahariens récents en termes d’industrialisation : la création d’une usine de production en Éthiopie par le Chinois Huajian en 2011-2012, qui a créé en peu de temps plusieurs milliers d’emplois et entraîné la création d’un secteur d’activité en plein essor et, plus récemment, le cas de l’entreprise de textile chinoise C&H Garments qui a débuté ses activités dans la zone économique spéciale de Kigali.
À demi-mots, l’économiste a plaidé pour un État visionnaire et volontaire en matière de stratégie, pour ne pas laisser passer le train de l’industrialisation.
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