Hervé Ouattara : « Bori-Bana répond à une exigence du moment au Burkina Faso »
Au Burkina, après avoir participé au soulèvement contre le pouvoir de Blaise Compaoré, les activistes Hervé Hervé, Safiatou Lopez et Marcel Tankaono ont fondé la coalition « Bori-Bana » ou « la course est terminée ».
Cofondateur de ce mouvement très critique sur la gestion du président Kaboré au pouvoir depuis 18 mois, Hervé Ouattara, 37 ans répond aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Vous avez créé avec les activistes Safiatou Lopez et Marcel Tankoano une coalition dénommée »Bori-Bana » ou « La course est terminée » en langue dioula. Pourquoi ?
Hervé Ouattara : Sa naissance répond à une exigence du moment. Vous savez que depuis l’avènement du Mouvement du peuple pour le Progrès (MPP, au pouvoir), il était question de nous donner la main pour bâtir notre démocratie et renforcer nos institutions. Après plus d’un an et demi de gestion, nous avons constaté que les choses n’ont pas véritablement changé. Pire, le mode de fonctionnement est basé sur le mensonge, les diatribes et la désinformation. Ce sont des maux que nous avons combattu sous l’ère Compaoré. Nous disons « Bori-Bana » ou « la course est terminée » dans la mesure où il faut arrêter d’essayer d’amadouer les gens sous prétexte qu’on est au pouvoir.
De même, il faut cesser de proclamer que tout va bien pendant que rien ne va. Nous arrêtons donc la course à partir du moment où nous estimons que le peuple mérite mieux que ça. Nous demandons plus d’efforts aux gouvernants actuels qui ont décidé d’écrire une nouvelle page de notre histoire et surtout de répondre aux aspirations du peuple. Malheureusement, ils peinent à concrétiser leurs promesses. Notre coalition est née pour les y obliger, au besoin.
Ne pensez vous pas que la société civile outrepasse son rôle de contre poids pour s’ériger en parti politique de l’opposition en tirant à boulet rouge sur le pouvoir ?
Qui ne fait pas de la politique ? Même dans le milieu syndical, vous verrez des syndicats qu’on appelle des rouges, des collabos, etc. Même dans votre milieu, on voit des médias créés par des partis politiques. Je pense que pour ancrer les bases de notre démocratie, il importe de cerner les problèmes que nous posons en y apportant des réponses idoines. Que la société civile fasse de la politique, ça ne résout pas le problème du Burkina Faso. C’est comme si vous déclariez que les poules mangent de la graine. Quand il s’agissait de chasser le président Compaoré pourtant élu démocratiquement, personne ne criait que la société civile ne doit pas faire de politique ou même quand nous organisions des marches avec l’opposition. Pour moi, c’est de la poudre aux yeux. Pourquoi les gens croiraient-ils aujourd’hui que nous ne devrions pas être politisés ? La société civile a toujours opéré ainsi.
Allez vous créer un parti politique ?
Ce n’est pas dans mon agenda actuel. Si demain ça s’impose, peut être que je franchirai le Rubicon.
Quels sont vos rapports avec les ténors du parti au pouvoir avec lesquels vous avez cheminé durant l’insurrection populaire ?
Je l’ai toujours dit : il n’y avait pas de nuages entre nous. Nous étions en très bons termes. Je dirai même très liés. Nous avons mené ensemble le combat au sein du CFOP (Chef de file de l’opposition politique) et en dehors jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Roch Kaboré. Je rentre à Kossyam [le palais présidentiel] comme je veux. J’ai échangé à plusieurs reprises avec le président Kaboré sur la situation actuelle mais il n’a jamais été question de me positionner pour un quelconque poste. Mon combat, loin d’être dirigé contre des individus, vise plutôt un idéal commun : le développement du Faso et l’ancrage de notre démocratie.
Et avec l’opposition?
L’opposition et moi, ce n’est pas le beau temps après la pluie. J’estime que la présence des partis de la Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale (Coder) – l’ancienne majorité présidentielle de Compaoré – me pose problème.
Qui a donné quoi à qui et à quelle fin, je pense que ce n’est pas le moment d’en parler
Une certaine opinion vous accuse d’avoir été financé par les dirigeants actuels…
Nous financer à faire quoi ? Je n’ai jamais nié leur soutien financier. En temps opportun j’en parlerai. Pour le moment, j’ai d’autres priorités.
Avez-vous été financés pour mener l’insurrection populaire…
Ce n’est plus un secret. Je ne dirai pas que le MPP ne nous a pas soutenus. Au moment opportun, nous dirons les choses telles qu’elles se sont déroulées. Avant l’insurrection populaire, bon nombre d’organisations de la société civile ont été appuyées pour s’organiser dans les secteurs, les arrondissements, dans les campagnes et les villes afin de venir à bout du pouvoir du président Blaise Compaoré [en exil en Côte d’Ivoire depuis sa chute en octobre 2014]. Maintenant, qui a donné quoi à qui et à quelle fin, je pense que ce n’est pas le moment d’en parler.
Durant la transition politique, la société civile a roulé pour le général Zida.
Zida avait à cœur la réussite de la transition. Pour nous, cela était un impératif. Nous nous sommes battus à ses côtés pour défendre cette cause. Il a donné corps et âme au succès de la transition. Vous avez vu ce qu’il a subi de la part de ses camarades et frères d’armes. Je suis heureux de voir que nous avons un président démocratiquement élu à la tête de notre pays.
Au point que Zida aurait financé également notre mouvement, le Collectif africain pour la Renaissance ?
(Rires !) Si Zida a octroyé des fonds au Citoyen africain pour la renaissance (CAR), il appartient à ceux qui le disent d’en fournir la preuve. Pour ma part, je dis que le CAR est un mouvement citoyen, doté d’une vision et d’un programme comme le défi de l’indépendance de notre monnaie, le Franc CFA. Nous n’allons pas verser dans les commérages. Seule la réalisation de nos objectifs nous préoccupe. Je vais vous surprendre, le CAR reçoit des soutiens financiers de personnes que vous n’imaginez pas et de la diaspora burkinabè, séduite par notre cause. Bientôt, je serai au Cameroun pour animer des conférences sur cette alternative de monnaie locale et à Paris, pour installer une section du CAR.
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