Joburg Art Fair : quand Artlogic fait la Foire

Fin août, la septième édition de la Joburg Art Fair a attiré plus de 9 000 visiteurs. À l’origine du succès de cet événement unique en Afrique, la compagnie Artlogic. Reportage.

Cry Havoc, oeuvre de Mary Sibande, galerie Momo. © Nicolas Michel

Cry Havoc, oeuvre de Mary Sibande, galerie Momo. © Nicolas Michel

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 3 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Le monde des squales, le Sud-Africain Ross Douglas le connaît bien : il fut l’un des premiers à réaliser un film sur la plongée libre avec les grands blancs pour National Geographic. Avant de devenir réalisateur, ce passionné de nature avait été guide dans le delta de l’Okavango. Des dents de la mer aux requins du monde de l’art contemporain, la transition n’est pas évidente. Pourtant, Ross Douglas est aujourd’hui le directeur d’Artlogic, entreprise de dix personnes installée à Johannesburg qui organise la Joburg Art Fair, unique foire commerciale d’art contemporain du continent.

Un rien débraillé, des cernes sous les yeux, le jeune entrepreneur répond aux questions sans chichis : "Je réalisais des documentaires animaliers quand Big Brother et la téléréalité ont débarqué, en 2002. J’étais dans la mouise, il fallait que je me réinvente… C’est à ce moment que j’ai découvert les films de William Kentridge." Avec Marlene Dumas, Kentridge est le plus célèbre (et coté) des artistes sud-africains vivants, connu essentiellement pour ses films animés en noir et blanc.

la suite après cette publicité

Subjugué, Ross Douglas lui propose de projeter ses oeuvres en public et en musique. Il n’a pas d’argent ? Qu’à cela ne tienne, Douglas s’appuie sur des sponsors : la Standard Bank et la Rand Merchant Bank en Afrique du Sud, Bloomberg à New York. Ces performances, dont une projection dans Central Park, sont un succès. Ce n’est pas assez "pour vivre", mais de cette expérience naît l’idée de créer une foire commerciale d’art contemporain, à l’image – mais plus modeste – de celles de Frieze (Londres) et de Bâle (Suisse).

C’est il y a environ trois ans que la formule a commencé à donner des résultats.

"C’était difficile à faire, je ne pouvais pas louer les murs et j’ai dû emprunter beaucoup", se souvient Douglas. La première édition a lieu en 2008. Ce n’est pas véritablement un succès, pas plus que les éditions suivantes d’ailleurs. Douglas est au bord de la faillite.

De plus en plus d’artistes, de galeristes et de collectionneurs noirs

Puis, il y a environ trois ans, la formule a commencé à donner des résultats. "Nous avons réussi à convaincre des sponsors que ce genre de mise de fonds dans l’art contemporain pouvait apporter de meilleurs retours sur investissement que, par exemple, les pubs à la télévision." Soutenue par la First National Bank, la 7e édition de la Joburg Art Fair (22-24 août 2014), avec un budget de 10 millions de rands (712 000 euros) et un chiffre d’affaires de 23 millions de rands, a attiré 9 500 visiteurs venus voir les 400 artistes du continent exposés par une quarantaine de galeries – lesquelles paient environ 120 euros le mètre carré d’espace.

la suite après cette publicité

Depuis 2008, Artlogic s’est développé et produit aujourd’hui la Sanlam Investments FoodWineDesign Fair, l’Angel Fair, l’Africa Cycle Fair et la Winter Sculpture Fair. Collectionneur d’art contemporain africain, auquel il consacre chaque année un mois de son salaire, Ross Douglas confie n’organiser des foires qu’à partir de ses passions. Bientôt, Artlogic pourrait se signaler à Copenhague (2015) et à Hong Kong (2016).

Lagos ? Si le Nigeria est très dynamique sur la scène de l’art contemporain, y monter une foire est un "défi difficile". En attendant, Ross Douglas se félicite de la bonne tenue de la Joburg Art Fair – et de sa mixité. "Il y a cinq ans, dit-il, il n’y avait que 1 % de visiteurs noirs ; aujourd’hui, c’est presque 40 %. Et il y a plus d’artistes, de galeristes, de collectionneurs noirs…"

la suite après cette publicité

Ce n’est pas le seul changement : le rôle même des galeries, essentiel par rapport aux logiques du marché, commence à être accepté. "Elles peuvent s’occuper d’un artiste, gérer la présentation de ses oeuvres, les vendre… En Afrique, il y a toujours cette idée qu’elles se contenteraient de prendre 50 % de l’argent, mais cela change. La plupart des artistes veulent être dans une galerie, aujourd’hui…"

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires