NBA – Serge Ibaka : monstre du contre
À 24 ans, il est aujourd’hui l’un des tout meilleurs défenseurs de la NBA. Il y avait pourtant loin des rues de Brazzaville aux projecteurs américains.
Nous sommes le 25 mai 2014. La sonnerie annonçant la fin du match retentit dans l’antre du Thunder d’Oklahoma City. Les spectateurs sont soulagés : alors que leur équipe était menée deux à zéro dans la série finale de la Conférence Ouest de la NBA face aux Spurs de San Antonio, un homme vient d’inverser la tendance. Il s’appelle Serge Ibaka et vient du Congo-Brazzaville. Absent lors des deux premières confrontations à cause d’une blessure, il permet au Thunder de revenir à égalité, avant de s’incliner (4-2).
Depuis trois ans, ce défenseur devenu espagnol est la terreur des parquets américains. Du haut de ses 2,08 m, il enchaîne les contres, au point que certains l’ont baptisé le Monstre du Thunder. Né dans une fratrie de 18 enfants le 18 septembre 1989 à Brazza, Serge Ibaka a déjà acquis la maturité que seul autorise un parcours hors norme.
Ses parents sont entraîneurs de basket-ball et anciens internationaux : son père pour le Congo-Brazzaville, sa mère, disparue alors qu’il était enfant, pour la RD Congo. Gamin, Serge Ibaka se signale déjà dans les rues de la capitale. Quand ses camarades se rassemblent autour d’un ballon de foot, lui s’exerce aux shoots, après avoir « fabriqué un panier ». « J’avais cette soif du jeu, et parfois j’utilisais ma chaussure en guise de ballon », se souvient-il.
Orphelin de mère, privé de son père emprisonné à la suite de la guerre civile, Ibaka retrouve les rues de Brazzaville en 2002 après un exil à Ouesso, dans le Nord. Le jeune basketteur, qui, à 12 ans, mesure déjà 1,92 m, progresse rapidement. À 14 ans, il rejoint l’équipe de l’Avenir du Rail, entraînée par Maxim Mbochi, ancien coéquipier de son père. Bonne pioche : en 2006, il obtient une invitation pour les championnats d’Afrique des moins de 18 ans, à Durban, en Afrique du Sud. Il y est sacré meilleur joueur. « C’est là que tout a commencé, explique-t-il. Tout le monde a cherché à entrer en contact avec mon père. »
« J’ai été dans douze pays africains, j’ai observé des centaines de joueurs et je n’en ai jamais vu un comme lui », confie Pere Gallego, son agent espagnol. Sa personnalité et son abnégation font de l’adolescent une perle rare qui rêve de jouer à l’étranger, au moins en Angola. Mais c’est finalement en Espagne, après un court passage de trois mois en France et deux années de galère pour obtenir un visa, que Serge Ibaka pose ses valises. « C’était la porte d’entrée, l’endroit où j’ai senti qu’il y avait de l’espoir. »
Le Monstre prend ses marques, perfectionnant sa technique sous les yeux des recruteurs. En 2008, il est choisi en 24e position de la Draft (système de sélection américain) par les Seattle Supersonics, rebaptisés depuis Thunder d’Oklahoma City, devenant le premier joueur du Congo-Brazzaville à atteindre ce niveau. « C’est mon plus beau souvenir, je n’arrivais pas à y croire. » La franchise décide toutefois de le laisser poursuivre en Espagne, tout en prenant soin de conserver la possibilité de le recruter. Ce sera chose faite en 2009 : direction Oklahoma.
Ibaka n’entend alors rien à l’anglais et dépend de son équipier américain hispanophone, Moses Ehambe, pour les traductions. Cela ne l’empêche pas de crever l’écran, aidé par ses grands frères, le Camerounais Luc Mbah A Mouté et l’ancien des Rockets de Houston, le Kinois Dikembe Mutombo. Dès 2011, il devient le joueur ayant réalisé le plus de contres en une saison, comme en 2012, 2013 et 2014.
Champion de la Conférence Ouest en 2012, il accède à la finale NBA contre Miami, qui sort vainqueur, et, la même année, devient champion d’Europe avec l’Espagne, future vice-championne olympique aux Jeux de Londres. En 2014, il atteint une nouvelle fois la finale de la Conférence Ouest, s’inclinant face à San Antonio.
>> Voir aussi : les 10 plus belles actions des Africains de la NBA
Espagnol vivant aux États-Unis, Serge Ibaka n’en a pas moins conservé un lien fort avec l’Afrique. « Mon coeur est au Congo, les Espagnols le savent : ils m’appellent Air Congo », confie celui qui porte autour du cou un pendentif orné de diamants en forme d’Afrique. Après avoir enseigné à sa petite amie américaine à cuisiner le foufou, il espère aujourd’hui apporter son aide au basket national, notamment pour la détection des jeunes, en particulier parmi les orphelins, avec l’Unicef.
« Il y a un problème de structure et ce n’est pas facile de continuer à rêver, mais on a des talents et toutes les équipes cherchent des Africains », explique-t-il, se disant déjà impatient d’affronter des adversaires du continent lors de la Coupe du monde qu’il dispute avec l’Espagne depuis le 30 août. « Quand j’étais gamin, je rêvais de jouer contre des équipes comme l’Angola, mais je n’en ai pas eu l’occasion avec le Congo », dit-il. Le rendez-vous pourrait avoir lieu…
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