Parfait Onanga-Anyanga : « La Minusca est aujourd’hui le dernier rempart contre le chaos en Centrafrique »

Du départ du contingent congolais de la Minusca au plan de paix de Sant’Egidio en passant par les violences à Bria : le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Centrafrique fait le point pour Jeune Afrique sur la situation en Centrafrique.

Parfait Onanga-Anyanga, le 5 janvier 2016. © Ibexxebi/CC/Wikimedia commons

Parfait Onanga-Anyanga, le 5 janvier 2016. © Ibexxebi/CC/Wikimedia commons

CRETOIS Jules

Publié le 3 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

De la parution d’un long rapport sur les atteintes aux droits de l’Homme durant le conflit fin mai au départ du contingent de casques bleus fin juin, la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca) a été au centre de l’actualité ces dernières semaines. Les critiques n’ont pas épargné cette institution, notamment après les violences à Bria, à la mi-mai. Parfait Onanga-Anyanga, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en République centrafricaine répond à nos questions sur le sujet.

Jeune Afrique : aujourd’hui, la Minusca fait l’objet de nombreuses critiques. Comment les accueillez-vous ?

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Parfait Onanga-Anyanga : Nous prenons toutes les critiques au sérieux et nous évaluons nos actions aussi à l’aune de ces critiques. Mais interrogez le Président : nous sommes aujourd’hui le dernier rempart contre le chaos en Centrafrique. La Minusca, à plusieurs endroits, remplace un état failli. Et je crois que le creux de certaines critiques qu’on nous fait, c’est l’idée que l’usage de la force est à la fois le moyen et la finalité. Or, il se trouve que cela est faux.

Actuellement, les problèmes en Centrafrique sont le délitement du contrat social et l’instrumentalisation de la religion. Nous avons vu les effets désastreux de ces dernières dynamiques à Bangassou. Le problème est avant tout politique et la réponse le sera aussi. Bien entendu, nous sommes conscients de l’impact de la prédation des ressources naturelles sur la poursuite du conflit.

Pour autant, vous ne niez pas l’importance de la force dissuasive ?

Non. À Bambari, par exemple, les menaces étaient nombreuses et nous avons réussi à prévenir tout débordement. Soyons très clair : en février dernier, des violences à Bambari auraient ruiné tout espoir de retour au calme et toute discussion pour la paix. Certains groupes armés pensaient que nous bluffions, mais nous avons utilisé la force, il le fallait.

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Notre rôle est aussi d’assurer une reprise de la vie économique. C’est pour cela que nous sécurisons par exemple la MSR1, principale route d’approvisionnement du pays, qui va vers le Cameroun.

Que pensez-vous du départ du contingent congolais ?

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Le départ est l’expression de la volonté de la Minusca que les troupes sous son commandement soient en accord avec ses valeurs et jouissent du respect des populations. L’image de la Minusca a été ternie par le passé et nous avons fait des efforts colossaux pour redorer son blason.

Nous apprécions les sacrifices faits par la nation congolaise et ses troupes, nous félicitons le rôle du président Sassou-Nguesso dans les efforts de médiation mais nous ne pouvons pas fermer les yeux sur certains actes [le soldats de ce contingent ont été accusés d’agressions sexuelles et de participation à des trafics, NDLR]. Et je précise qu’il reste une unité de police congolaise à Bangassou, très efficace.

Etes-vous satisfait de ce qui s’est dit à Sant’Egidio ?

J’étais présent à Sant’Egidio. Nous apportons un appui à cette communauté car elle est jugée neutre et est très respectée en Centrafrique. Bien sûr nous apprécions que des acteurs du terrain signent un texte qui condamne les attaques contre les Casques bleus. Ce qui est positif, c’est que le texte déplore explicitement l’impunité. On sent une volonté de tourner la page. La Centrafrique a connu quatre grandes amnisties depuis 2007, mais aujourd’hui, la population ne semble plus en vouloir et les groupes armés le savent. Sant’Egidio a pris acte de ce fait.

Quelques jours après Sant’Egidio, à Bruxelles, les acteurs institutionnels parmi lesquels la France, les États-Unis, l’Union Européenne, la CEEAC, l’Union africaine et les Nations Unies se sont réunis à l’invitation du Président Touadéra et se sont engagés à fusionner les feuilles de route du gouvernement et de l’Union africaine. On sent aujourd’hui une concordance des points de vue bénéfique. Le 30 juillet aura lieu une prochaine réunion du Comité de suivi du plan DDRR et nous pouvons espérer qu’elle consacre cette tendance.

Certains ont perçu les évènements de Bria comme un aveu d’échec…

Les évènements de Bria ont été présenté comme une remise en cause des accords. Je ne crois pas que ce soit la bonne lecture. À Bria, c’est une dynamique locale qui a prévalu. Un véritable tableau impressionniste. Il s’agit de luttes entre groupes armés sur fond de dissensions internes dans un même groupe armé, de compétition pour les ressources, et les réponses sont difficiles à apporter. Mais il ne s’agit pas d’un désaveu de Sant’Egidio.

Concernant les critiques qui nous ont été faites, ce que je peux dire, c’est que sur certains terrains, nous repoussons les limites du maintien de la paix. Beaucoup de contingents sont surpris par la dureté des attaques et les violences asymétriques. S’adapter peut demander du temps, mais nous nous y employons.

Le système de double commande pose-t-il problème ?

La double commande est un problème inhérent à toutes les forces de paix mais sur le terrain. Cependant, dans le cas de la Minusca, cela n’a en rien entamé l’efficacité de nos troupes. Les troupes portugaises, bangladaises ou gabonaises sont des exemples parmi d’autres.

Quelques semaines après la parution d’un long rapport de l’ONU sur la Centrafrique, êtes vous satisfait de ses retombées ?

Le rapport fera partie de la stratégie du procureur spécial et de la justice transitionnelle. C’est aussi un document que la société civile centrafricaine s’est déjà approprié. Il est un bon exemple de l’accompagnement des institutions que nous effectuons : nous tentons d’amener notre savoir-faire et nos moyens pour faciliter le travail de l’État et permettre un renforcement de l’État de droit.

Comment allez-vous accompagner le plan de paix échafaudé à Sant’Egidio ?

Notre rôle sera notamment de surveiller la mise en place de la cessation des hostilités, prévue par les accords de Sant’Egidio. Ce sera l’une des nos actions majeures pour accompagner le dialogue national.

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