Algérie : Abdelaziz Belkhadem… puni, banni et honni
L’ancien patron du FLN a été chassé du parti et destitué par le président Bouteflika de son poste de conseiller spécial. Motif de cette brutale éviction : sa participation à un raout de l’opposition.
Un flingage comme il s’en est rarement produit depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika en 1999. Le 26 août, le président a destitué Abdelaziz Belkhadem, 68 ans, l’un de ses plus proches collaborateurs, de son poste de conseiller spécial à la présidence et mis fin à "ses activités en relation avec l’ensemble des structures de l’État". La punition ne s’est pas arrêtée là puisque le chef de l’État, qui assure également la présidence d’honneur du FLN, a demandé le bannissement de Belkhadem des instances de ce parti.
Et lui a même interdit de participer à la vie de cette formation que le proscrit avait pourtant dirigée de février 2005 à janvier 2013. Traditionnellement adepte du secret, la présidence n’a fourni aucune explication pour justifier cette sanction, aussi brutale qu’humiliante. Contacté par J.A., l’intéressé a évité de commenter à chaud sa disgrâce.
Qu’est-ce qui a bien pu provoquer la chute de cet homme auquel Bouteflika semblait accorder une confiance telle qu’il lui avait confié la direction du gouvernement entre mai 2006 et juin 2008 ? À en croire un homme du sérail, Belkhadem a donné le bâton pour se faire battre.
Sa tentative de reconquérir le secrétariat général du parti en se réclamant du soutien du chef de l’État s’est soldée par un pugilat.
Il y a d’abord eu, le 24 juin à l’hôtel El Aurassi d’Alger, lors de la réunion du comité central du FLN, sa tentative de reconquérir le secrétariat général du parti en se réclamant du soutien du chef de l’État. Las, l’affaire s’est soldée par un pugilat entre les partisans de Belkhadem et ceux d’Amar Saadani, son successeur à la tête du FLN, offrant ainsi une piteuse image du parti au pouvoir.
La présidence n’a pas goûté cette initiative, d’autant que Saadani est réputé être cornaqué, sinon soutenu, par Saïd Bouteflika, le très influent frère cadet du président.
>> Lire aussi : Bouteflika, seul maître à bord ?
Ensuite, le chef de l’État a modérément apprécié que Belkhadem n’ait pas apporté son soutien à la participation de soldats algériens au défilé du 14 Juillet, à Paris, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale.
Le contraire eût étonné tant il est de notoriété publique que ce nationaliste milite, à l’instar de plusieurs ténors de la "famille révolutionnaire", pour que la France fasse acte de repentance pour les crimes commis durant la colonisation entre 1830 et 1962.
Ces motifs sont certes sérieux, mais pas suffisamment graves pour expliquer le courroux présidentiel à l’égard de cet ancien professeur d’arabe, parfait francophone, qui a gravi les échelons du pouvoir jusqu’à devenir président de l’Assemblée nationale, ministre, patron de l’exécutif, chef du FLN et sherpa de Bouteflika.
Belkhadem, l’affront
Tout porte à croire que Belkhadem a signé sa perte la veille de la décision présidentielle. Imprudence, défiance ou geste délibéré pour justifier a posteriori son éviction, toujours est-il que, le 25 août, le conseiller était présent à l’université d’été du Front du changement (FC), mouvement d’opposition dirigé par un ex-ministre d’obédience islamiste.
À ce rassemblement participaient notamment les plus farouches opposants du président, les anciens chefs de gouvernement Ahmed Benbitour, Ali Benflis et Sid Ahmed Ghozali, qui, chacun à leur manière, demandent le départ de Bouteflika pour raisons de santé, défaut de légitimité ou défaillances dans la gestion des affaires du pays. Autant dire que la présence de Belkhadem à ce raout constituait un affront que la présidence a vite fait de laver.
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