Football : Emmanuel Adebayor s’est-il vraiment assagi ?

Souvent critiqué pour ses écarts, conspué pour ses coups de gueule, le Togolais Emmanuel Adebayor s’est lancé depuis juin dans une opération de reconquête des cœurs dans son pays.

L’ancien joueur de Tottenham, Emmanuel Adebayor lors d’un match de la première ligue contre White Hart, à Londres. © Sang Tan/AP/SIPA

L’ancien joueur de Tottenham, Emmanuel Adebayor lors d’un match de la première ligue contre White Hart, à Londres. © Sang Tan/AP/SIPA

ProfilAuteur_EdmondDalmeida

Publié le 4 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

L’image d’un Emmanuel Adebayor tout sourire le 28 juin, balai en main, nettoyant la plage de Lomé avec des amis a fait le tour des médias internationaux. Et pour cause, en près de quinze années de carrière dont une dizaine au plus haut niveau, l’international togolais se présente sous un jour nouveau : plus attentif aux questions sociales et environnementales, leader en sélection malgré les difficultés et stable dans le club turc d’Istanbul, Basaksehir, qu’il a rejoint début 2017… Mais Adebayor a-t-il changé pour autant ?

Les Togolais se souviennent qu’en avril 2015 il apportait dans une vidéo son soutien au président Faure Gnassingbé dans le cadre de la présidentielle, commettant ainsi l’irréparable aux yeux d’une partie de la population. Jugé franc mais maladroit dans ses propos, on lui a reproché la même année d’étaler la vie des membres de sa famille sur les réseaux sociaux et d’accuser sa mère de pratiquer « la magie noire » sur lui.

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En sélection nationale, le capitaine n’a pas toujours été exemplaire non plus. Entre ses multiples retraits pour des raisons personnelles et ses non-réponses aux convocations, il n’a pas hésité en juin 2015 à accuser la ministre des Sports et le président de la Fédération d’alors d’avoir demandé au sélectionneur de l’époque, Tom Saintfiet, de lui retirer le brassard de capitaine.

« Adebayor est fini. Il ne fait plus rêver »

Resté longtemps sans club après son passage à Crystal Palace en 2016, le Togolais âgé aujourd’hui de 33 ans avait fini par se retirer à Lomé pour se concentrer sur des séances intensives avec son préparateur physique. Une situation mal vécue par ses fans, dont beaucoup y ont vu la triste fin d’un grand talent. Une impression alimentée par son passage furtif et décevant dans le club anglais (quinze matchs, un but) et son vrai-faux transfert à Lyon en janvier 2017.  Un dernier épisode qui avait achevé de consacrer l’analyse de quelques spécialistes : « Adebayor est fini. Il ne fait plus rêver ».

La nomination de Claude Le Roy à la tête de la sélection nationale a pourtant tout changé. Ce dernier a qualifié le Togo pour la CAN 2017 avec un Adebayor sans club qui a réussi son tournoi en surprenant tout le monde grâce à son excellente condition physique. L’ancien madrilène n’a pas marqué de but durant la compétition mais a suscité la convoitise de quelques clubs. Depuis, il a signé avec l’Istanbul Basaksehir et a réalisé une bonne fin de saison. Avec ses six buts en onze matchs (un triplé contre Galatasaray), Adebayor et son club ont fini à la deuxième place du championnat, synonyme de qualification pour le tour préliminaire de la prestigieuse ligue européenne des champions.

Métamorphose

Alors qu’un vent de renouveau souffle sur la sélection nationale togolaise, c’est sur Emmanuel Adebayor que se base Claude Le Roy pour réussir l’intégration de jeunes joueurs. À son arrivée en sélection début juin, l’emblématique capitaine ne connaissait pas certains joueurs. Mais c’est avec eux qu’il prépare dans une bonne ambiance le déplacement à Blida, soldé par une défaite 0-1 contre l’Algérie. À la fin de la rencontre, le Ballon d’or africain 2008, sur un ton paternaliste, demande à ses coéquipiers de redoubler d’efforts et « de s’acheter leur matériel de travail plutôt que des tablettes… »

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Comme programme phare de ses vacances, Emmanuel Adebayor a organisé une tournée humanitaire. Une occasion pour le capitaine des Éperviers d’effectuer au nom de sa fondation « SEA » (ses initiales) des actions caritatives. « Ce pays m’a tant donné », rappelle-t-il dans chaque ville visitée. Que ce soit à Kara, Sokodé, Kpalimé ou Aného, Sheyi a fait des dons en vivres et en matériel dans les prisons civiles, les orphelinats et disputé avec ses amis des matchs amicaux contre des équipes locales. À Kara, l’ancien Gunner a décidé de prendre en charge durant une année les 90 enfants de SOS Village d’enfants. « SEA » a même été fait notable par le chef supérieur de la ville de Kpalimé où il prévoit de construire un centre de formation de football. À Lomé où il est né, Adebayor a fait don de 12 millions de FCFA au lycée de Kodjoviakopé son ancien quartier, indiquant vouloir construire une dizaine d’écoles sur toute l’étendue du territoire.

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« Ceux qui connaissent bien Adebayor savent qu’il est un piètre communicant et qu’il ne trouve d’ailleurs pas important de changer sur ce plan », indique le journaliste Innocent Azilan en réponse à ceux qui taxent les sorties de la star de coups de communication savamment orchestrés. Un de ses proches explique que l’ancien monégasque a attendu de s’entourer des bonnes personnes pour démarrer ses actions sociales (publiques) dans le cadre de sa fondation lancée il y a exactement quatre ans.

« Il est tellement changeant »

Mais pour certains journalistes qui le suivent depuis ses débuts professionnels, il est trop tôt pour prendre la nouvelle image d’Adebayor pour argent comptant. « Sheyi peut vous surprendre dans tous les sens. Il est tellement changeant », analyse ainsi Claude Gbenyedji. Certains de ses anciens coéquipiers en sélection nationale estiment eux aussi qu’il faudra plus de temps avant de « lui enfiler un nouveau manteau ». « C’est sur l’exemplarité, les propos mesurés et la sagesse sur le long terme qu’on le jugera », confie un ancien international togolais.

Tout proche de sa fin de carrière, Emmanuel Adebayor, jugé « exemplaire » en sélection par son coach, va tenter de qualifier son pays pour la CAN 2019, qui pourrait être son dernier tournoi avec le Togo.

Au crépuscule de sa riche carrière de footballeur, il s’efforce peu à peu de corriger son image de « bad boy », ne voulant pas qu’on se souvienne seulement de ses exploits sportifs ou de ses écarts médiatiques.

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