RDC : qui pour succéder à Tshisekedi à la tête du Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre ?

Le poste de président du Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre 2016 (CNSA) devait revenir à Étienne Tshisekedi, l’opposant historique congolais, décédé début février. Qui occupera finalement cette fonction ? Au moins trois poids lourd se bousculent au portillon.

Joseph Olenghankoy, Eve Bazaiba et Vital Kamerhe  candidats au poste de président du CNSA. © Montage et photos JA

Joseph Olenghankoy, Eve Bazaiba et Vital Kamerhe candidats au poste de président du CNSA. © Montage et photos JA

Publié le 4 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

Après la nomination du Premier ministre, place à la désignation de celui qui devra prendre la place d’Étienne Tshisekedi à la tête du Conseil national de suivi de l’accord (CNSA)La structure doit suivre la mise en oeuvre du compromis politique signé le 31 décembre à Kinshasa. Elle doit également surveiller l’évolution du processus électoral dans le pays. C’est en tout cas ce que prévoient les textes de l’accord de la Saint-Sylvestre. 

Si à l’époque de la signature, ce poste du président du CNSA intéressait déjà Ève Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement pour la libération du Congo (MLC, parti de Jean-Pierre Bemba), aujourd’hui, il attire d’autres responsables politiques. La bataille est désormais ouverte. Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, a lancé une première rencontre préparatoire lundi 3 juillet, avant la grand-messe qui sera prochainement présidée par les présidents des deux chambres du Parlement.

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Celle-ci devrait aboutir à la désignation « par consensus » du président du CNSA. Sur la liste des prétendants, on retrouve parmi les favoris Joseph Olenghankoy, Eve Bazaiba et Vital Kamerhe

Joseph Olenghankoy, le choix du Premier ministre

Joseph Olenghankoy, lors d'un meeting de l'opposition, le 15 septembre 2015, place Sainte Thérèse, à Kinshasa © Joseph Olenghankoy, le 15 septembre 2015, place Sainte Thérèse, à Kinshasa. / Gwenn Dubourthoumieu pour JA.

Joseph Olenghankoy, lors d'un meeting de l'opposition, le 15 septembre 2015, place Sainte Thérèse, à Kinshasa © Joseph Olenghankoy, le 15 septembre 2015, place Sainte Thérèse, à Kinshasa. / Gwenn Dubourthoumieu pour JA.

Après la fissure du Rassemblement, qui réunissait plusieurs grands partis de l’opposition, Joseph Olenghankoy, chef du parti des Forces novatrices pour l’union et la solidarité (Fonus) et Bruno Tshibala, actuel Premier ministre, ont créé une aile dissidente de cette plateforme politique. Et ils se considèrent comme les héritiers politiques d’Étienne Tshisekedi. Olenghankoy revendique donc le poste de président du CNSA, avec le soutien de Tshibala. Il explique à Jeune Afrique qu’il préfère s’en tenir à l’esprit de l’accord de la Saint-Sylvestre : « La compréhension et la légalité des textes de ce compromis politique voudraient que la direction du CNSA revienne au président du Conseil des sages du Rassemblement [poste qu’il occupe au sein de leur faction de ce regroupement politique, NDRL] ». « Nous ne pouvons pas remettre en cause l’accord signé et par l’UNC de Vital Kamerhe et par le Front pour le respect de la Constitution d’Ève Bazaiba », ajoute-t-il.

Jusqu’ici, ce natif du Sankuru était connu pour ses positions assez tranchantes contre le régime du président Joseph Kabila. Mais c’était avant de se ranger du côté des opposants « modérés », proches de l’actuel gouvernement. En juin dernier, à Genval, dans la banlieue bruxellois, cet ancien ministre de Transports, jadis cadre de la Dynamique de l’opposition, appelait même au rejet de tout dialogue avec le pouvoir de Kinshasa, exigeant le départ de Kabila le 19 décembre 2016.

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Atouts : le soutien du Premier ministre, son expérience politique, son bagou et l’appui de certains hauts responsables de la Majorité présidentielle (MP).

Faiblesses : l’aile du Rassemblement à laquelle il appartient a déjà obtenu le poste de Premier ministre.

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Ève Bazaiba, la dame de fer

Ève Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC), le 24 avril 2015 à Paris. © Camille Millerand pour J.A.

Ève Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC), le 24 avril 2015 à Paris. © Camille Millerand pour J.A.

À 51 ans, celle qu’on présente aujourd’hui comme la dame de fer de la politique congolaise caresse encore l’ambition de diriger le CNSA, une institution chargée de surveiller l’évolution du processus électoral en RDC. Son parti, le MLC, et la plateforme Front pour le respect de la Constitution qu’elle dirige, n’ont pas aligné de candidats pour des postes ministériels. Ève Bazaiba ne voulait pas être « juge et partie », c’est-à-dire participer à l’équipe gouvernementale et surveiller l’action de cette dernière. Ce qu’elle reprochait à l’UDPS d’Étienne Tshisekedi.

Mais sa résistance frôlait parfois le radicalisme aux yeux des membres du Rassemblement. Ève Bazaiba a souvent claqué la porte des pourparlers et a longtemps refusé de signer l’accord de la Saint-Sylvestre. C’est finalement sur instruction de Jean-Pierre Bemba, président du MLC, pourtant détenu à la prison de la Cour pénale internationale qu’elle va (malgré elle) apposer sa signature sur le document.

Atouts : son parti n’est pas représenté au gouvernement Tshibala, sa ténacité et sa liberté de langage.

Faiblesses : elle reste sous l’influence de Jean-Pierre Bemba

Vital Kamerhe, l’ancien bras droit du chef

Vital Kamerhe, ancien président de l'Assemblée nationale de la RDC, le 20 août 2013 à Paris. © Vincent Fournier/JA

Vital Kamerhe, ancien président de l'Assemblée nationale de la RDC, le 20 août 2013 à Paris. © Vincent Fournier/JA

Considéré depuis un moment comme le plus versatile des opposants, Vital Kamerhe a signé les deux derniers accords politiques en RDC, celui de la Cité de l’OUA sous l’égide de Edem Kodjo et celui de la Saint-Sylvestre. Mais en voulant passer pour rassembleur, le leader de l’Union pour la nation congolaise (UNC) est perçu comme le « déstabilisateur » de l’opposition, tacle un membre du Rassemblement. Son rapprochement à fond de train avec l’opposant Moïse Katumbi et son refus de prendre part à la grande rencontre de l’opposition à Genval n’ont pas pas vraiment joué en sa faveur au sein de l’opinion.

Aujourd’hui, l’ancien bras droit de Joseph Kabila ne jure que pour et par la présidence du CNSA. Pressenti au poste de Premier ministre, il n’avait finalement pas été désigné pour diriger le gouvernement de transition. Kamerhe espère désormais rebondir à la tête du CNSA. Il dénonce par ailleurs le processus entamé mardi par Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale. Pour lui, c’est au chef de l’État de lancer des échanges en vue de la désignation du président du CNSA.

Atouts : expérience politique, troisième à la dernière présidentielle (derrière Kabila et Tshisekedi).

Faiblesses : son parti est représenté au gouvernement, ses détracteurs dont Olenghankoy le considèrent comme un « opposant proche du pouvoir ».

Les outsiders

Outre ces trois principaux prétendants, d’autres responsables politiques seraient également intéressés par le poste. Même si certains, à l’instar de Pierre Lumbi, se sont retirés de la course. Le président du G7, la plateforme qui soutient la candidature de Moïse Katumbi à la prochaine présidentielle, ne devrait plus, sauf retournement de situation, être désigné à la tête du CNSA. Son regroupement politique a déclaré en mi-mai ne plus être concerné par une éventuelle nomination.

Reste dans la course Fidèle Babala, secrétaire général adjoint du MLC. Le député de 60 ans a participé aux négociations politiques conduites par les évêques catholiques. Très proche de Jean-Pierre Bemba, son nom est également cité comme candidat possible du Front pour le respect de la Constitution à la présidence du CNSA.

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