Référendum
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 1 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.
En brumeuse Écosse le 18 septembre, mais surtout, en ce qui nous concerne, au Burkina, dans les deux Congo, au Rwanda et au Burundi, cinq pays où pourraient être organisées dès 2015 une série de consultations populaires destinées à permettre aux chefs d’État en exercice d’être candidats à leur propre succession, ce mot latin signifiant "ce qui doit être rapporté" est devenu un concentré de passions, de polémiques et de violences larvées. Procédé de démocratie directe aussi vieux que les cantons suisses, le référendum est pourtant, a priori, inattaquable. Le référendum, c’est l’expression du pouvoir souverain du peuple, de son autodétermination et de sa décision suprême, la source première d’une légitimité qui ne peut être soumise à celle d’aucun autre organe. Référence en la matière, Alexis de Tocqueville écrivait qu’"au-dessus de toutes les institutions […] réside un pouvoir souverain, celui du peuple, qui les détruit ou les modifie à son gré". Y compris, donc, les Constitutions, puisque ce fameux peuple, constituant originaire, a la capacité de s’en affranchir. C’est sa volonté qui est le fondement du droit et non l’inverse.
Bel objet que le référendum, sorte de quintessence de la démocratie. Sauf bien sûr, le diable résidant dans les détails, quand il a pour effet de légitimer des actes contraires aux libertés fondamentales : lorsque les Suisses ont, en 2009, voté à près de 60 % pour l’interdiction de la construction de nouveaux minarets, nombre de commentateurs n’ont pas hésité à parler de "référendum liberticide". Est-ce le cas de ceux qui s’annoncent sur le continent ? Objectivement, non. Qu’un président souhaite pouvoir se représenter devant les électeurs n’est pas en soi une atteinte aux droits de l’homme, et le fait que, à l’instar de Charles de Gaulle il y a un quart de siècle, il décide de soumettre auparavant à l’approbation du corps électoral une nouvelle Constitution dont le but – ne soyons pas naïfs – est de l’autoriser à briguer un nouveau mandat, ne relève pas du "coup d’État permanent" dénoncé à l’époque par François Mitterrand. Tout juste d’une forme de populisme certes critiquable, mais conforme au droit et aux prérogatives d’un chef d’État.
D’où la difficulté, pour ceux qui ne sont pas d’accord, de s’opposer sur le fond à la tenue d’un référendum. Sauf à préjuger d’un trucage des résultats de la consultation, en dépit de l’existence de commissions électorales censées être indépendantes et de listes électorales à la révision desquelles ils ont été invités à s’associer, ils sont en panne d’arguments. Comment justifier leur refus de se soumettre au verdict des urnes ? Comment oser assumer publiquement ce que beaucoup d’entre eux pensent tout bas, à savoir que ce peuple dont ils se réclament manquerait de maturité politique au point de suivre les consignes du pouvoir comme des moutons de Panurge ? En panne de stratégies aussi : le boycott actif ? C’est prendre le risque de provoquer des dérapages, des violences, voire un coup de force. Le boycott passif (l’abstention) ? La possibilité d’être désavoué est grande. Reste à jouer le jeu, c’est-à-dire à participer et à tout faire pour que le "non" l’emporte. Ce qui fait le charme d’un référendum, c’est que son issue est imprévisible et que sa charge d’incertitude, face à des électeurs souvent tentés par les réflexes de défiance, est lourde – les exemples abondent. De Ouaga à Brazza, pourquoi les opposants ne chercheraient-ils donc pas à retourner cette arme contre ses initiateurs ? Dans les urnes, on l’aura compris. Pas dans la rue.
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