Le Maroc « solidaire » des pays touchés par Ebola au nom de sa politique africaine

Avec la suspension des vols d’Air France vers la Sierra Leone, le Maroc est le dernier pays à desservir de manière régulière les trois principaux pays frappés par l’épidémie d’Ebola, une singularité qui s’explique par la stratégie africaine du royaume.

Royal Air Maroc est la seule compagnie à avoir maintenu ses vols vers Monrovia. © AFP

Royal Air Maroc est la seule compagnie à avoir maintenu ses vols vers Monrovia. © AFP

Publié le 30 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Jeudi, au lendemain de la décision d’Air France, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a jugé "vital" que les compagnies aériennes reprennent au plus vite leurs dessertes afin de ne pas couper du reste du monde la Sierra Leone, le Liberia et la Guinée-Conakry, de plus en plus isolés. A ce jour, seule la compagnie nationale Royal Air Maroc (RAM) continue en effet d’assurer des vols réguliers – à raison d’une douzaine par semaine – , avec ces trois pays, victimes de la plus grande flambée d’Ebola de l’histoire, qui a déjà fait plus de 1. 500 morts.

"Nous sommes dans une démarche solidaire et non mercantile, qui fait écho à l?engagement constant du royaume en Afrique", a déclaré à l’AFP le porte-parole de la RAM, Hakim Challot, selon qui la rentabilité actuelle de ces destinations est nulle, avec pas plus de 10% de remplissage au départ de Casablanca, la capitale économique.

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Maroc solidaire aux "pays frères"

Par cette décision, Rabat, qui assure que toutes les garanties sanitaires ont été prises, entend promouvoir son implication auprès de "pays frères", selon les termes de l’agence officielle MAP. Toujours au titre de la "solidarité", le Maroc, organisateur en janvier de la Coupe d’Afrique des Nations de football, a également accepté d’accueillir, le 5 septembre, un match de qualifications Guinée-Togo, délocalisé là aussi en raison d’Ebola.

Cette bienveillance intervient quelques mois après le lancement d’une "nouvelle politique migratoire", destinée pour partie à répondre aux critiques de mauvais traitements envers les clandestins africains. Elle fait également suite à une tournée du roi Mohammed VI au Mali, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Gabon, en février-mars.

Le souverain chérifien a signé avec ces pays des dizaines d’accords économiques et politiques, mais aussi religieux en s’appuyant sur son statut de commandeur des croyants et la promotion d’un "islam modéré". A Rabat, un institut consacré à la formation de 500 imams maliens est en cours de construction, et d’autres nationalités pourraient les rejoindre.

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Maroc, 2e investisseur africain 

"Le premier pilier de la présence marocaine en Afrique est bien religieux", affirme l’universitaire Mustapha Naïmi. "Mais le royaume est très présent économiquement, en tant que deuxième investisseur" continental, ajoute-t-il. Ces cinq dernières années, plus de la moitié de ses investissements directs à l’étranger (IDE) ont ainsi concerné l’Afrique, pour un montant d’1,5 milliard d’euros, selon l’Office nationale des changes.

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Le Maroc est notamment très actif dans l’immobilier, le secteur bancaire ou les télécoms. In fine, c’est toutefois une question éminemment politique qui constitue la pierre angulaire de cette stratégie: celle du Sahara occidental, une ex-colonie espagnole contrôlée par le Maroc depuis les années 1970 mais revendiquée par les indépendantistes du Polisario, soutenus par l’Algérie.

Rabat en a fait sa grande cause nationale, au point de claquer la porte en 1984 de l’Union africaine (UA, alors OUA) après que l’instance eut reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD).

Trente ans plus tard, la plaie reste à vif, comme en témoigne la fureur du Maroc après la désignation cet été par l’UA d’un "envoyé spécial" pour ce vaste territoire désertique. Le royaume verrait-il dans son implication en Afrique un moyen de contrebalancer son absence de l’UA? "Probablement", répond Mustapha Naïmi. Cette implication offre aussi un autre horizon en l’absence de mise en oeuvre de l’Union du Maghreb arabe (UMA) symbolisée par le récent 20e anniversaire de la fermeture de la frontière avec Alger.

Rabat a notamment multiplié les initiatives pour s’imposer comme un médiateur dans la crise malienne et entend oeuvrer "au renforcement de la force onusienne" en Centrafrique, a récemment noté son chef de la diplomatie, Salaheddine Mezouar. A ce titre, le Maroc fera partie des pays qui fourniront les 1. 800 soldats et policiers supplémentaires à la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RCA (Minusca), au moment de prendre le relais de la Force africaine mi-septembre.

(AFP)

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