Amesys accusée d’aider le régime égyptien à espionner ses opposants

Des entreprises affiliées à Amesys, une société française, auraient vendu en 2014 un système d’écoute à 10 millions d’euros à l’Égypte, officiellement pour lutter contre les Frères Musulmans. C’est ce qu’affirme un article de Télérama publié mercredi 5 juillet selon lequel l’entreprise – déjà condamnée pour des faits similaires en Libye – continuerait d’en assurer le service après vente.

Un camion de la police égyptienne au Caire le 25 janvier 2016. (illustration) © Amr Nabil/AP/SIPA

Un camion de la police égyptienne au Caire le 25 janvier 2016. (illustration) © Amr Nabil/AP/SIPA

Publié le 5 juillet 2017 Lecture : 2 minutes.

Accusée de « complicité de torture » pour avoir vendu des systèmes de surveillance à la Libye de Kadhafi pendant la révolte de 2011, Amesys s’était séparée de sa division consacrée à l’espionnage pour le compte des États. L’ancien directeur commercial d’Amesys, Stephane Salies, avait alors racheté les technologies et récupéré une partie des employés de cette division pour monter deux nouvelles structures : Nexa Technologies, domiciliée à Boulogne-Billancourt et Advanced Middle East Systems (AMESys), établie à Dubaï. L’article de Télérama paru le 5 juillet affirme que ces deux entités ont réalisé, en 2014, un contrat à 10 millions d’euros pour mettre à disposition de l’Égypte du président al-Sissi un système d’écoutes. L’entreprise continuerait d’apporter un appui technique au pays, malgré la dérive autoritaire du régime envers ses opposants.

« Cerebro »

AMESys commercialise un service nommé « Cerebro » qui permet des interceptions de communication de masse mais aussi une surveillance en temps réel des suspects. « Cerebro permet aussi de tracer des graphiques de connaissance, pour savoir qui parle à qui », détaille Antoine Champagne, rédacteur en chef du site Reflets.info qui suit particulièrement ces problématiques, contacté par Jeune Afrique.

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Le cahier des charges du système fourni par AMESys et Nexa Technologies évoque une « prestation de services liée à la mise en œuvre d’un système d’interception légale IP dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité », ainsi que la description du service après-vente assuré par l’entreprise française. La facture aurait été payée par les Émirats arabes unis.

Complicité des autorités françaises?

L’article détaille également comment les autorités française auraient fermé les yeux sur cette vente. Les entreprises proposant des technologies d’interception d’IP doivent en effet obtenir une licence délivrée par une autorité de contrôle rattachée au ministère de l’Économie avant de vendre leurs services à des États hors Union européenne. Autorité de contrôle qui aurait pourtant estimé qu’Amesys n’avait pas besoin de licence pour son contrat égyptien.

Pourquoi le gouvernement français a-t-il fermé les yeux ? « Pour assurer la maintenance des logiciels, les concepteurs peuvent installer des « accès distants » afin, par exemple, de réparer des bugs sans se déplacer jusque chez le client », explique Antoine Champagne, qui ajoute que ces « accès distants » peuvent ensuite être utilisés par les services de renseignement français. « S’ils [les services de renseignement] ne le faisaient pas, ils ne feraient pas leur boulot », remarque-t-il.

Cerebro n’est qu’un outil de plus pour un État policier

Le régime du président al-Sissi est régulièrement critiqué par des ONG comme Human Right Watch ou Amnesty International pour sa dérive autoritaire qui se traduit notamment par une violente répression policière, des disparitions forcées, des lois liberticides ou encore des pressions sur des journalistes.

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Pourtant, il n’est pas certain que Nexa technologie soit inquiété par la justice française.« Cerebro n’est qu’un outil de plus pour un État policier », explique Antoine Champagne. Et d’ajouter: « Des gens ont pu être torturés sur la base d’écoutes [rendues possible par Cerebro], mais ce serait très difficile à prouver. »

Contacté par téléphone, Nexa Technologies n’a pas souhaité faire de commentaire.

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