Assassinat des experts de l’ONU dans le Kasaï : l’avocat des suspects exige plus de preuves

Le procès sur l’assassinat des experts de l’ONU dans le Kasaï se poursuit à pas de tortue. Me Serge Niseka, avocat des suspects dénonce la procédure et demande plus de preuves.

Montage photo de deux experts onusiens, Zaida Catalan et Michael Sharp, tués en mars 2017 au Kasaï, dans le centre de la RDC. © Bertil Ericson et Timo Mueller/AFP

Montage photo de deux experts onusiens, Zaida Catalan et Michael Sharp, tués en mars 2017 au Kasaï, dans le centre de la RDC. © Bertil Ericson et Timo Mueller/AFP

Publié le 11 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

Il faudra attendre encore quelques jours avant la reprise du procès sur l’assassinat de l’Américain Michael Sharp et de la Suédoise Zaida Catalán qui s’annonce complexe. Le tribunal militaire de Kananga, chef lieu de la province du Kasaï-central a, à nouveau, repoussé l’audience au 17 juillet. L’audience s’était d’abord ouverte le 5 juin 2017, elle a été suspendue, avant de reprendre le 12 juin.

Plusieurs raisons expliquent ces reports successifs. En premier lieu, sur les 18 personnes considérées comme des suspects dans cette affaire, seulement quatre se retrouvent jusqu’ici dans le box des accusés. Ensuite, Me Serge Niseka, l’avocat des accusés, dénonce la juridiction devant laquelle se tient ce procès. L’affaire est en effet jugée par un tribunal militaire, alors que les prévenus sont des civils.

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Autre élément qui fait débat, l’âge d’Ilunga Lumu, le principal suspect. Au départ, le jeune homme a été présenté par son avocat comme ayant 17 ans. Pourtant, les examens médicaux exigés par le ministère public – délivrées dans un rapport que l’avocat conteste – indiquent qu’il est majeur.

Quant-à Mbayi Kabasele, un vendeur d’huile de palme âgé de 30 ans qui fait figure de deuxième suspect dans le dossier, il n’est cependant pas identifié sur la vidéo de l’assassinat diffusée par les autorités congolaises en avril. Son avocat s’appuie sur cet argument pour réclamer plus de preuves propre à prouver l’authenticité de la vidéo.

Me Serge Niseka, inscrit au barreau de Bukavu dans le Nord – Kivu et de Kananga dans Kasaï-central, sollicite également la présence de Lambert Mende, ministre de la Communication, et première personne à présenter la vidéo aux médias, et de Emmanuel Ramazani Shadary, vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et de la Sécurité. Joint par téléphone par Jeune Afrique, Me Serge Niseka livre sa lecture de la procédure en cours.

Jeune Afrique : Pourquoi le procès avance t-il si lentement ? 

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Me Serge Niseka : Nous en sommes à la douzième audience, mais les questions importantes ne sont toujours pas traitées. Le ministère public avait initialement compté 16 personnes, et ils ont ensuite ramené deux autres suspects. Mais il n’y en a que quatre que l’on retrouve dans le box des accusés. Les autres seraient en fuite. Une arme type A52 [une arme automatique lourcde, NDLR] a également été présentée au procès. L’arme était présente sur le lieu du crime, selon le ministère public, mais n’a pas été utilisée. C’est un élément nouveau dans l’affaire.

Votre client, Ilunga Lumu, reconnait-il les faits ?

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Le prévenu nie catégoriquement les faits. L’origine de cette vidéo pose problème. Nous avons eu plus d’une heure de discussions pour demander au ministère public de nous en dire plus sur l’origine de la vidéo. Au tribunal, ce n’est plus une question de secret. Certaines indiscrétions disent que c’est une carte mémoire utilisée par un assaillant qui avait l’habitude de filmer. Si cette version est vraie, la vidéo devrait avoir d’autres scènes macabres. Mais la vidéo n’a que cette scène-là. Ce qui nous laisse penser que c’est une vidéo montée.

Pourtant, votre client est identifié sur la vidéo de l’assassinat de deux experts… 

Pour la défense, nous pensons que la vidéo fait l’objet de suspicion. Sur la vidéo, on tente d’identifier Ilunga Lumu sur la scène prétendue de l’exécution des experts de l’ONU, par rapport aux couleurs des vêtements (bleu et noir) qu’il avait sur lui au moment de son arrestation. Ce qui fait qu’il est présenté comme le suspect principal. Les autres accusés ne sont pas identifiés sur la vidéo. En bon criminel, il aurait pu faire disparaître cette tenue, si c’était bien lui sur le lieu du crime. Le débat se trouve à ce niveau-là. Nous voulons plus de preuves.

 Tout est parti de cette vidéo, filmée par l’armée congolaise en train de tuer des civils dans le Kasaï oriental

Où était votre client au moment où le crime s’est déroulé ?

Les experts de l’ONU ont été abattus le 12 mars, aux alentour de 14h selon le ministère public, et mon client n’était pas à Bukonde [le village où l’assassinat a été commis, NDLR]. Il était en fuite à Kananga, comme beaucoup d’autres habitants du village. Il n’est revenu à Bukonde qu’en avril, à la demande du préfet de son école pour préparer son stage de fin d’année. Pour passer son bac. Et tant que nous n’aurons pas d’autres preuves que cette vidéo présentée par Kinshasa est crédible, nous allons continuer à soutenir que c’est un simple montage.

Pensez-vous que les accusés sont des boucs-émissaires ?

Les experts des Nations unies sont venus pour enquêter sur les fosses communes. Tout est parti de cette vidéo, filmée par l’armée congolaise en train de tuer des civils à Muanza Lomba, dans le Kasaï oriental. La communauté internationale s’est alarmée à partir de cette vidéo. Où est donc partie cette vidéo ? C’est alors qu’ils menaient la recherche de ces fosses communes que les deux experts ont été tués. Qui voulait cacher les fosses communes ? Qui voulait que l’on n’en parle pas ? Je pense qu’il faut rechercher les mobiles du crime. Que gagnerait un élève en dernière année ou un coupeur de noix, en exécutant des experts qui cherchaient la vérité sur les fosses communes. En toute sincérité, je peux me permettre de dire que ces sont des gens qui ne sont pas concernés par cette affaire, mais qui sont amenés devant la justice pour répondre de ces faits.

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