Centrafrique : Human Rights Watch désigne les groupes armés qu’elle accuse de crimes de guerre
Alors que le récent rapport onusien sur les atteintes aux droits humains se gardaient de trop nommer de suspects, le rapport de l’ONG les cible directement. HRW donne les noms des groupes armés suspectés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Parmi eux, le FPRC, principal groupe issu de l’ex-Séléka.
Ce 4 juillet, l’ONG Human Rights Watch a publié un long rapport de 101 pages, « Meurtres impunis : crimes de guerre, crimes conter l’humanité et la Cour pénale spéciale en République centrafricaine ».
Le rapport était prêt depuis quelques temps, mais a attendu : les équipes de HRW préféraient ne rien publier avant que ne soit rendu public le rapport de mapping de l’ONU. Entre le rapport de mapping et celui de HRW, complémentaires pour qui veut se donner une idée des dynamiques à l’œuvre en Centrafrique ces dernières années, une différence nette subsiste : les équipes de HRW peuvent plus facilement assumer de nommer les groupes dont elles pensent qu’ils se sont rendus coupables de violences. Parmi eux, le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC) ou encore l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC), issus de l’ex-Séléka.
Des alliances et des scissions sur le dos des populations
Le rapport vient confirmer des dynamiques dont font état différents acteurs et observateurs : l’existence d’alliances de raison entre ex-anti-balaka et anciens Séléka notamment. « A la fin de 2016, les groupes anti-balaka dans le centre du pays se sont alliés avec le FPRC/MPC (…) et ils ont commencé à cibler les civils de l’UPC et appartenant à l’ethnie peule », assure ainsi le rapport.
Autre dynamique remarquée : les violentes concurrences qui ont suivi l’éclatement du bloc Séléka. En décembre 2016, des combattants de l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC) ont exécutés des dizaines de civils dans la région de Bakala selon le rapport. Parmi les victimes, des personnes suspectées d’être des sympathisants du FPRC. « Les exécutions ont eu lieu après les combats entre le FPRC et l’UPC pour le contrôle de la ville », continue le rapport.
Ali Darassa (de l’UPC) et Mahamat Al Khatim (du Mouvement Patriotique pour la Centrafrique, MPC) se sont moqué du rapport devant leurs proches.
Ces jeux d’alliance, de désunion et de compétition pour la gestion des localités se font sur le dos des populations. En mars 2017, des anti-balaka et des combattants du FPRC forcent environ 300 civils de différents villages à investir la ville de Yassine, où ils ont précédemment tué des habitants peuls. Là, ils laissent les civils à la merci des combattants de l’UPC qui tirent des grenades sur la ville.
Dans le rapport, les représentants des divers groupes armés nient les crimes. Quant aux réactions après publication, difficile d’en savoir plus. Mais ils semblent que certains ne soient pas plus inquiets que cela. « Ali Darassa (de l’UPC) et Mahamat Al Khatim (du Mouvement Patriotique pour la Centrafrique, MPC) se sont moqué du rapport devant leurs proches », nous assure un ancien Séléka.
Une Cour trop peu dotée
S’il enquête sur les violences commises ces dernières années, le rapport de HRW se concentre aussi sur la Cour pénale spéciale (CPS) chargée d’enquêter, instruire et juger les crimes de guerre et contre l’humanité commis depuis 2003. « Notre rapport n’a pas de valeur juridique, mais il peut sûrement aider les personnes liées à la CPS à faire leur travail », nous dit ainsi un membre du staff de HRW. La Cour, crée en 2015, dispose depuis quelques semaines d’un procureur.
Il n’empêche que le ton est déjà à une forme de pessimisme. « Au moment de la rédaction de ce rapport, le gouvernement et l’ONU n’avaient pas encore recueilli suffisamment de fonds pour les 14 premiers mois de la création de la CPS. Il manquait au projet conjoint MINUSCA-PNUD à l’appui de la CPS 1,8 million de dollars US sur un budget total d’environ 7 millions de dollars US.233 », précise le rapport, qui conclut : « la viabilité financière à plus long terme de la Cour reste incertaine ». Pourtant, un ex-anti-balaka nous assure : « La peur s’est installé du côté des mouvements anti-balaka irrédentistes, y compris chez des comzones. La multiplication de rapport, l’arrivée d’un procureur… Tout cela les inquiète. »
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