Réconciliation au Togo : des « purifications », en attendant les indemnisations
Des cérémonies nationales de purification ont débuté ce jeudi 6 juillet dans tout le pays. Elles doivent se terminer dimanche. Ces cérémonies s’inscrivent dans le cadre du processus de réconciliation entamé au Togo depuis 2009.
Ce 6 juillet avait des airs de « Jeudi saint » pour les religions traditionnelles au Togo. Et pour cause, des cérémonies dites de « purifications » se sont tenues dans le cadre du processus de réconciliation en cours depuis huit ans. Au programme de ces jours de purification, outre les incantations des prêtres traditionnels, des prières musulmanes et des cultes chrétiens pour « tourner les pages sombres de l’histoire du pays ».
Le Togo a connu de nombreux actes de violences à caractère politique entre 1958 et 2005. Au cours de cette période il y a eu des massacres, des actes de destruction de biens publiques et privés. En 2005, selon un bilan dressé par l’ONU, près de 500 togolais ont perdu la vie pendant les événements survenus au lendemain du décès de l’ancien président Eyadema Gnassingbé. Pour apaiser les esprits, un processus de réconciliation a été lancé dans la foulée de l’accord politique global en août 2006.
Vérité, justice et réconciliation
Une Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) a été créée en 2009, dirigée par un prélat catholique, Mgr Nicodème Barrigah. La commission a auditionné les victimes et témoins des actes de violences et a rendu un rapport avec plusieurs recommandations en Avril 2012, dont celle qui préconise que l’Etat mette en place un processus de réparation à l’endroit des victimes. Un volet concret du programme de réconciliation qui a été confié en 2014 au Haut commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’unité nationale (HCRRUN).
« Le travail confié au HCRRUN se subdivise en deux grands axes, notamment les réformes institutionnelles et constitutionnelles et les réparations autour desquelles s’articulent les 68 recommandations de la CVJR », explique Claudine Ahianyo, deuxième rapporteur de l’institution. Ces réparations doivent se faire sous cinq formes, suivant les normes internationales de justice transitionnelle à savoir : la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition. « Il ne s’agit donc pas seulement de questions d’argent », indiquent les responsables du processus.
2 milliards débloqués sur les 35 attendus
Début 2017, le gouvernement togolais a annoncé le déblocage de 2 milliards de FCFA pour le démarrage du processus de réparation des victimes. « Un impératif », avait alors affirmé le Premier ministre Komi Sélom Klassou.
Selon la recommandation 34 de la CVJR, sont bénéficiaires du programme, toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui a subi un préjudice du fait des violences à caractère politique, de violations graves des droits de l’homme commises durant la période allant de 1958 à 2005. Des réparations dont le montant total est estimé par la CVJR à 35 milliards de francs CFA.
« Cependant, seulement 2 475 victimes des 7 075 enregistrées au cours des violences de 2005 seront dédommagés par le HCRRUN dans un premier temps, compte tenu des moyens dont dispose l’institution », a indiqué Awa Nana, la présidente du HCRRUN.
Scepticisme des victimes
Le lancement de la phase des indemnisations pourrait intervenir très vite après les cérémonies de purification en cours. Pourtant, de nombreuses victimes restent méfiantes à l’égard du processus de réparations, notamment en raison du montant annoncé qu’ils estiment « dérisoire ».
« Il y a aussi la question de la justice qui doit être réglée », indique Kodjo G., qui souffre encore des séquelles des événements d’avril 2005 dans le quartier populaire de Bè à Lomé. Selon lui, le fait que « des bourreaux soient toujours en liberté, sans avoir exprimé de remords, rend la noble mission du HCRRUN encore plus compliquée ». Selon Kodjo G., pour de nombreuses personnes qui ont perdu des proches, « le plus important aujourd’hui n’est pas l’argent mais la condamnation des auteurs des actes de violence ».
Le président du Collectif d’action contre l’impunité au Togo (CACIT), Spéro Mawulé, estime de son côté qu’il faut « avant toutes choses que les coupables demandent pardon aux victimes ». Mais également que, pour certaines victimes, obtenir des indemnisations aujourd’hui est une question de survie. Il s’agit principalement des personnes qui souffrent de séquelles dont le traitement nécessite des moyens importants. C’est donc à elles qu’iront prioritairement les 2 milliards de francs CFA de la première enveloppe décaissée par le gouvernement.
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