L’argent des Africains : Berthier, photographe de presse au Burundi – 253 euros par mois
Berthier a 26 ans. Il travaille comme photographe de presse à Bujumbura depuis 2015, année marquée par un vaste mouvement d’opposition à un troisième mandat présidentiel de Pierre Nkurunziza. Pour ce nouveau numéro de notre série l’argent des Africains, il a accepté de nous ouvrir son portefeuille.
Enfant, Berthier était fasciné par son oncle, cameraman pour la télévision nationale du Burundi. À l’aide d’un bidon vide posé sur l’épaule, il s’amusait alors à mimer ses gestes pendant de longs moments dans les ruelles de son village situé à deux heures de route de la capitale, Bujumbura. « À l’école primaire, j’utilisais aussi mon compas comme microphone pour aller faire des interviews », se rappelle-t-il en riant.
Une vingtaine d’années plus tard, le reporter en herbe s’est mué en professionnel. Berthier a seulement troqué le bidon et le compas pour un appareil photo. Aujourd’hui, le jeune homme de 26 ans vend ses images à l’agence Associated Press (AP), avec il collabore depuis deux ans.
Deux loyers : 126 euros
AP lui achète chaque photo 50 dollars, mais les ventes sont irrégulières. « Je n’ai rien vendu depuis deux mois », admet-il. Alors pour compenser, Berthier est obligé d’enchaîner les petits contrats pour des mariages ou des conférences. « Cela me permettait de gagner en moyenne 500 000 francs burundais par mois (soit 253 euros, ndlr), explique-t-il. Mais avec la crise économique que connaît le pays, j’ai dû annuler plusieurs contrats. Je touche désormais environ moitié moins, alors que mes dépenses sont quasi identiques. »
Tous les matins, après avoir écouté les informations à la radio, il se rend dans son bureau de Bujumbura, qu’il loue chaque mois 51 euros. À cela s’ajoutent 51 euros de loyer pour son appartement personnel et 15 euros d’impôts pour son activité. « C’est important d’avoir une adresse professionnelle pour accueillir les clients, explique-t-il. Sans cela, ils pourraient croire que je suis un escroc. » Autre dépense indispensable : la connexion internet, nécessaire pour envoyer les photos, qui lui coûte 15 euros par mois.
Alimentation : 50 euros
Dans son bureau, l’attente est parfois longue avant de trouver un sujet intéressant à couvrir. « Je pars ensuite trois ou quatre heures sur le terrain, mais il arrive que les photos ne trouvent pas preneur », déplore-t-il. Difficile dans ces conditions de rentrer dans ses frais, alors que le jeune homme dépense au minimum 10 euros par mois en transports et 51 euros de nourriture.
Obligé de jongler en permanence entre différents clients, Berthier n’oublie pas toutefois de prendre du bon temps. Deux fois par mois, il retrouve ses amis pour partager une pizza et boire quelques verres. « Cela ne nous coûte pas très cher, environ 10 euros par mois, car aucun de nous ne boit d’alcool », précise-t-il.
Photographe depuis près de cinq ans, Berthier a pourtant failli passer à côté de sa vocation. Au collège, il voulait s’orienter vers une école de communication. « Mais c’était impossible, se rappelle-t-il. J’ai alors dû ranger mes rêves au placard et faire une formation en électricité industrielle. » Des études qui s’achèvent par une période de chômage et de doutes.
Épargne : 25 euros
Mais le jeune homme ne désespère pas et met à profit son temps libre pour se former à la photographie. Régulièrement, il se rend au cybercafé afin de télécharger des tutoriels sur une clé USB. De retour chez lui, il les visionne attentivement sur son téléviseur. Un apprentissage quasi-monastique qui paie en 2012 : « Des amis propriétaires d’un studio de photographie ont vu que j’étais passionné. Ils m’ont alors proposé de devenir leur assistant, ce que j’ai tout de suite accepté ». Mariages, conférences, portraits… Son travail lui permet d’économiser un petit pécule et de s’acheter un ordinateur portable en 2014. « J’ai pu enfin me perfectionner sur la retouche photo », se rappelle-t-il.
L’année suivante éclate la grave crise politique de 2015, qui oppose la rue à la volonté du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat. L’agence AP fait appel à Berthier pour récupérer des images. « C’est seulement à ce moment-là que je suis devenu photographe de presse », précise-t-il. Une expérience décisive, qui n’est toutefois pas allée sans peine : « Nous recevions parfois des menaces sur le terrain, certains journalistes ont même dû s’enfuir ».
Deux ans plus tard, Berthier poursuit son petit chemin. Il épargne chaque mois environ 25 euros afin de s’acheter, entre autres, de meilleurs appareils photos, tout en espérant parvenir à vivre exclusivement de son métier de photographe de presse.
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