Niger : pourquoi Hama Amadou a pris la fuite pour la France
Le président de l’Assemblée nationale et principal opposant du Niger, Hama Amadou, a fui son pays le 27 août après avoir été soupçonné de complicité de « supposition d’enfant » par la justice. Interrogés par « Jeune Afrique », des proches de l’homme politique livrent sa version des faits.
Le président de l’Assemblée nationale du Niger, Hama Amadou, qui fait depuis un an figure de principal opposant au président Mahamadou Issoufou (après avoir été son allié) et qui est visé par la justice dans le cadre d’une affaire du trafic de bébés révélée fin juin, a fui son pays le 27 août. Il s’est d’abord réfugié au Burkina Faso, avant de rejoindre l’Europe. S’il a publié une lettre ouverte à ses compatriotes – cinq pages dans lesquelles il accuse le pouvoir de s’acharner sur lui – il refuse pour l’heure de s’exprimer publiquement. Joint lorsqu’il se trouvait à Ouagadougou, il a expliqué ne pas vouloir parler afin de "ne pas mettre dans l’embarras" les autorités burkinabè. Jeune Afrique a toutefois pu joindre certains de ses proches à qui il s’est confié.
- Comment a-t-il fui ?
"Le plus simplement du monde, par la route", explique son entourage. Il semble qu’il ait pris la route dans la nuit du 26 au 27 août. Selon une source officielle burkinabé, il aurait été contrôlé au poste frontière (côté Burkina) le 27 août au matin, et aurait affirmé venir pour une visite privée. La rumeur dit qu’il se serait déguisé en femme pour passer inaperçu. Les services de renseignement nigériens ne confirment pas. Ceux-ci ont bien été bernés. "On étudie son modus operandi. Il ne donnait pas l’impression de vouloir fuir. 48 heures avant son départ, il visitait des sièges de partis. Et puis, on ne pensait pas qu’il fuirait alors que son épouse est en prison [dans le cadre de l’affaire du trafic de bébés, NDLR]", indique un haut-responsable du renseignement. Qui admet : "Si on avait su qu’il préparait sa fuite, on l’aurait fait arrêter".
>> Lire Issoufou et Amadou à couteaux tirés
- Pourquoi a-t-il fui ?
À ses amis qui l’ont appelé au lendemain de sa fuite, il dit avoir quitté son pays pour sauver sa vie. "Ils m’auraient emprisonné, et ils m’auraient tué", affirme-t-il. Il dénonce "un complot" ourdi contre sa personne depuis la présidence, dans le but de "se débarrasser de (lui) à la présidence de l’Assemblée nationale" et de "(l)’empêcher de (se) présenter à la prochaine élection présidentielle de 2016". "Ridicule !", rétorque-t-on dans l’entourage du président Issoufou, où l’on rappelle que ce n’est pas la première fois qu’Amadou fuit son pays.
"Il veut bien être entendu, mais pas au Niger. Il ne fait pas confiance à cette justice-là", explique un de ses proches, un Français. "Je fais confiance à la justice de mon pays, a-t-il dit à un autre de ses contacts, mais là, c’est le gouvernement qui a demandé mon arrestation". Quelques heures avant sa fuite, le bureau de l’Assemblée nationale avait autorisé la justice à l’entendre dans le cadre de cette affaire. "Ce n’était pas au bureau de l’Assemblée nationale d’autoriser mon arrestation, dit-il. Ce n’est même pas un juge qui demande à m’entendre, mais le procureur".
- Qu’a-t-il à voir avec le trafic de bébés ?
Selon lui, rien, malgré le fait que son épouse, soupçonnée d’avoir "acheté" ses deux enfants, est en prison depuis deux mois. "On m’accuse d’être complice de mon épouse pour une supposition d’enfant, a-t-il expliqué à ses amis. Cela signifie que ma femme a simulé une grossesse. Mais comment un homme peut être complice de ça !? Si c’est vrai, je n’étais pas au courant !" Le garçon lui ressemble "comme deux gouttes d’eau", affirme-t-il, et tous deux auraient "le même groupe sanguin". Quant à la fille, "elle ressemble à sa mère". "Tout est orchestré à Niamey dans le but de me faire tomber", conclut-il.
L’incarcération de seize autres personnes, dont le ministre de l’Agriculture Abdou Labo ? "C’est un jeu tout ça. Ils ont sacrifié un ministre pour justifier mon arrestation", assure-t-il à ses amis.
>> Lire Niger, Bénin Nigeria… Usines à bébés, le trafic de la honte
- Que va-t-il faire ?
Amadou n’est resté que trois jours au Burkina Faso. Selon une source officielle burkinabè, il a décollé de Ouagadougou le 29 août à 21h15 à bord d’un avion de la compagnie Brussels Airlines, en direction de Bruxelles. Selon des proches, sa destination finale serait la France. "Là, si les autorités nigériennes veulent l’arrêter, elles devront lancer un mandat d’arrêt international et demander son extradition. Pour cela, elles devront livrer les preuves qu’elles ont contre lui, parie un ami. La vérité éclatera au grand jour".
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...