Les fusions-acquisitions se multiplient en Afrique… mais leur taille se réduit
Le nombre de transactions au sud du Sahara est en passe de battre un nouveau record. Un enthousiasme à relativiser : si les investisseurs misent plus souvent, ils mettent moins d’argent sur la table.
Il y a quelque temps encore, les inquiétudes actuelles liées à l’épidémie d’Ebola, aux troubles politiques et à l’effondrement des cours des produits de base en Afrique subsaharienne auraient déjà poussé les investisseurs à quitter la région. Mais ça, c’était avant ! Le niveau soutenu des transactions au sud du Sahara montre qu’ils font désormais abstraction des crises de court terme et misent davantage sur les perspectives de croissance du continent.
Pour preuve, la cascade d’opérations (environ sept) annoncées entre le 24 novembre et le tout début du mois de décembre, pour un montant de près de… 8 milliards de dollars (6,5 milliards d’euros) ! Des transactions réalisées dans des secteurs divers, confirmant l’appétit des investisseurs pour les marchés africains de la consommation, en pleine croissance. Parmi les exemples récents : les investissements en capitaux propres de la société de gestion d’actifs Carlyle en Afrique du Sud et au Nigeria ; l’alliance entre le brasseur anglais SABMiller et Coca-Cola ; l’entrée de l’assureur français Axa au Nigeria… « À Lagos, il y a des millions de personnes aspirant à une vie meilleure, avec un Coca-Cola à la fin de la journée, ou quelque chose comme ça, explique Philip Lindop, le responsable des activités de banque d’investissement de Barclays en Afrique. C’est très excitant. »
Entre janvier et fin novembre, l’Afrique subsaharienne a enregistré 631 opérations de fusions et acquisitions, soit le nombre le plus élevé sur une période comparable depuis 1995, et 10 % de plus que l’année dernière, selon le fournisseur de données financières Dealogic. D’après les analystes, à ce rythme, le nombre d’opérations de ce type pourrait dépasser cette année le record établi en 2012, avec 656 réalisations.
Un tableau idyllique ?
Pour expliquer cette hausse, Joseph Rohm, gestionnaire de portefeuilles chez Investec à Johannesburg, souligne le regain d’intérêt du Moyen-Orient pour la région. Investment Corporation of Dubai a récemment injecté 300 millions de dollars dans le groupe nigérian Dangote Cement, tandis que Qatar National Bank a racheté des parts (un peu plus de 20 %) dans Ecobank, pour un montant de 500 millions de dollars. Un autre élément clé a pu accélérer les transactions : l’arrivée de groupes mondiaux de capital-investissement, tels que les américains Carlyle, KKR et Blackstone, rejoignant ainsi des acteurs déjà axés sur l’Afrique comme Brait, Abraaj, Helios ou encore AfricInvest.
Mais le tableau est loin d’être idyllique. En effet, ces transactions toujours plus nombreuses sont plus petites que celles de l’an dernier. Le montant des fusions et acquisitions annoncées depuis janvier est estimé à quelque 34 milliards de dollars, contre 35 milliards sur la même période en 2013 et près de 49 milliards pour l’ensemble de l’année 2007, avant la crise financière mondiale.
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D’après les banquiers d’investissement, cette baisse des valeurs reflète deux tendances qui ne sont pas liées à la santé du secteur. D’abord, les investisseurs s’intéressent un peu plus aux entreprises situées en dehors de l’Afrique du Sud, en particulier celles du Nigeria, mais le montant des transactions y est plus réduit. Dans ce dernier pays, Carlyle, qui a levé 700 millions de dollars pour son jeune fonds spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, est à la recherche de nouvelles cibles d’investissement après le rachat de 20 % de Diamond Bank.
Turbulences
De plus, les valorisations dans le secteur des ressources naturelles sont à la baisse après le boom qu’elles ont connu entre 2005 et 2007, lorsque les entreprises chinoises ont massivement investi dans les matières premières africaines. Et si dans les secteurs bancaire, du commerce de détail et des produits alimentaires, elles sont aujourd’hui plus élevées qu’il y a cinq ans, les opportunités de transactions restent limitées, d’après Martin Kingston, directeur général Afrique du Sud de Rothschild. « Le montant des opérations est relativement faible, mais les investisseurs renchérissent pour s’assurer une entrée sur ces marchés grâce à des franchises existantes », explique-t-il.
Autre interrogation : cet engouement durera-t-il ? L’ensemble de l’industrie répond par un « oui » catégorique. Mais avec l’augmentation des turbulences économiques – et l’impact de l’élection présidentielle au Nigeria début 2015 -, certains investisseurs se préparent à un ralentissement dès l’année prochaine.
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