Mohamed Bazoum répond à Amnesty International : « Nous ne violons pas les droits de l’Homme »
Mardi 11 juillet, Amnesty International a appelé les autorités du Niger à annuler les charges retenues contre plusieurs journalistes, leaders de la société civile et activistes politiques détenus, selon l’ONG, arbitrairement, et à les libérer sans condition. Le ministre de l’Intérieur du Niger, Mohamed Bazoum, joint le même jour par Jeune Afrique, soutient que chacune des personnes défendues par l’ONG a commis au moins une infraction.
Jeune Afrique : Le journaliste et syndicaliste Baba Alpha, dont le procès s’est ouvert mardi 11 juillet, est très critique à l’égard du régime. Amnesty International considère qu’il a été pris pour cible pour ses prises de position sur la chaîne de radio privée Bonferey…
Mohamed Bazoum : Ce journaliste est très militant, très engagé, et ce depuis au moins six ans. Mais il n’avait jamais été inquiété. Il a fait des faux papiers, il y a déjà longtemps ; il s’est inventé un autre lieu de naissance que le sien dans le but d’avoir la nationalité nigérienne. Nous n’avons rien inventé. Il a été dénoncé par des gens qui le savaient. Est-ce qu’il faut laisser ceux qui font des faux papiers, ne pas les inquiéter ?
Ce n’est pas parce qu’on est journaliste ou opposant qu’on a une immunité à toute épreuve !
C’est une réponse générale que nous apportons, là. Peut-on concevoir user de faux et avoir une impunité garantie, parce qu’on est journaliste et opposant ? Si oui, tout le monde peut contourner la loi, alors ! Tous les jours, mon ministère délivre des avis favorables en vue de l’obtention de la nationalité nigérienne lorsque les gens remplissent les conditions prévues par la loi. Pourquoi a-t-il fait des faux ? J’ai essayé de contacter Amnesty International, à Dakar, concernant Baba Alpha. On ne m’a jamais répondu. Nous ne violons pas les droits de l’Homme. Ce journaliste a fait une erreur.
Amnesty International pointe le cas de l’activiste défenseur des droits de l’Homme, Abdourahamane Insar, arrêté le 14 mai et accusé d’avoir fait une « proposition en vue de détruire ou changer le régime constitutionnel et d’exciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat », sur Facebook. Il a été condamné à six mois de prison avec sursis et libéré le 8 juin dernier. Il a fait appel de la décision de justice. Confirmez-vous cette version des faits ?
Abdourahamane Insar a appelé tous les jours sur Facebook au renversement du régime. Depuis qu’il a été arrêté, il ne le fait plus. Idem pour les autres opposants cités par Amnesty International. Je dis opposant, pour Abdourahamane Insar, car il a un parti politique, la Révolution nationale, démocratique et populaire. Tous ont cessé.
Notre pays est vulnérable et précaire. Nous avons subi trois coups d’État en dix ans. En appelant au renversement du régime, Monsieur Insar commet une infraction. Il peut dire que nous sommes corrompus. Il n’en est pas empêché. Mais appeler au meurtre et au coup d’État, non. C’est pareil pour Ali Idrissa − il fait partie du Moden FA Lumana de Hama Amadou. Il a dit : « Nous allons renverser le régime de Mahamadou Issoufou par tous les moyens ». Mais depuis que la police l’a arrêté, il ne dit plus ça.
Je me suis battu pendant vingt ans dans l’opposition, ce sont des choses que nous n’avons jamais dites.
Quand ils sont si inciviques, il faut les ramener à l’ordre pour qu’ils mesurent leur langage. Nous sommes des sociétés fragiles. Je me suis battu pendant vingt ans dans l’opposition, ce sont des choses que nous n’avons jamais dites. Eux, ce sont des hommes politiques, qui ne veulent rien d’autre qu’Hama Amadou au pouvoir, qui se drapent du manteau de la société civile et commettent des infractions. Nous ne sommes pas gênés de les poursuivre. Nous sommes à l’aise avec ça. Ils ont intérêt à renoncer à leur projet insurrectionnel.
Que pensez-vous du travail d’Amnesty International ?
Amnesty International manque de rigueur dans son appréciation. Son communiqué ne nous importune pas. Nous n’avons pas attendu Amnesty International pour être des démocrates. Ils sont faibles face à un Etat et présentent un schéma simpliste. Toutes les personnes citées par l’ONG font partie de la même communauté, celle du Moden Fa Lumana.
Ce sont des hommes politiques et leur objectif est subversif. Ils abusent de la dépénalisation du délit de presse. Ils se couvrent en se faisant passer pour des internautes lambdas ou des défenseurs des droits de l’Homme. Est-ce qu’Amnesty International a enquêté sur place ? Depuis les années 1980, je soutenais Amnesty International mais je constate qu’ils ont un parti pris contre les régimes de façon totalement grossière.
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