Un programme de l’AFD accusé par des ONG de menacer les forêts d’Afrique centrale

Dans un communiqué conjoint, une coalition d’ONG congolaises et internationales, dont Global Witness, Rainforest Foundation et Greenpeace, ont appelé l’Agence française de développement (AFD) à rejeter l’un de ses projets, financé par un programme norvégien de lutte contre la déforestation dans les pays tropicaux, estimant qu’il va aggraver la déforestation au lieu de la combattre. Ce que conteste l’AFD.

Scène de déforestation près du village de Mweso en RDC. © Melanie Gouby/AP/SIPA

Scène de déforestation près du village de Mweso en RDC. © Melanie Gouby/AP/SIPA

Publié le 18 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

« Les gouvernements français et norvégien se trompent gravement s’ils pensent qu’ils peuvent sauver une forêt en coupant des arbres », a déclaré Jo Blackman, de Global Witness, dans un communiqué signé par une coalition d’ONG qui dénoncent un projet porté par le fonds CAFI (Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale) et mis en oeuvre par l’AFD.

L’initiative CAFI vise à lutter contre la déforestation et la dégradation des zones forestière en Afrique centrale, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale au monde avec plus de 240 millions d’hectares, dont 155 millions en RD Congo. Elle rassemble six pays d’Afrique centrale (Cameroun, République centrafricaine, RDC, Guinée équatoriale, Gabon et Congo-Brazzaville), des donateurs tels que l’Union européenne, la France, l’Allemagne et la Norvège.

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Formalisation de l’exploitation forestière

Le projet en question, financé par CAFI et mis en œuvre par l’AFD, a été retenu par le fond national REDD+ (Réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêt) de la RD Congo, suite à un appel d’offre publié en novembre dernier. Le CAFI y allouerait le montant de 12 millions de dollars, et l’AFD 4 millions de dollars, selon les chiffres communiqués par les institutions donatrices.

Le programme vise à créer une politique « permettant une gestion durable des ressources forestières », avec un accent mis sur la gestion des concessions communales ou communautaires. L’objectif ? « Développer des modèles qui pourront être réplicables dans le reste du pays », explique Frédérique Willard, chef de projets de la division agriculture, développement rural et Biodiversité à l’AFD.

Moteurs de la déforestation

La coalition d’ONG s’inquiète d’une série de mesures prévues dans le projet, comme la levée du moratoire sur l’allocation de nouvelles concessions forestières industrielles en RD Congo en place depuis 2002 ou des financements pour les entreprises forestières. Des mesures qui ne vont faire qu’aggraver la déforestation, selon ces ONG.

« Il ne faut pas se tromper de combat : le projet que porte l’AFD renforce l’observateur indépendant et la gouvernance locale pour lutter efficacement contre la déforestation », conteste Frédérique Willard, pour qui les mesures critiquées par les ONG ne sont pas le cœur du programme.

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Et de citer un rapport du programme REDD des Nations Unies sur les moteurs de la déforestation en RD Congo qui souligne que « les principales causes directes [de la déforestation] sont : l’agriculture itinérante sur brûlis (première cause pour les deux études), l’exploitation artisanale de bois, le bois énergie et la production de charbon de bois et enfin l’exploitation minière. »

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« Ce n’est pas dans les concessions forestières formelles que sévit la déforestation, car il y a des plans d’aménagement », répète Frédérique Willard. « Les concessions visent généralement à sécuriser le domaine forestier permanent à long terme : la déforestation est généralement plus faible au sein des concessions qu’en dehors », renchérit l’AFD dans une note technique de réponse aux ONG.

Ce programme, s’il est mis en œuvre, pourrait être responsable de l’émission de 610 000 000 tonnes de CO2

« En plus de détruire une forêt qui abrite plusieurs espèces sauvages rares, telles que les bonobos, et d’affecter les conditions de vie des habitants des forêts, ce programme, s’il est mis en œuvre, pourrait être responsable de l’émission de 610 millions de tonnes de CO2, soit presque autant que le secteur international de l’aviation en 2015 », dénoncent les ONG dans leur communiqué.

Des estimations contestées par l’AFD. « Il s’agit d’émissions sur une durée de 25 ans, qui dans le rapport [des ONG] sont comparées avec des valeurs d’émissions annuelles du secteur aérien », assure l’agence dans sa note technique de réponse aux ONG.

Ces dernières doutent aussi des « opportunités de développement économique », avancées par l’AFD. « Les recettes fiscales générées par l’industrie forestière en RDC ont toujours été négligeables », explique Laurence Duprat de Global Witness. Selon le communiqué, « plusieurs rapports indiquent que le secteur forestier en RDC opère dans l’illégalité et concentre ces richesses dans les mains d’une petite élite, alors que le reste de la population vit dans la pauvreté. »

L’AFD et CAFI interpellés

Ce programme proposé par l’AFD, déjà révisé une première fois, devait être examiné par des membres des gouvernements de la RD Congo, de la Norvège et de la France, le 17 et 18 juillet, à Kinshasa.

La coalition d’ONG, qui comprend deux organisations congolaises – le Réseau Ressources Naturelles et le Groupe de Travail de Climat REDD Rénové – et des organisations internationales – Global Witness, Rainforest Foundation Norway, Rainforest Foundation UK, et Greenpeace – a déjà appelé le ministre norvégien du Climat et de l’Environnement, ainsi que d’autres membres de CAFI, à rejeter ce programme. « La coalition a aussi écrit à l’AFD, pour demander que le projet soit retiré », précise le communiqué.

Si le plaidoyer pour faire retirer ce projet aboutissait, ce serait très dommageable, la forêt échappant alors largement à tout contrôle, livrée à toutes sortes de trafics

« Si le plaidoyer pour faire retirer ce projet aboutissait, ce serait très dommageable, la forêt échappant alors largement à tout contrôle, livrée à toutes sortes de trafics », s’inquiète Frédérique Willard. « Le volet le plus ambitieux du programme ne touche pas les grandes concessions – qui sont d’ailleurs rarement liées aux pillages – mais vise à apporter des solutions à toute la filière, dont le secteur artisanal », insiste-t-elle.

La RD Congo et le fonds CAFI avaient signé, en avril 2016, une lettre d’intention en vue d’une aide de près de 200 millions de dollars pour la protection des zones forestières du pays d’Afrique centrale.

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