Côte d’Ivoire : malaise au sein de la coalition au pouvoir
Jean-Louis Billon suspendu, Niamien N’Goran limogé, plusieurs cadres du PDCI ont été mis sur la touche par la présidence ivoirienne, révélant les tensions de plus en plus fortes entre le parti d’Alassane Ouattara et son principal allié.
Ce mercredi 13 juillet, lorsqu’il arrive au palais présidentiel juste après le Conseil des ministres, Niamien N’Goran pense simplement remettre son rapport annuel. Il ne se doute pas que quelques instants plus tard Alassane Ouattara va lui signifier son limogeage du poste d’inspecteur général d’État, qu’il occupe depuis 2011. Une fin de mission due à sa défaite à Daoukro lors des législatives de décembre, lui explique le chef de l’État ivoirien.
Ce renvoi est surtout le symptôme des tensions de plus en plus grandes entre le Rassemblement des Républicains (RDR) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), les deux grands alliés au pouvoir, et leurs chefs respectifs, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié.
Alassane Ouattara fait ainsi savoir son mécontentement à Henri Konan Bédié
En effet, Niamien N’Goran n’est pas seulement vice-président du PDCI, il est aussi le neveu du patron du parti. Juste avant lui, un autre cadre était mis à l’écart du pouvoir : en conseil des ministres, Jean-Louis Billon a été suspendu de la tête du Conseil régional du Hambol (centre-nord) pour « dissensions graves ». Les deux hommes attendent désormais la signification officielle de ces décisions.
« Alassane Ouattara fait ainsi savoir son mécontentement à Henri Konan Bédié », commente un observateur de la vie politique ivoirienne. Depuis 2010 et le soutien de Bédié à Alassane Ouattara face à Laurent Gbagbo lors de l’élection présidentielle, les deux hommes n’ont cessé de s’afficher en tandem harmonieux à la tête du pays.
Régulièrement consulté par Alassane Ouattara, le président du PDCI peut aussi compter plusieurs des figures de son parti à des postes clés de l’Etat et du gouvernement. En 2015, « l’appel de Daoukro » lors duquel Henri Konan Bédié a poussé son parti à renoncer à un candidat à la présidentielle et à se ranger derrière Alassane Ouattara, a encore renforcé cette alliance.
Succession d’Alassane Ouattara
Mais depuis quelques semaines, leur entente bas de l’aile. En cause, la succession d’Alassane Ouattara en 2020. Dans une interview accordée à Jeune Afrique mi-juin, le natif de Daoukro a affirmé que « le PDCI aura un candidat en 2020. Et ce sera le candidat unique du RHDP ». Des déclarations qui ont fait l’objet d’un échange téléphonique, en début de semaine, entre le patron du PDCI – en vacances en France depuis début juin – et le chef de l’État.
Si elle a remis en selle Henri Konan Bédié, accusé par certains de ses militants d’avoir « vendu » le parti, cette sortie a fait grincer des dents auprès des proches du chef de l’Etat. « Bédié nous doit beaucoup. En 2015, nous aurions gagné même sans son soutien. Si le PDCI a encore des places au sein du pouvoir, c’est grâce à nous, il devrait plutôt nous remercier », estime un des dirigeants du RDR.
Au-delà, c’est le rapprochement entre Henri Konan Bédié et Guillaume Soro, qui agace l’entourage présidentiel. En une semaine, les deux hommes se sont entretenus à deux reprises à Paris, pendant qu’à Abidjan, les tensions sont exacerbées entre les proches de l’ancien chef de la rébellion et le parti présidentiel depuis la dernière mutinerie, en mai.
Réunion extraordinaire du PDCI
Henri Konan Bédié, qui n’avait pas été informé au préalable par Ouattara du limogeage de son protégé – ce qui n’était pas arrivé depuis que la coalition a remporté la présidentielle face à Laurent Gbagbo en novembre 2010 -, a donné des instructions à Noël Akossy Bendjo, intérimaire de Maurice Kakou Guikahué, coordonnateur du secrétariat exécutif du PDCI, pour qu’une « réunion extraordinaire » soit convoquée demain à Abidjan. Le PDCI devrait, à cette occasion, prendre acte des décisions prises par Ouattara et déclarer attendre les instructions de Bédié. Le sphinx de Daoukro est attendu à Abidjan avant la fin du mois.
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