Gabon : septentrion désenchanté
Chômage, sida, exode rural… La province gabonaise a perdu de son panache. Elle reprend peu à peu des couleurs grâce à la relance des activités économiques et à la mise à niveau des infrastructures.
Le Woleu-Ntem n’en fait qu’à sa tête. Le parti au pouvoir est le premier à en faire les frais. Lors de la présidentielle de 2009, il a massivement voté pour l’opposant André Mba Obame. Et aux locales de novembre 2013, en dépit d’opérations séduction, le Parti démocratique gabonais (PDG) n’est pas parvenu à s’assurer de majorité durable dans la plus vaste province du Gabon. Même les ténors de l’opposition ne dorment que d’un oeil. Ici, personne n’est en terrain conquis.
Mais le PDG ne désespère pas d’inverser la tendance. Le premier effort, certes symbolique, est intervenu avec la nomination comme Premier ministre de Raymond Ndong Sima, en février 2012, auquel a succédé Daniel Ona Ondo en janvier. Ces deux natifs d’Oyem, la capitale provinciale, sont l’illustration de la rupture avec la tradition, qui attribuait invariablement la primature à un Fang de l’Estuaire. Des efforts ont également été consentis pour doter la province d’infrastructures routières et sanitaires, dont elle avait cruellement besoin.
Pourtant, le Woleu-Ntem est loin d’être la plus pauvre des neuf provinces du pays. Son amertume tient surtout à ce qu’elle est tombée de très haut, son déclin économique entraînant la désagrégation du tissu social.
Découragement des planteurs
S’il demeure toujours la plus agricole des provinces, le Woleu-Ntem a perdu son lustre d’antan. Qui se souvient que, dans les années 1970, on y produisait 5 500 tonnes de cacao par an ? Dans l’euphorie de la prospérité pétrolière, l’État s’est détourné des cultures de rente. Les programmes gouvernementaux ont investi massivement dans le développement des villes, délaissant les pistes rurales permettant d’évacuer la production agricole vers les marchés.
À la fin des années 1980, la production cacaoyère de la province est tombée à 1 600 t/an. L’effondrement des cours du cacao a achevé de décourager les planteurs. "Signe des temps, les séchoirs à cacao, si caractéristiques des villages du Woleu-Ntem, sont devenus des séchoirs à linge", observait Roland Pourtier dans Le Gabon. État et développement (L’Harmattan, 1989).
Relance des cultures vivières
L’exode vers les bourgs et les villes fut tel que, selon un responsable agricole local, "la population rurale du Woleu-Ntem a diminué d’un cinquième depuis 1975". Les jeunes ont rejoint les quartiers défavorisés des villes. Notamment à Oyem, où le chômage et le sous-emploi sont élevés, mais aussi plus au nord, à Bitam, où les besoins d’investissements dans les services de base, en particulier sanitaires, sont énormes.
Avec 7,2 % de ses 157 000 habitants atteints du sida, le Woleu-Ntem présente le taux de séroprévalence le plus élevé du pays. Pour bénéficier de soins appropriés, les habitants sont souvent obligés de se rendre au Cameroun ou en Guinée équatoriale.
Malgré tout, la province reprend des couleurs grâce à la relance des cultures vivrières et au commerce avec ses voisins de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). La route entre Libreville et la frontière avec le Cameroun est enfin entièrement goudronnée. Un réseau routier intégré relie les villes d’Oyem, Bitam, Minvoul, Mitzic et Medouneu à la cité camerounaise de Kyé-Ossi, ainsi qu’à Mongomo et Ebibeyin, en Guinée équatoriale.
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Histoire : au coeur du monopoly colonial
Territoire tampon entre les possessions allemandes et françaises d’Afrique centrale, le Woleu-Ntem fut à l’origine de querelles entre les deux puissances colonisatrices. Érigé en circonscription par la France en 1909, il fut cédé à l’Allemagne en 1911 et intégré au protectorat allemand du Cameroun. Mais la Première Guerre mondiale est venue rebattre les cartes géopolitiques. Après la défaite de l’armée allemande entre Oyem et Mitzic, en 1914, ce territoire de quelque 38 000 km² a été conquis par les troupes françaises du général Joseph Aymérich. Il sera ensuite réintégré dans l’Afrique-Équatoriale française (AEF) en 1916, après le départ des Allemands du Cameroun.
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