Crise du Golfe : les Émirats arabes unis, maîtres comploteurs contre Doha ?

Selon le « Washington Post », les Émirats arabes unis auraient orchestré le piratage de sites internet qataris pour y insérer de fausses déclarations du prince Tamim. Des déclarations considérées comme étant à l’origine de la crise diplomatique que traversent actuellement les pays du Golfe.

L’émir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, lors d’une visite au roi Salman d’Arabie saoudite, le 17 février 2015 à Riyad. © AP/SIPA

L’émir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, lors d’une visite au roi Salman d’Arabie saoudite, le 17 février 2015 à Riyad. © AP/SIPA

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 17 juillet 2017 Lecture : 3 minutes.

Montés furieusement à l’assaut du Qatar après avoir accusé son émir d’avoir fait état, le 24 mai, de son soutien à l’Iran et aux islamistes du Hamas palestinien, les Émirats arabes unis (EAU), l’Arabie saoudite, le Bahreïn et l’Égypte seraient-ils en train de se prendre les pieds dans le tapis ? Une demi-heure après leur publication, les déclarations imputées au prince Tamim étaient retirées des sites internet et les services de l’émir démentaient vigoureusement le fait que celui-ci en était l’auteur. Malgré ces dénégations, les coalisés coupaient leurs relations diplomatiques, financières et commerciales avec le Qatar le 5 juin, soumettant le petit émirat à un blocus sévère.

Mais, confirmant la position de Doha, le Washington Post a révélé, ce dimanche 16 juillet, sur la foi des déclarations de deux sources au sein des renseignements américains, que les EAU avaient « orchestré le piratage des sites d’informations et des réseaux sociaux du gouvernement qatari pour y éditer de fausses citations attribuées à l’émir Tamim Al-Thani ». Le 23 mai − alors que le président américain Donald Trump quittait tout juste l’Arabie saoudite après un accueil triomphal −, « des membres éminents du gouvernement émirati » auraient ourdi la machination. Selon les sources du quotidien américain, « la question de savoir si les Émiratis ont effectué le piratage eux-mêmes ou l’ont sous-traité reste trouble ».

La discrète expertise russe aurait-elle été monnayée par Abu Dhabi ?

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Faut-il y voir une main russe, que la chaîne américaine CNN avait dénoncé dès le 7 juin, citant l’enquête d’une équipe du FBI alors diligentée à Doha ? Certes, la révélation de CNN doit être replacée dans le contexte de la guerre que se livrent les agences de renseignements américains et le Kremlin, mais Abou Dhabi ne lésine pas sur l’emploi de mercenaires étrangères dans ses opérations armées au Yémen et en Libye, ni sur le recours aux consultants occidentaux pour ses plans économiques. La discrète expertise russe, qui a fait ses preuves contre la CIA elle-même, aurait-elle été monnayée par Abu Dhabi ? Naturellement, la communication qatarie n’a pas tardé à relayer l’article comme preuve de la machination diabolique qui vise Doha.

Démenti de l’ambassadeur des EAU 

Sur le compte Twitter de l’ambassade des EAU aux États-Unis, l’ambassadeur à Washington Yousef al-Otaiba, intime du gendre et conseiller spécial de Donald Trump Jared Kushner, a protesté : « L’information du Washington Post est fausse. Les Émirats arabes unis n’ont joué aucun rôle dans la cyberattaque mentionnée dans cet article ».

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Mais des éléments laissent à penser qu’Abou Dhabi et ses conjurés réalisent qu’ils sont peut-être allés trop loin dans les 13 exigences léonines posées au Qatar et que celui-ci n’est pas du tout disposé à abandonner des positions durement conquises durant deux décennies.

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Une « longue pause » avec le Qatar

Bien que Trump paraisse soutenir l’offensive contre Doha, son département d’État et le Pentagone ont cherché à tempérer, le Qatar abritant 10 000 soldats américains sur son sol. Le 11 juillet, le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, signait avec son homologue qatari un traité de lutte contre le financement du terrorisme sans équivalent ailleurs dans le Golfe, qualifiant la réponse de l’émirat de « raisonnable ».

Le 13 juillet, Abou Dhabi revenait sur son exigence impérieuse de fermeture de la chaîne Al Jazeera, ne demandant plus qu’une profonde restructuration. Le même jour sur Twitter, le ministre émirati des Affaires étrangères concédait à mi-mots l’échec du blietzkrieg sur Doha : « La réalité, c’est que nous sommes très loin d’une solution politique, qui consiste à changer la direction politique prise par le Qatar… Nous allons vers une longue pause. »

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