Gabon : un système de santé encore fébrile

L’État a investi massivement dans les hôpitaux et les centres de santé sur tout le territoire. Reste à trouver les médecins qualifiés et le personnel soignant pour les faire tourner.

Un enfant soigné à l’hôpital de Libreville. © GODONG / AFP

Un enfant soigné à l’hôpital de Libreville. © GODONG / AFP

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Publié le 11 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

"Service de psychopathologie" : dans le modeste centre de santé de Bitam, l’écriteau ne manque pas d’attirer l’attention. Non que la ville la plus au nord du Gabon soit exempte de personnes atteintes de troubles psychologiques, de maladies ou de handicaps mentaux. Personne ne peut en effet ignorer leur existence, puisqu’ici comme dans les autres bourgs et villages du pays certains d’entre eux déambulent dans les rues ou sur les chemins, livrés à eux-mêmes, au mépris de la proverbiale solidarité communautaire. Une triste réalité qui pourrait expliquer que le centre de santé leur consacre un service hospitalier.

Sauf qu’au pays de l’iboga (plante hallucinogène), le terme de "psychopathologie" est quasiment un gros mot. Dans l’imaginaire de la plupart des Gabonais, ceux qui sont atteints de troubles mentaux ne sont pas "malades". Tout est de leur faute. Ils ont forcément violé un interdit. Plutôt que de les conduire à l’hôpital, le premier réflexe est d’exposer leur cas à un guérisseur ou à un exorciste dans un temple évangélique.

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L’unité a pourtant ouvert en février dans ces bâtiments construits avant l’indépendance. Ses deux pièces aux fenêtres grandes ouvertes sur la canicule équatoriale bénéficient d’un aménagement sommaire. Deux lits d’hospitalisation classique et un bureau occupent la pièce principale. "Nous recevons deux à trois patients par semaine en ambulatoire", explique Laurette Nguéma, technicienne de santé en psychiatrie, formée au CHU de Fann, à Dakar, au Sénégal. Faute de spécialiste disponible, elle a été propulsée chef du service il y a six mois.

Car Bitam, 13 000 habitants, ne compte aucun ­psychiatre. Pis, il n’y en a que deux en activité dans le pays. Le troisième, Michel Mboussou, est le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) et n’exerce donc plus. En outre, le Gabon ne compte que onze techniciens de santé psychiatrique comme Laurette Nguéma, dont dix travaillent à Libreville.

Manque d’effectifs critique

Que les hôpitaux soient neufs ou vétustes, le déficit en médecins et en personnel médical ainsi que leur répartition déséquilibrée sur le territoire national affectent lourdement l’offre de santé. Et les moyens colossaux déployés par l’État n’y font rien. Ainsi, le manque d’effectifs est tout aussi critique dans le Haut-Ogooué, à Franceville, qu’à Bitam. La troisième ville du pays est ainsi dotée d’un centre hospitalier régional de pointe, qui a coûté 9 milliards de F CFA (plus de 13,7 millions d’euros), mais son service d’ORL n’a jamais ouvert faute de spécialiste.

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Un peu plus à l’est, en plein coeur du Haut-Ogooué, le centre médical de Ngouoni, également ultramoderne, attend lui aussi ses praticiens. Sur 40 salariés, il ne dispose que de 21 soignants diplômés, dont un seul médecin, généraliste. La maternité, elle, fonctionne sans sage-femme, et les patientes sont prises en charge par du personnel formé sur place.

La mère et l’enfant sont particulièrement chouchoutés

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À ce casse-tête s’est greffé un malentendu qui a freiné l’ouverture des bénéfices de l’assurance maladie au plus grand nombre, alors qu’elle est pleinement opérationnelle depuis 2009. En effet, invitée par les pouvoirs publics à s’immatriculer à la CNAMGS, la population hésite… Certains politiciens locaux lui ont fait croire que cette formalité, évidemment indispensable pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge, masquait en fait un embrigadement politique.

Malgré ces aléas, depuis la création de la CNAMGS, en août 2007, et l’application graduelle du nouveau régime obligatoire d’assurance maladie, le système est une réussite. Il permet désormais à la plupart des Gabonais de réduire considérablement leurs dépenses de santé. Dans ce cadre, la mère et l’enfant sont particulièrement chouchoutés. En effet, les assurées possédant une carte CNAMGS et ayant déclaré leur grossesse bénéficient d’une prise en charge à 100 % des soins liés à leur état, à l’accouchement ainsi qu’au suivi du nouveau-né et de la mère trente jours après la naissance.

Plus largement, le régime concerne les personnes "économiquement faibles" (depuis fin 2008) et les fonctionnaires (depuis 2011). Il a également été élargi aux salariés du privé en 2013. Un patient immatriculé paie 600 F CFA de frais de consultation, tandis que ceux qui ne sont pas assurés doivent débourser 3 000 F CFA

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