Algérie : les bacheliers aux abonnés absents, malgré une session de rattrapage

Largement controversée en Algérie, la session exceptionnelle créée spécialement pour les retardataires et absents à la session principale du baccalauréat qui s’est déroulé du 13 au 18 juillet s’est soldée par 75% d’absents. Un chiffre record, selon le syndicaliste Meziane Meriane.

Des lycéens algériens préparent les épreuves du bac, en 2011. © Flickr / Magherabia / Creative Commons

Des lycéens algériens préparent les épreuves du bac, en 2011. © Flickr / Magherabia / Creative Commons

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Publié le 18 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

Cette année, comme l’année dernière, la session principale du baccalauréat algérien s’est tenu durant le mois du ramadan. Un nouvel agenda qui avait déjà apporté son lot d’ennuis lors de la session d’examen de 2016. Pour faire face à cette situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles ont été prises par le gouvernement algérien, qui a cette année fait preuve d’une plus grande indulgence.

Les candidats qui n’ont pas pu accéder à leurs salles d’examens à cause de leur trop grand retard se sont vus accorder une deuxième chance par le président Bouteflika. C’est en effet par la grâce d’une d’une directive présidentielle qu’une session de rattrapage a été mise en place.

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Cette session spéciale uniquement dédiée aux « retardataires » s’est tenue du 13 au 18 juillet. Mais sur les 104 000 candidats attendus, à peine 15 000 personnes se sont finalement présentés à l’épreuve.  Une défection massive, pointée du doigt par les syndicats d’enseignants, notamment le Conseil des Lycées d’Algérie (CLA), qui s’étaient fortement opposés à la décision présidentielle.

Meziane Meriane, porte-parole du Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapset), revient pour Jeune Afrique sur la polémique.

Jeune Afrique : Pourquoi y-a-t-il eu autant d’absents lors de la session de rattrapage ?

Meziane Meriane : La directive présidentielle mentionne l’ouverture d’une nouvelle session uniquement pour les retardataires. Celle-ci a pourtant été étendue aux absents. Cette inclusion s’explique principalement par la défaillance du protocole : ce dernier ne prévoyait pas d’inscrire le nom des retardataires.

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Si le ministère de l’Éducation connaît bel et bien le nombre des candidats retardataires, il ne connaît pas leurs identités. Le ministère de l’Éducation a donc été forcé d’inclure les absents, en plus des retardataires, aux candidats éligibles à la session, car il n’était pas en mesure de faire la distinction entre les deux catégories.

Cette mesure porte atteinte à la bonne marche des établissements scolaires

Le fort taux d’absentéisme s’explique aussi par la présence d’absents volontaires lors de la session principale. Parmi eux des candidats libres, ayant abandonné les épreuves lors de la session de juin 2017, et dont le nombre s’élève à  92 000 candidats.

Cette mesure porte atteinte à la bonne marche des établissements scolaires. Le gouvernement vient de créer un précédent qui risque de lui coûter cher. Si il a cédé cette année face à quelques pressions des parents d’élèves, il risque d’être contraint de répondre par une nouvelle session pour les retardataires des futures sessions du baccalauréat.

Pourquoi cette décision a-t-elle été si critiquée ?

En Algérie, il n’existe pas de session de rattrapage pour le baccalauréat. Les candidats ayant obtenu une moyenne inférieure à dix à l’examen se voient donc automatiquement refuser l’obtention du diplôme. Ce système rend la tenue de cette deuxième session encore plus exceptionnelle, et donc d’autant plus controversée.

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J’ai appelé, ainsi que d’autres syndicats, à l’ouverture de cette session exceptionnelle aux candidats recalés à la première session du baccalauréat. Cette revendication nous tenait à cœur, car elle faisait partie de la réforme que nous avons élaboré pendant l’année scolaire 2015/2016, qui a ensuite été refusée.

Le gouvernement n’ignore pas d’ailleurs qu’il risque de s’attirer les foudres des recalées pour le baccalauréat

Dans cette proposition de réforme, nous avions suggérer la création d’une session de rattrapage pour les élèves recalés à la session principale, ayant obtenu une moyenne générale entre 9,5 et 10. Cette session de rattrapage aurait permis d’abaisser le nombre de redoublants à l’examen du baccalauréat.

Le même gouvernement, qui n’était pas favorable à cette réforme, organise aujourd’hui une session exceptionnelle pour les retardataires. Le gouvernement n’ignore pas d’ailleurs qu’il risque de s’attirer les foudres des recalées pour le baccalauréat : alors que les résultats de la session principale étaient prévus pour la première ou la deuxième semaine de juillet, ils ont été retardés au 25 juillet.

Ils ont réussi à couper l’herbe sous les pieds des futurs recalés du baccalauréat, sans résultats, ils n’ont pas pu protester avant la tenue de la deuxième session afin de demander à y participer. Les résultats des deux sessions, prévus à la même date, vont ainsi permettre au gouvernement d’éviter ce genre de débordements.

Pensez-vous que l’échec de cette session relève d’un cafouillage dans l’organisation ?

Cette décision gouvernementale s’est faite sans la consultation de la ministre de l’Éducation Nouria Benghabrit. La ministre avait en effet annoncé au début de l’affaire que “les exclus du baccalauréat n’ont aucun justificatif à présenter, car le protocole établi devait être rigoureusement appliqué ”, et qu’ils devront donc se présenter à la prochaine session d’examen en 2018.

Elle a été contredite le jour même par le Premier ministre qui a annoncé l’ouverture d’une session spéciale pour les retardataires. La solution diplomatique aurait été de consulter la ministre afin de discuter de l’éventualité d’une deuxième session.

Cette affaire représente un véritable cafouillage et une preuve de l’interventionnisme politique dans un domaine qui devrait être réservé aux experts de la pédagogie.

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