Katumbi face à la justice : second round sur le ring (toujours) politico-judiciaire
Au lendemain de son ouverture, sur fond de pressions présumées contre les juges, le procès en appel de Moïse Katumbi dans l’affaire de spoliation a été transféré jeudi à la Cour constitutionnelle de la RDC, seule instance compétente pour examiner l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la défense.
Le gong n’avait pas encore retenti, l’un des arbitres était déjà à terre, K.O. Mercredi 19 juillet, peu après minuit, le juge Jacques Mbuyi, pressenti pour être parmi les magistrats de siège lors de l’ouverture du procès en appel de l’opposant Moïse Katumbi, a été victime, à son domicile, d’une agression d’une rare brutalité. Des hommes armés ont tiré sur lui et violé sa femme… Le juge, alité, se trouve actuellement à l’hôpital du Cinquantenaire de la commune annexe de Lubumbashi, construit sous l’ère Moïse Katumbi, alors gouverneur du Katanga, aujourd’hui dans le collimateur de la justice congolaise.
Joseph Kabila à Lubumbashi la veille du procès
« Ils ont tenté d’éliminer un juge connu pour sa droiture, un élément incontrôlé qu’ils ne pouvaient pas manipuler », dénonce un proche de Moïse Katumbi qui voit en cette tentative d’assassinat une main invisible du régime du président Joseph Kabila.
Kabila s’est offert un tour de Lubumbashi pour faire davantage pression sur les juges
Le chef de l’État lui-même est arrivé dans la ville la veille du début du procès. Suffisant pour éveiller des soupçons de ses détracteurs. En tout cas, « ce n’est pas un hasard, soutient-on dans le camp Katumbi. Il ne s’agit pas d’une présence non remarquée comme d’habitude, Kabila s’est offert un tour de Lubumbashi pour montrer qu’il était bien là et ainsi faire davantage pression sur les juges ».
Soupçons d’interférence politique
Cinq jours plutôt, c’était au tour d’Alexis Thambwe-Mwamba, ministre congolais de la Justice, de séjourner dans la capitale cuprifère, épicentre du désormais tragique feuilleton politico-judiciaire qu’est cette affaire rocambolesque de spoliation d’immeuble opposant un sujet grec à Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle, contraint depuis un an à l’exil. L’entourage de l’accusé soupçonne le garde des Sceaux d’être aussi venu s’assurer que les juges iront dans le sens du premier jugement.
#Thambwe continue d'instrumentaliser la Justice contre @moise_katumbi. Mais gare au retour de bâton. Les méfaits ne restent jamais impunis! https://t.co/aistsIsnag
— Salomon SK Della (@SalomonKalonda) July 18, 2017
Au premier round, Katumbi avait en effet été condamné, le 22 juin 2016, à 36 mois de prison ferme et à un million de dollars de dommages et intérêts. Mais un mois plus tard, la juge Chantale Ramazani Wazuri, présidente du tribunal de paix de Lubumbashi, a affirmé dans une lettre de cinq pages, avoir été forcée à condamner l’opposant. Thambwe-Mwamba s’était-il rendu sur le terrain pour influencer la décision des juges d’appel ?
Le dossier Katumbi n’est pas une affaire d’État
Le ministre de la Justice réfute toute hypothèse d’interférence politique. « Je suis allé à l’ouverture des Journées du Barreau de la RD Congo. Ces manifestations sont organisées une fois par an au siège de l’un des barreaux du pays. Cette année était le tour du barreau de Lubumbashi », se défend-il.
Thambwe-Mwamba précise toutefois qu’il a « profité [de son séjour] pour faire une inspection des services et de la prison de Kasapa ». « Le dossier Katumbi ne rentre pas dans mes préoccupations. Ce n’est pas une affaire d’État », jure-t-il.
Affaire transférée devant la Cour constitutionnelle
Mais début mai, le contenu d’un rapport confidentiel de la commission ad hoc sur la décrispation politique en RD Congo a pourtant dénoncé ce « procès collé à Moïse Katumbi » le qualifiant de « règlement de comptes purement politique ». Malgré tout, le deuxième round du procès a bien débuté le mercredi 19 juillet à Lubumbashi.
Après avoir soulevé deux exceptions – l’une sur la saisine du tribunal, l’autre récusant les juges, toutes les deux rejetées -, la défense de Katumbi a tenté, en vain, de faire acter un pourvoi en cassation pendant l’audience.
« C’est pourquoi nous avons finalement fait recours d’exception d’inconstitutionnalité contre la décision du tribunal de continuer le procès avec des juges récusés », explique Me Barthelemy Mumba Gama, l’un des avocats de Katumbi.
En conséquence, l’audience a été suspendue et a repris ce jeudi 20 juillet. Après le délibéré, les juges d’appel ont décidé de renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle. À la grande satisfaction de la défense. « Le tribunal de grande instance de Lubumbashi a bien dit le droit. Si le procès se tient dans ces conditions, notre client, Moïse Katumbi, aura bientôt gain de cause », se réjouit déjà Me Jean Joseph Mukendi wa Mulumba. Les prochains rounds de ce combat politico-judiciaire se dérouleront donc désormais sur un nouveau ring, à Kinshasa.
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