Au Burkina, les étudiants font de la résistance contre Blaise Compaoré

Pour beaucoup d’étudiants, pas question de laisser Blaise Compaoré briguer un cinquième mandat en 2015. Reportage sur le campus de Ouagadougou, potentielle bombe à retardement.

Les universités burkinabè ont toujours été hostiles à l’actuel régime. © Sophie Garcia

Les universités burkinabè ont toujours été hostiles à l’actuel régime. © Sophie Garcia

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Publié le 26 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Ils sont près d’un millier, serrés comme des sardines, qui attendent dans l’amphithéâtre bondé. Les orateurs arrivent enfin, fendant l’atmosphère étouffante de la salle que quelques ventilateurs brinquebalants peinent à aérer. Pendant trois heures, le débat tournera autour du sujet qui brûle toutes les lèvres au Burkina : la présidentielle de 2015. Quelques minutes suffisent pour comprendre que les étudiants présents sont opposés au projet de révision constitutionnelle visant à faire sauter le verrou de l’article 37, qui limite le mandat présidentiel à cinq ans, renouvelable une seule fois. Révision qui permettrait au chef de l’État, Blaise Compaoré, de se représenter.

Le micro passe de main en main. "Le régime veut assassiner notre génération, mais nous ne nous laisserons pas faire. Unis, nous nous battrons !" s’enflamme Bakary, qui finit son discours en nage, salué par une tonitruante ovation. Quelques mètres plus bas, Amadou, en licence de philosophie, suit les échanges avec attention. Comme des milliers d’autres étudiants de l’université de Ouagadougou, il a été de toutes les manifestations organisées dans la capitale depuis le début de l’année : marche du 18 janvier, grand meeting fin mai au stade du 4-Août…

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Ancrées dans une forte tradition marxiste et syndicale (lire encadré), les universités burkinabè, où l’esprit de Thomas Sankara est encore omniprésent, ont toujours été des citadelles hostiles au régime de Compaoré. "Les étudiants sont fortement engagés en faveur de l’alternance en 2015, et il y a peu de doutes à avoir sur leurs capacités de mobilisation", analyse Augustin Loada, politologue et directeur exécutif du Centre pour la gouvernance démocratique, ajoutant toutefois que cette "tendance révolutionnaire ne lutte pas contre le pouvoir ou l’opposition, mais contre l’ensemble du "système"".

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Des étudiants "cibals"

Ainsi, les étudiants sont nombreux à accuser d’opportuniste le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), créé en janvier par Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et Salif Diallo, trois dissidents du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir). Pour eux, les fondateurs du MPP sont des "caméléons", de "faux opposants" qui "visent le pouvoir de l’État, pas celui du peuple", etc. Un autre mouvement, qui se veut non partisan, fait des émules sur les campus : le Balai citoyen, fondé en juin 2013 par les chanteurs Smockey et Sams’k Le Jah. Un an plus tard, de nombreux étudiants se disent "cibals" (pour les garçons) ou "cibelles" (pour les filles).

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Serge Bayala, 22 ans, en licence de lettres modernes, est l’un d’entre eux. Avec plusieurs camarades "diaspos" (des Burkinabè nés en Côte d’Ivoire, dont l’intégration reste difficile), il était sur le front de la contestation mi-2013, après que les autorités ont évacué de force plusieurs cités universitaires de Ouaga. Selon lui, beaucoup d’étudiants "n’en peuvent plus de leurs conditions de vie" et empêcheront "coûte que coûte" le chef de l’État de briguer un cinquième mandat.

Ce risque de radicalisation suscite des inquiétudes, comme chez ce diplomate occidental en poste à Ouaga : "Les étudiants sont une potentielle bombe à retardement. S’ils descendent massivement dans la rue, la situation pourrait dégénérer…" Au palais de Kosyam, Compaoré, réputé pour son sens aigu de l’analyse des risques, a forcément réfléchi à cette option.

Les partis politiques ne sont pas loin

Si la plupart des étudiants affirment ne pas être encartés, les mouvements estudiantins sont plus ou moins proches de formations d’opposition (Union pour le progrès et le changement, Union pour la renaissance-Parti sankariste, Parti pour la démocratie et le socialisme-Parti des bâtisseurs, etc.) ou d’organisations syndicales.

Par exemple, à en croire plusieurs observateurs, des passerelles évidentes existent entre l’Association nationale des étudiants burkinabè (Aneb), principal syndicat étudiant du pays, et le Parti communiste et révolutionnaire voltaïque (PCRV), toujours clandestin. Selon eux, l’Aneb ne bougerait pas une oreille tant qu’elle n’a pas reçu l’aval du PCRV. Des liens sensibles qui rendent les responsables de l’Aneb particulièrement discrets, aucun ne se risquant à s’exprimer sur la position de l’organisation à l’approche de la présidentielle.

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Benjamin Roger, envoyé spécial à Ouagadougou

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