Gabon : retour sur le terrain électoral
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Georges Dougueli
Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il s’occupe particulièrement de l’Afrique centrale, de l’Union africaine et de la diversité en France. Il se passionne notamment pour les grands reportages et les coulisses de la politique.
Publié le 9 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.
Après une première moitié de septennat centrée sur la croissance et les grands projets, Ali Bongo Ondimba lance un important programme social. Un plan qui mobilise plus de 380 millions d’euros supplémentaires d’ici à 2016, année de la prochaine présidentielle…
Ça leur reprend. À Libreville, les politiques sont de nouveau saisis par la fièvre qui les gagne toujours à l’approche d’une échéance présidentielle. À deux ans de la joute pour le Graal, la température est montée d’un cran. Opposition et majorité fourbissent déjà leurs phrases assassines et s’invectivent par médias interposés.
Ainsi, à Jean Ping assurant sur le plateau de France 24 que "le pays va dans le mur", qu’il est dirigé par "un autocrate" entouré "d’un groupe de gens pratiquement apatrides", le chef de l’État répond lui-même dans son adresse à la nation du 16 août, veille de la fête nationale, en qualifiant ses propos de "discours de haine, de division et de xénophobie", qui n’ont "jamais fait partie de [la] pratique politique" gabonaise et ne sont "ni acceptables ni pardonnables". Côté précampagne, Ali Bongo Ondimba a obtenu le ralliement de plusieurs opposants à son pacte social. Il a aussi relancé sa majorité présidentielle pour l’émergence, dont le soutien sera utile au jour du vote. Pour leur part, ses détracteurs ont formé le Front de l’opposition pour l’alternance (Fopa) et préparent des tournées provinciales.
Le ralliement de Paris à l’opposition a fait démarrer en trombe, et avant l’heure, une curieuse précampagne.
L’opposition reprenant des couleurs, le pouvoir se devait d’y répondre, notamment sur le terrain social. Paysans, filles mères, chômeurs… Les personnes fragilisées et les "Gabonais économiquement faibles" concentrent les attentions. En première ligne, la première dame. Sylvia Bongo Ondimba a effectué mi-mai une nouvelle tournée "Gabon profond", sillonnant l’arrière-pays à la rencontre de ceux dont les plaintes, remises aux autorités locales, se sont perdues dans les méandres de l’administration librevilloise. Mais le nouveau pacte social n’a évidemment pas encore pu porter ses fruits.
Il n’a eu le temps d’apaiser ni la souffrance des uns ni les récriminations des autres. Les réseaux sociaux gabonais, particulièrement actifs, bruissent de propos frondeurs, preuve que toutes les blessures de la douloureuse transition de 2009 ne sont pas cicatrisées. La politique a donc repris ses droits. Elle va dévorer l’agenda de cette fin de septennat, reléguant les programmes gouvernementaux au second plan. La faute à Jean Ping, dont le ralliement à l’opposition, annoncé en février, a fait démarrer en trombe – et avant l’heure – cette curieuse campagne électorale.
L’ancien président de la Commission de l’UA a réveillé une opposition tombée en sommeil depuis la disparition de Pierre Mamboundou et les ennuis de santé d’André Mba Obame, les deux principaux rivaux du président. La faute, aussi, à la majorité, qui n’a pas su profiter de cette léthargie pour faire aboutir tous ses programmes. Le Palais avait pourtant une belle marge de manoeuvre. Depuis que l’opposition a boycotté les législatives de décembre 2011, le Parti démocratique gabonais dispose d’une confortable majorité de 114 députés sur 120. Les recettes de l’État ont sensiblement augmenté et la croissance s’est bien tenue (5,5 % en 2012, 5,9 % en 2013).
Malgré ces bons indicateurs, nombre de projets ont subi des retards, et la pauvreté a gagné du terrain. Au point que le Gabon a perdu six places dans le classement 2014 du Pnud en matière d’indice de développement humain, passant au 112e rang. Par ailleurs, la réforme de l’Administration est trop lente. Le niveau de corruption est si élevé qu’il limite les capacités de l’État à redistribuer les fruits de la croissance. Et le gouvernement communique à contretemps. Les rumeurs alarmistes qui prétendaient que les caisses du trésor étaient vides ont été trop mollement démenties, par exemple, en dépit de leur caractère dévastateur sur la confiance…
La course au Palais du bord de mer est donc repartie. Désormais, le chef de l’État va devoir garder un oeil sur ses concurrents tout en accélérant le rythme de ses chantiers, notamment ceux du nouveau pacte social.
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