Libye : la violence se double d’une crise politique
Des miliciens islamistes libyens ont accusé dimanche les Émirats arabes unis et l’Égypte d’être impliqués dans les récents bombardements de leur position près de l’aéroport de Tripoli. Une accusation aussitôt rejetée par les autorités égyptiennes.
La bataille pour l’aéroport de l’aéroport de Tripoli, dans un pays plongé dans le chaos, a révélé la profondeur des divisions entre les autorités se prévalant d’une légitimité électorale et les islamistes affirmant vouloir défendre les "acquis de la révolution". Après plusieurs jours de spéculations sur l’identité des avions qui ont bombardé des miliciens islamistes participant à un assaut contre l’aéroport, ces derniers ont accusé les Emirats arabes unis et l’Egypte d’en être les responsables pour, selon eux, prêter main forte à leurs adversaires nationalistes qui défendaient cette installation, hautement stratégique.
"Les Emirats et l’Egypte sont impliqués dans cette lâche agression", a déclaré samedi soir Mohamed Hadia, un porte-parole du groupe "Fajr Libya" (Aube de la Libye), accusant au passage le Parlement et le gouvernement provisoire de complicité. L’Egypte a "catégoriquement" démenti toute implication dans ces raids mais les Emirats arabes unis, son allié dans la lutte contre les islamistes, n’avaient pas encore réagi dimanche.
Sans répondre directement à ces accusations, le Parlement libyen a quant à lui qualifié de "terroristes" Fajr Libya et le groupe jihadiste d’Ansar Asharia, qui tient 80% de la deuxième ville de Libye, Benghazi dans l’Est. "Ces deux groupes sont une cible légitime pour l’armée nationale, que nous soutenons avec force pour qu’elle continue sa guerre jusqu’à les contraindre à cesser les tueries et à remettre leurs armes", a souligné le Parlement dans un communiqué.
Assemblée sortante contre Parlement élu
Les islamistes de Fajr Libya, qui affirment avoir réussi à prendre le contrôle de l’aéroport de Tripoli, ont retiré leur confiance au Parlement élu et au gouvernement, leur reprochant un "acte de trahison" pour avoir appelé à une intervention étrangère en Libye. Ils ont demandé, dans ce contexte, à l’Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN), de reprendre ses activités pour "défendre la souveraineté" du pays.
Cette assemblée, qui était dominée par les islamistes et dont le mandat a théoriquement expiré avec l’élection du Parlement le 25 juin, a tout suite convoqué ses membres à se réunir d’urgence à Tripoli. Le Parlement, où les islamistes n’ont pas la majorité, n’a jamais été réellement accepté par eux. Son récent appel à une intervention étrangère pour protéger les civils a donné l’occasion aux islamistes de descendre dans la rue pour lui contester toute légitimité.
Pour des raisons de sécurité il a choisi de siéger, comme le gouvernement provisoire, à Tobrouk, à 1.600 km à l’est de Tripoli, alors qu’il était censé se réunir à Benghazi, 600 km plus à l’ouest. Ses appels à démanteler les milices armées sont restés sans réponse dans le pays où règnent différentes milices qui puisent leurs armes dans l’arsenal gigantesque laissé par le pouvoir de Mouammar Khadhafi. Aucune date n’a été donnée sur la réunion à Tripoli du CGN, qui s’il se réorganise, ferait de la Libye un pays avec deux assemblées se disputant le pouvoir législatif.
Succès islamiste sur le terrain
Avec la prise de l’aéroport de Tripoli, qui reste à être confirmée de source indépendante, les islamistes peuvent se prévaloir d’un succès militaire contre les nationalistes. La bataille pour cette installation a donné lieu à dix jours d’intenses combats entre les islamistes, venus essentiellement de Misrata (200 km à l’est de Tripoli) et ceux de Zenten (180 km à l’ouest de la capitale), les plus violents dans la ville depuis la chute de Kadhafi en 2011.
Les islamistes entendent capitaliser sur ces succès militaires en revenant sur la scène politique après leur revers électoral du 25 juin. Ils n’ont pas hésité à attaquer et saccager dimanche à l’aube la télévision "Al Assima" (La Capitale), favorable à leurs adversaires de Zenten. Mais en face, le Parlement et le gouvernement semblent plus que jamais déterminés à les éradiquer en formant une véritable armée qui manque toujours à la Libye de l’après-Kadhafi.
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