RDC : six mois après la mort d’Étienne Tshisekedi, ses disciples se déchirent toujours

Depuis la mort d’Étienne Tshisekedi, son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social ( UDPS) est plus que jamais divisé, certains membres en ont été évincés, pendant que d’autres s’affairent à organiser le prochain congrès du parti. Dans tout cela, que deviennent les plus proches collaborateurs du Sphinx de Limete ?

Etienne Tshisekedi, à Kinshasa, en juillet 2016. © John bompengo/AP/SIPA

Etienne Tshisekedi, à Kinshasa, en juillet 2016. © John bompengo/AP/SIPA

Publié le 3 août 2017 Lecture : 5 minutes.

Le célèbre béret d’Etienne Tshisekedi, sur son cerceuil aux couleurs de la RDC, lors de la cérémonie d’hommage populaire le 31 mai 2019 à Kinshasa. © DR / Présidence RDC
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Étienne Tshisekedi à Kinshasa : le dernier voyage de l’opposant historique

Le retour de la dépouille d’Étienne Tshisekedi, le 30 mai à Kinshasa, a marqué le début de trois jours de célébrations qui se terminent ce samedi par l’inhumation de l’opposant historique congolais, en présence de plusieurs chefs d’État africains. Il marque aussi la fin de deux années d’attente pour ses partisans et ses proches, dont son fils, devenu président de la République.

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À l’UDPS, la mort du chef du clan a tout fait basculer. De grosses pointures du parti ont été exclues par l’actuel secrétaire général Jean-Marc Kabund-A-Kabund. Mais tous rejettent la mesure et se revendiquent toujours membres du parti. « Après la mort du Président de l’UDPS, personne n’a la moindre compétence pour en exclure un membre » explique ainsi à Jeune Afrique le Premier ministre Bruno Tshibala, exclu de la formation politique le 4 mars.

Bruno Tshibala, l’actuel Premier ministre made in UDPS

Ce dernier a officiellement lancé le 27 juillet à Kinshasa une commission pour organiser un conclave. Objectif : mettre sur pied très prochainement le congrès au cours duquel doit être élu le nouveau président du parti. Une démarche destinée à « amuser la galerie », commente-t-on au siège de l’UDPS. « Bruno Tshibala ne fait plus partie du parti et n’est pas mieux placé qu’un autre pour engager le parti sur la tenue du congrès », estime Augustin Kabuya, porte-parole de la formation politique.

Bruno Tshibala, Premier ministre de la République démocratique du Congo, à la primature, à Kinshasa, le 9 juin 2017. © John Wessels pour JA

Bruno Tshibala, Premier ministre de la République démocratique du Congo, à la primature, à Kinshasa, le 9 juin 2017. © John Wessels pour JA

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Mais malgré son exclusion du parti pour s’être opposé à la nomination de Pierre Lumbi et Félix Tshisekedi comme les dirigeants du Rassemblement − la principale plateforme de l’opposition créée en juin 2016 autour d’Étienne Tshisekedi − Bruno Tshibala se présente comme co-rédacteur des statuts du parti et l’un des fidèles collaborateurs d’Étienne Tshisekedi.

En octobre 2016, soit deux mois avant la signature de l’accord de la Saint-Sylvestre, il avait été interpellé à l’aéroport de Ndjili et conduit vers une destination inconnue. Avant d’être relâché quelques jours plus tard. Un épisode sur lequel le porte-parole de l’UDPS Augustin Kabuya porte aujourd’hui un regard amer : « C’est à ce moment là qu’il avait été approché par la Majorité présidentielle pour trahir. »

Valentin Mubake, assigné à domicile

Autre exclu du parti, qui rejette la mesure de Jean Marc-Kabund : Valentin Mubake. L’ex-conseiller spécial d’Étienne Tshisekedi était très connu pour ses positions radicales face au pouvoir en place. Il était considéré comme le potentiel candidat à la succession du leader du parti. Pourtant, après la mort de son président, il a accepté de participer aux consultations initiées par Joseph Kabila, contre l’avis de l’UDPS et du Rassemblement. À ce moment-là, d’ailleurs, il avait affirmé avoir été choisi par Étienne Tshisekedi pour occuper le poste de Premier ministre de la transition.

C’est désormais depuis son domicile, en banlieue de Kinshasa, qu’il se réclame encore membre du principal parti de l’opposition. Il tente de ne pas tomber aux oubliettes. « Qui peut nous exclure du parti ? Cette prérogative n’appartient pas à ceux qui se sont arrogés ce droit là », se justifie t-il au téléphone avec Jeune Afrique.

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Valentin Mubake semble à présent se rapprocher de l’actuel Premier ministre. « Bruno Tshibala et moi, nous sommes dans l’UDPS », insiste t-il. Il partage également l’initiative prise par son compère d’organiser le congrès du parti.

Les anciens secrétaires généraux

Il y a aussi Jacquemin Shabani, ancien secrétaire général de l’UDPS qui a été déchu de ses fonctions en 2012. Il a certes été écarté du cercle fermé d’Étienne Tshisekedi, mais reste un membre du parti et se dit toujours actif : « Je participe à tous les grands rassemblements à Limete. »

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Connu pour avoir été l’un des secrétaires généraux les plus dynamiques de l’histoire du parti, dont il est membre depuis 1992, Jacquemin Shabani souhaite que « la dynamique que mène Bruno Tshibala puisse intéresser les collègues qui ont la gestion du parti ».

Bruno Mavungu, son remplaçant, a occupé les mêmes fonctions jusqu’en 2015 avant d’être écarté pour usurpation des attributs du président et abus de pouvoir. Depuis, il a quitté le parti pour en créer un autre, plutôt éloigné de la vision de l’UDPS. Contacté par Jeune Afrique, Bruno Mavungu s’est refusé à tout commentaire sur la crise que traverse le parti.

Quant à Albert Moleka, qui a été pendant six ans directeur de cabinet et porte-parole du leader de l’UDPS (2008-2014), il se présente d’abord comme aumônier des prisons. Après avoir quitté le parti le 14 mars 2015 suite à un incident qu’il qualifié de « familial », l’ancien directeur de cabinet d’Étienne Tshisekedi est passé par une ancienne dissidence l’UDPS-Kibassa, qu’il a également quittée en janvier 2017. « Aujourd’hui, je joue un rôle d’encadrement auprès de jeunes partis politiques », explique-t-il au téléphone, sans entrer dans les détails.

Jusqu’où ira Jean-Marc Kabund-A-Kabund ?

Jean-Marc Kabund-A-Kabund vient d’être propulsé au poste de numéro deux du parti. À la grande surprise de l’entourage du Vieux. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Jean-Marc Kabund-A-Kabund vient d’être propulsé au poste de numéro deux du parti. À la grande surprise de l’entourage du Vieux. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Peu avant son décès, Étienne Tshisekedi a confié la responsabilité du parti à un jeune militant de 35 ans, ancien président fédéral de l’UDPS Kamina (une ville du Haut-Katanga). Mais Félix Tshisekedi a eu beau essayer de lier des liens solides avec l’actuel secrétaire général du parti, de 18 ans son cadet, Jean-Marc Kabund-A-Kabund reste difficile à maîtriser.

Très ambitieux, son influence au sein du parti est indiscutable. « On ne sait pas jusqu’où il peut aller », confie un de ses proches. C’est en tout cas en son absence qu’Augustin Kabuya affirmait récemment, lors d’une matinée politique, que les militants de l’UDPS réclamaient la candidature de Félix Tshisekedi à la présidentielle en tant que candidat UDPS. Contacté par Jeune Afrique, Jean-Marc Kabund-A-Kabund dit ne voir aucun inconvénient aux réclamations des militants du Parti : « Il faut absolument passer par le congrès et si Félix Tshisekedi est plébiscité candidat à la présidentielle, personne ne s’y opposera. »

Félix Tshisekedi prend du galon

Félix Tshisekedi, à Bruxelles, le 10 février 2017. © Colin Delfosse pour J.A.

Félix Tshisekedi, à Bruxelles, le 10 février 2017. © Colin Delfosse pour J.A.

Replié derrière son poste de secrétaire général adjoint du parti, Félix Tshisekedi est presque aux commandes de l’UDPS. Son statut de président du Rassemblement a ajouté de l’épaisseur à sa carrière politique. À Kinshasa, il multiplie les sorties où il harangue la foule, et sensibilise les militants du parti, en organisant des matinées politiques où il s’exerce aux discours tranchants face au pouvoir.

Membre du parti depuis 1982 , et élu à la tête de la cellule UDPS basée à Leuven en Belgique en 1993, l’ancien chargé des relations extérieures de l’UDPS a pris confiance en lui au fur et à mesure que les proches collaborateurs d’Étienne Tshisekedi quittaient la barque. Ce qui semble plutôt réjouir ses proches. « C’est la loi de Darwin, la sélection s’est faite naturellement, d’autres se sont fourvoyés », commente Michee Mulumba, son assistant. À ceci près que, même s’il l’emporte, ce ne sera que sur une fraction du parti de son père.

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