Les problèmes de l’Afrique ne sont pas d’ordre démographique !

Après la sortie du Président macron établissant un lien entre le boom démocratique en Afrique et les difficultés de stabilisation financière des économies africaines, c’est au tour des parlementaires d’Afrique de l’Ouest de marteler leur volonté de limiter les naissances.

Des bébés en Afrique du Sud. © Denis Farrell/AP/SIPA

Des bébés en Afrique du Sud. © Denis Farrell/AP/SIPA

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  • Magaye Gaye

    Magaye Gaye est un économiste sénégalais, professeur à l’Institut supérieur de gestion de Paris.

Publié le 28 juillet 2017 Lecture : 2 minutes.

Ou le président Français a révélé trop vite, pour des questions de leadership, un scoop qu’il appartenait aux Africains d’étaler au grand jour, ou ces parlementaires ont fait du suivisme avec le risque de renforcer l’idée communément ancrée dans les esprits, de l’Africain irresponsable et peu déterminé.

Toujours est-il qu’agiter la question du taux de fécondité comme solution à la lutte contre la pauvreté, près de deux siècles après l’économiste britannique Thomas Robert Malthus, traduit un aveu d’échec des stratégies de développement. En effet, la théorie de cet économiste est critiquable pour plusieurs raisons :

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Tout d’abord, parce que l’idée que la progression démographique est plus rapide que l’augmentation des ressources, et entraîne une paupérisation de la population est discutable. Malthus n’avait pas les rudiments pour mesurer l’étendue des ressources. Ensuite, contrairement au 18e siècle, aujourd’huices dernières ne se limitent plus uniquement aux aspects matériels et naturels mais relèvent aussi de potentiels en termes d’innovations industrielles, de productivité agricole et de nouvelles technologies.

Ensuite, il faut souligner qu’aujourd’hui, le potentiel démographique n’est plus une contrainte mais un atout (consommation et force de travail) ; dans les sociétés africaines, le nombre d’enfants peut représenter une « soupape de sécurité » en termes de retraite et de sécurité sociale.

Si la Chine avec  ses 1, 3 milliards d’habitants est devenu un géant économique, elle le doit sans doute à son potentiel démographique

Il est vrai que l’Afrique avec 1,2 milliards d’habitants doit chercher les remèdes permettant de relever le défi du développement. Ses partenaires devraient cependant éviter de lui imposer des solutions aux antipodes de son vécu sociétal et civilisationnel. Si la Chine avec  ses 1, 3 milliards d’habitants est devenu un géant économique, elle le doit sans doute à son potentiel démographique. Il est aussi à souligner que 8 des 10 pays les plus peuplés du monde font partie des nations qui comptent (Chine, Inde, États-Unis, Indonésie, Brésil, Nigéria, Russie et Japon).

L’Afrique peut-elle se permettre de suivre un Continent européen dont le processus de vieillissement de la population inhibe les capacités à entreprendre et à innover − lesquelles sont pourtant des moteurs importants de croissance économique − ?

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La persistance de la pauvreté sur le Continent résulte à notre avis moins d’un taux de fécondité élevé que de facteurs purement économiques. Les taux de croissance annoncés, par exemple, sont souvent peu conformes à la réalité du fait de statistiques manipulées parfois pour des raisons politiques. Le Continent aurait pu mieux faire, à la faveur de choix de politiques économiques plus vertueuses, en mettant un terme à l’énorme gaspillage de ressources publiques et en maîtrisant mieux des revenus financiers colossaux transférés hors du continent licitement sous forme de dividendes d’investissement ou illicitement (corruption).

Autres facteurs à prendre en compte : l’absence d’équité dans les stratégies d’allocation des budgets nationaux, et la prise en compte insuffisante dans les politiques de développement économique d’un secteur informel qui occupe l’essentiel de la population active. Ce secteur, entreprenant, innovant et fortement créateur d’emplois génère plus de la moitié du PIB dans certains pays. Il faut aussi mentionner les mauvaises politiques d’aménagement du territoire, concentrant l’essentiel des activités économiques et des populations dans la capitale délaissant ainsi le secteur primaire, et les défis qui restent à relever en matière d’éducation et de formation professionnelle.

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