Tunisie : « Avec la campagne ‘Manich Msamah’, nous perpétuons l’esprit de 2011 »
Alors que le projet de loi sur la réconciliation nationale soutenu par le président tunisien s’apprête à être discuté au Parlement, ses opposants pensent déjà à l’avenir.
Layla Riahi bat le pavé depuis plus d’un an avec la campagne « Manich Msamah » (« Je ne pardonne pas »), qui est née il y a deux ans, en août 2015, dans le but de s’opposer au très polémique projet de loi de réconciliation nationale, soutenu par le président Béji Caïd Essebsi. La Tunisoise explique à Jeune Afrique pourquoi elle a rejoint cette campagne et ce que cet engagement signifie dans le paysage politique tunisien, alors que la loi pourrait passer devant les parlementaires dans les deux jours à venir. Riahi a d’ailleurs prévu de les passer devant le Parlement, au Bardo, avec les autres militants de « Manich Msamah » pour maintenir jusqu’au bout la pression sur les élus. Le 25 juillet, des militants qui portaient des t-shirts avec le logo maintenant bien connu de la campagne – un petit maillet de président et son socle – se sont plaint d’avoir été interpellés par la police pour ce simple fait, lors d’un concert à l’amphithéâtre de Carthage. Une preuve, pour eux, de la fébrilité de l’exécutif sur cette question.
Jeune Afrique : La loi pourrait passer dans les jours à venir devant le Parlement. Si elle était adoptée, serait-ce une défaite pour vous ?
Layla Riahi : Il y a plusieurs lectures possibles. Mais si elle passe, il faut quand même avouer que nous aurons tout de même gagné une partie de la bataille. Entre le projet de loi de 2015 et celui examiné maintenant, de nombreux points importants ont été supprimés. Il n’est plus question de l’amnistie des hommes d’affaires, la partie portant sur les « crimes de change » a été retirée…
La campagne pourrait-elle continuer à exister pour lutter sur d’autres sujets, comme le projet de loi de répression des atteintes aux forces armées, par exemple ?
Non, a priori la campagne n’existe que pour s’opposer à la loi de réconciliation nationale. Mais le noyau dur de la campagne est formé de gens qui sont très engagés. Ils seront sans aucun doute actifs sur d’autres questions. Et ils risquent fort de s’opposer au projet de loi sur la répression des atteintes contre les forces armées.
Donc, si la loi passe, la campagne « Manich Msamah » cesse d’exister ?
Pas tout à fait, car les élus qui s’y opposent auront encore des recours possibles. Ils pourront, par exemple, entamer une démarche auprès de l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. Et nous serons là pour les soutenir dans cette démarche car, si l’actuel texte est préférable à la mouture de 2015, nous restons opposés au texte qui prévoit toujours l’amnistie des fonctionnaires accusés d’être impliqués dans des faits de corruption administrative.
Cette campagne a-t-elle attiré une partie de la jeunesse révolutionnaire de 2011 ?
Je pense que la campagne reflète bien l’esprit de 2011. Et en effet, nous attirons beaucoup de personnes qui étaient déjà dans la rue à cette époque et qui sont aujourd’hui déçus. C’est significatif : plusieurs blessés de la révolution nous ont rejoint lors d’une de nos plus grandes manifestations, en mai dernier. Elle a d’ailleurs permis à ces militants de se retrouver, étant donné qu’elle a rassemblée autour d’elles de nombreuses associations, des personnes souvent jeunes de toutes les régions…
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