Maroc : la culture est là, vivante, et elle demande à être reconnue

Ancien ministre et acteur associatif culturel, Driss Alaoui Mdaghri nous parle culture. « Elle est là, vivante, vivifiante, multiple et diverse et se renouvelle sans cesse malgré les dérives ».

Le musée de Marrakech, situé à côté de la medersa Ben Youssef. © Miguel Discart/CC/Flickr

Le musée de Marrakech, situé à côté de la medersa Ben Youssef. © Miguel Discart/CC/Flickr

  • Driss Alaoui Mdaghri

    Économiste et sociologue marocain natif de Fès, Driss Alaoui Mdaghri a été plusieurs fois ministre sous Hassan II (de 1992 à 1998 : Énergie et Mines, Jeunesse et Sports, puis Communication). Il est président de l’Association Fès Saiss.

Publié le 2 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Le drapeau marocain. © Cuivie/CC/Pixabay
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Sur la culture tout a été dit. Tout et son contraire. Comment éviter de tenir des propos redondants et s’intéresser essentiellement à ce qui fait sens, aujourd’hui, au regard de ce qui se passe sur le plan culturel au Maroc et que certains considèrent comme la preuve d’un renouveau appréciable ?

D’abord en partant d’une distinction épistémologique fondamentale pour toute pertinence de l’analyse : la culture a au moins deux sens, qui sont souvent confondus par nombre d’acteurs culturels, qu’il s’agisse des décideurs publics et privés ou des professionnels des différents métiers que l’on range habituellement sous ce vocable. Dans un premier sens, la culture nicherait dans les musées, les galeries d’art, les cinémas, les bibliothèques, les conservatoires, les théâtres, les festivals… Dans un second sens, la culture résiderait dans toutes les productions, quelle qu’en soit la nature, qui sont le résultat de la créativité des hommes dans toute société.

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Les uns, prenant à témoin les statistiques et les ratios résultant du nombre d’institutions ou d’activités qualifiées de culturelles par rapport au nombre d’habitants, parleront tantôt d’un manque cruel et d’une pauvreté affligeante dans certains pays, dont le Maroc, et d’une richesse remarquable dans d’autres, notamment en Occident. Je ne suis pas de ceux-là.

D’abord parce qu’il faut admettre qu’au cours de ces dernières années des lieux et des activités ont fleuri dans le royaume, avec le soutien des instances officielles, dont les principaux vecteurs ont été de grandes associations régionales – Fès Saiss et le Festival des musiques sacrées du monde de Fès en représentent l’archétype depuis pas mal d’années –, ainsi que des festivals de toutes sortes, portés par des personnalités influentes qui ont su, avec la bénédiction des plus hautes autorités, donner du crédit à cela.

Dans la rue, les maisons, les campagnes, les déserts…

Malgré tout, force est d’admettre que l’impact de ces événements hautement visibles et courus, s’il est utile, demeure relativement limité en matière de progrès, d’éducation et d’amélioration du vivre-ensemble du plus grand nombre.

Pour ma part, je me range plus facilement dans le camp de ceux pour qui la culture est partout, dans la rue, dans les maisons, dans les campagnes, dans les vallées, dans les montagnes, dans les déserts… Elle est foisonnante dans notre société comme dans les autres. Elle est reconnue parfois, et toujours quand elle plaît aux élites, récupérée et recyclée dans le grand flux des produits marchands qui dominent la scène. Mais elle est là, vivante, vivifiante, multiple et diverse, malgré toutes les dérives, car elle se renouvelle sans cesse. Elle demande à être reconnue et davantage mobilisée.

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C’est pour cela que nous sommes plus nombreux qu’on ne le croit à militer et à agir dans le champ culturel, en travaillant avec des jeunes qui ont plus ou moins de talents au départ mais que l’on voit s’ouvrir comme des fleurs qu’abreuve la rosée du matin.

L’expérience menée dans le cadre de « Come To My Home » (cometomyhome.ma), engagée par une association marocaine, la Fondation des cultures du monde, où nous sommes quelques-uns à nous impliquer, me semble éclairante à bien des égards. En effet, en encadrant des jeunes et en les confrontant à des artistes expérimentés, marocains et étrangers, pour qu’ils créent des œuvres nouvelles où se donnent à voir et à écouter des productions dans plusieurs langues, avec des sonorités très variées et des tonalités très différentes, nous constatons qu’au-delà de la maîtrise des outils – ce à quoi ils parviennent facilement avec un peu d’entraînement – ils apprennent à travailler dans la diversité, la tolérance et le plaisir de la création ­collaborative.

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