Guinée : le nouveau code électoral suffira-t-il à désamorcer la crise politique ?
Le président guinéen Alpha Condé a promulgué jeudi 27 juillet le nouveau code électoral, fruit de l’accord politique signé entre mouvance et opposition le 12 octobre 2016. Cela permettra-t-il de calmer les tensions politiques dans le pays ?
Cette promulgation intervient à une période d’impasse politique, marquée par la destitution du président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Bakary Fofana. Destitué les 6 juillet dernier par 19 commissaires sur les 23 composant la Céni, Bakary Fofana refuse jusqu’à maintenant de céder la place au nouvel élu : Me Amadou Salif Kébé.
Par ailleurs, l’Opposition républicaine conduite par son chef de file Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) a repris ses manifestations de rue pour exiger la mise en œuvre effective de l’accord politique du 12 octobre 2016. Tout en prenant part aux différentes réunions du comité de suivi dudit accord. La promulgation du nouveau code électoral permettra-t-elle ainsi de détendre l’atmosphère ? Rien n’est moins sûr.
Ce n’est qu’une étape franchie dans la mise en œuvre de l’accord
L’UFDG de Cellou Dalein Diallo, cheville ouvrière de l’actuelle contestation dit « prendre acte de la promulgation qui intervient avec un retard de neuf mois », réagit son chargé de communication, Alpha Boubacar Bah. « Elle devait intervenir au plus tard en décembre 2016 pour nous permettre d’organiser les élections communales en février 2017. Ce n’est qu’une étape franchie dans la mise en œuvre du point deux de l’accord politique ».
L’opposition décidée à continuer les manifestations
L’Opposition se plaint de n’avoir « aucune visibilité » quant à l’organisation des élections locales et réclame « un chronogramme précis, une visibilité qui nous permet de connaître la date de l’organisation effective des élections », précise Alpha Boubacar Bah.
La promulgation du code électoral mettra-t-elle fin aux manifestations ? Le chargé de communication de l’Union des forces démocratiques de Guinée martèle : « Non ! Nous ne manifestons pas pour la promulgation d’une loi, mais contre l’insécurité, la corruption, la cherté de la vie, le retard dans l’application de toutes les clauses de l’accord ».
Le Bloc libéral en veilleuse
La révision de l’ancien code électoral prévoyait d’inclure dans le nouveau code des clauses figurant dans l’accord politique du 12 octobre 2016. Il était notamment prévu de légaliser la désignation des présidents de quartiers et de districts au prorata des résultats obtenus par chaque parti politique lors des élections locales. L’objectif étant de dissiper les vives réactions parmi la classe politique et la société civile qui ont dénoncé une violation de la loi prévoyant que des élus prennent la tête de ces entités.
L’un des contestataires de cette clause, le leader du Bloc libéral Faya Millimouno met finalement en veilleuse ses griefs contre l’accord politique et le code électoral, pour accorder la priorité à la tenue effective des élections. Avec une condition cependant : que « la nouvelle version promulguée garde une cohérence interne suffisante pour encadrer le scrutin » sans désavantager un candidat, insiste Faya Millimouno.
Le gouvernement assure avoir respecté l’avis de la Cour constitutionnelle
Dans son arrêt 023 du 15 juin 2017, la Cour constitutionnelle avait relevé l’inconstitutionnalité de plusieurs dispositions du nouveau code électoral, tout en estimant celles-ci « détachables de l’ensemble ». Lors du conseil des ministres du 13 juillet dernier, Alpha Condé avait demandé à son gouvernement « d’assurer un suivi de la mise en forme du code électoral au niveau de l’Assemblée nationale conformément à l’arrêt de la Cour constitutionnelle afin de finaliser les formalités de promulgation ».
En quoi consistait cette mise en forme ? Et a-t-elle été faite ? « Dès l’instant que la Cour constitutionnelle a donné son avis, le code électoral a été retourné à l’Assemblée nationale pour la prise en compte des observations », explique le porte-parole du gouvernement, Damantang Albert Camara. Ce qui veut dire que toutes les dispositions du code jugées contraires à la Constitution « ont été revues et corrigées conformément aux directives de la Cour constitutionnelle », assure-t-il.
Un vote passé pendant les vacances de l’Assemblée
Mais pour le juriste Mohamed Camara, « la procédure n’a pas été respectée. L’Assemblée nationale étant en vacances parlementaire. Il fallait plutôt convoquer une session extraordinaire afin de plancher sur les aspects importants du code qui doivent régir le processus électoral de bout en bout ».
Effectivement, le réexamen du code électoral a eu lieu à l’Assemblée nationale, mais pas en séance plénière. « Comment voulez-vous que cela se fasse en plénière, alors qu’on est vacances ? », s’interroge un député de l’Opposition. Le travail a été fait par la Commission des lois et a permis de ramener le texte de 116 à 105 articles, soit moins que ceux déclarés contraires à la Constitution. Ce qui « ne nécessitait pas le vote de l’ensemble des députés », conclut le député sous couvert de l’anonymat.
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