Maroc : des détenus du mouvement de contestation graciés par le roi Mohammed VI
Le roi du Maroc Mohammed VI a gracié samedi soir une partie des détenus du mouvement de contestation qui agite la région du Rif (nord), a indiqué le ministère de la Justice.
Peu avant un discours du monarque marquant le 18e anniversaire de son accession au trône, le ministère a précisé dans un communiqué que Mohammed VI avait accordé des grâces à 1.178 détenus, dont certains sont membres du mouvement de contestation dans la ville d’Al-Hoceïma et ses environs.
Sans préciser le nombre de ces derniers, le ministère a fait savoir qu’il s’agissait de détenus qui « n’ont pas commis de crimes et qui ne sont pas impliqués dans des actes graves, (…) en considération de leurs conditions familiales et humaines ».
Une source gouvernementale haut placée, contactée par l’AFP, a avancé le chiffre de 40 personnes graciées dans les rangs du mouvement de contestation, voyant dans ces grâces « un acte important et très positif ».
Le leader du mouvement de contestation Nasser Zefzafi n’en fait toutefois pas partie, a précisé cet interlocuteur.
« C’est un pas positif mais insuffisant car nous demandons la libération de tous les détenus dans les évènements d’Al-Hoceïma », a jugé Abdessadek Al-Bouchtaoui, avocat et membre du collectif de défense des détenus de ce mouvement, joint par l’AFP.
Peu après l’annonce des grâces, le souverain marocain a vivement critiqué dans son discours partis politiques et administration publique, pointant des « dysfonctionnements » en matière de « gouvernance, d’efficience ou de qualité des prestations offertes aux citoyens ».
Le monarque marocain est revenu sur les évènements Al-Hoceïma, qui ont « révélé une irresponsabilité sans précédent ».
Fustigeant des acteurs qui se sont « rejetés mutuellement la responsabilité », Mohammed VI a pointé du doigt des « partis aux abonnés absents », qui « ne remplissent nullement leur mission’, ce qui a « rendu la situation plus précaire encore ».
« C’est là une attitude inadmissible, de la part d’instances dont la fonction est de représenter, d’encadrer les citoyens et de servir leurs intérêts », a-t-il martelé.
Manifestations
Alors que l’approche « sécuritaire » adoptée par les autorités a été très critiquée par les ONG et la société civile, Mohammed VI a rejeté les « allégations » portées par ceux qui parlent « abusivement » d’approche « sécuritaire », saluant « les agents des forces de l’ordre qui consentent d’énormes sacrifices (…), pour assurer la sécurité et la stabilité du pays ».
« A travers tout le discours du roi on peut lire Al-Hoceïma, mais ce n’est pas un discours sur Al-Hoceïma », a résumé la source gouvernementale haut placée contactée par l’AFP.
« C’est un discours de vérité où le roi a tapé du poing sur la table et fait un diagnostic sans appel avec une volonté de faire face aux défis dans toutes les régions (…) le roi partage la déception et la frustration de la population », a ajouté ce responsable.
Depuis la mort d’un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures fin octobre à Al-Hoceïma, des manifestations pacifiques pour le développement de cette région que ses habitants jugent marginalisée ont eu lieu régulièrement.
La relance par l’Etat d’un vaste plan d’investissements et de chantiers d’infrastructures, avec des visites répétées de cohortes de ministres, n’a pas suffi à désamorcer la colère.
Le mois de mai a été marqué par un net durcissement des autorités, avec l’arrestation des principales figures du mouvement.
Les heurts se sont multipliés, les policiers tentant tous les soirs d’empêcher ou de disperser les rassemblements de soutien à ces prisonniers.
Sous la pression, les manifestations ont cessé début juillet et la tension est retombée d’un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques à Al-Hoceïma et la localité voisine d’Imzouren, autre haut lieu de la contestation dans le Rif.
Le 20 juillet, les forces de l’ordre ont violemment dispersé plusieurs rassemblements à Al-Hoceïma, empêchant la tenue d’une « grande manifestation » prévue de longue date mais interdite.
Selon un dernier bilan officiel, 176 personnes avaient été placées en détention préventive, 120 étaient en cours de jugement, alors que des peines allant jusqu’à 20 mois de prison ont été déjà prononcées.
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