Kenya : « Les deux camps sont susceptibles de ne pas accepter les résultats s’ils perdent »

Nic Cheeseman, professeur en « Democracy and International Development » à l’Université de Birmingham, au Royaume-Uni, spécialiste de la politique kényane, évoque les conséquences de l’assassinat de Chris Msando, directeur du pôle technologique de la commission électorale kényane, à seulement huit jours du scrutin.

Des policiers anti-émeutes kényans lors des violences post-électorales de 2007-2008. © SAYYID AZIM/AP/SIPA

Des policiers anti-émeutes kényans lors des violences post-électorales de 2007-2008. © SAYYID AZIM/AP/SIPA

Publié le 1 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Chris Msando était responsable de l’identification des votants et de la transmission électronique des résultats, un processus primordial pour les élections du 8 août. Quelles peuvent-être les conséquences de sa mort ?

Nic Cheeseman : Il y a d’abord une conséquence pratique. Nous sommes à seulement huit jours des élections et la commission électorale vient de perdre un de ses meilleurs experts. Et ce dans un contexte où la technologie qui sera utilisée le jour du vote se trouve au centre de l’attention. Il ne faut pas oublier qu’en 2013, les kits biométriques avaient dysfonctionné, ce qui avait discrédité le processus électoral. Hier, le premier test à grande échelle du système de transmission électronique des résultats devait avoir lieu. Il a dû être repoussé.

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Quelles sont les conséquences politiques ?

Ce sont la légitimité et la crédibilité de la commission électorale qui sont en jeu. Chris Msando était très apprécié par la coalition de l’opposition, la NASA (National Super Alliance), qui voyait en lui un garant du respect du processus électoral.  On ne peut tirer aucune conclusion sur les causes de sa mort à l’heure qu’il est, mais son assassinat va créer le sentiment qu’il a été éliminé pour être remplacé par une personnalité moins indépendante. Surtout qu’il avait été nommé il y a seulement deux mois, après que son prédécesseur, James Muhati, avait été remercié pour manque de collaboration avec les autres agents de la commission.

La coalition de l’opposition a réellement peur que les élections soient truquées

Cet épisode pourrait donc affaiblir la commission électorale ?

Il y a en effet des problèmes majeurs, même si ce sont essentiellement des problèmes de perception. La polémique autour de l’attribution du marché pour l’impression des bulletins a sapé la confiance de l’opposition dans la commission, même si celle-ci a gagné en appel. Et la mort de Chris Msango est un nouvel élément à charge de leur point de vue.  L’opposition considère que si le système électronique ne fonctionne pas, le système manuel permettra des fraudes. Le risque aujourd’hui, c’est que le moindre problème technique le jour du vote, même s’il est tout à fait innocent, crée des tensions importantes et permette à Raila Odinga de remettre en cause les élections, s’il les perd.

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Que pensez-vous de la réaction de Musalia Mudavadi, le fondateur de la NASA qui, dans une conférence de presse convoquée hier, a accusé à demi-mot le gouvernement ? 

La NASA a réellement peur que les élections soient truquées. Ces dernières semaines, la coalition a porté plusieurs de ses préoccupations devant la justice.  Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer de la transparence du scrutin. Mais la stratégie visant à accuser le gouvernement nourrit la tension politique actuelle. On en arrive à une situation où les deux camps sont susceptibles de ne pas accepter les résultats s’ils perdent.

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La tension politique est effectivement montée d’un cran ces derniers jours. Y-a-t-il un réel risque de violences ?  

Tout dépendra de la qualité du processus le jour du vote. Si tout se passe bien, il n’y a pas de risque. Il faut aussi souligner que le gouvernement a prévu de déployer un dispositif sécuritaire bien plus important que lors des scrutins précédents. S’il y a des manifestations, elles seront contenues. Et puis, les différents acteurs ne veulent pas d’une répétition des violences de 2007-2008. Il y a deux mois, cependant la situation était radicalement différente, la commission électorale jouissait encore d’un large soutien. Aujourd’hui le risque s’est accru.

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