Flexibilité du dirham : un élément clé pour la continuité des réformes
Pour Abdelaziz Enasri, la transition vers un système de change flexible du dirham n’est pas une mesure isolée mais plutôt la dernière pierre des réformes financières et bancaires menées par l’actuel gouverneur de la banque centrale. Il appelle également les banques à se responsabiliser, pour ne pas vendre des produits de couverture contre le risque de change tout en alimentant ce risque en spéculant.
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Abdelaziz Enasri
Expert Financier et Institutionnel, PhD and Executive MBA, professeur invité IAE Caen et EM Normandie où il enseigne la conformité et la gestion des risques de marchés
Publié le 2 août 2017 Lecture : 3 minutes.
Il n’est plus difficile de démontrer que le système de change actuel n’est plus adapté ni au contexte économique et social, ni aux enjeux liés à l’ambition marocaine de devenir une place stratégique en Afrique, et de faire de la Casablanca Finance City la plateforme financière de l’intégration régionale du royaume.
Le risque pour le Maroc serait de continuer à opérer avec un système de change qui n’est plus adapté à sa réalité économique et financière. Hormis quelques ajustements techniques, le régime de change actuel n’a pas connu de modifications de fonds depuis plus de 30 ans. Sur cette même période, le Maroc a connu un changement profond de sa structure économique et du fonctionnement de son système financier et monétaire.
La transition vers un nouveau système de change flexible n’est pas uniquement une réforme isolée
La transition vers un nouveau système de change flexible n’est pas uniquement une réforme isolée. Au contraire, c’est une phase ultime dans la concrétisation d’un nombre important de réformes financières et bancaires menées et concrétisées par l’actuel gouverneur de la banque centrale.
Pour rappel, ces réformes ont permis de mettre en place des réglementations et des règles prudentielles inspirées des meilleures pratiques internationales. Elles ont aussi permis d’introduire un certain nombre de produits dérivés et structurés, pouvant être utilisés par les investisseurs, importateurs et exportateurs dans le cadre de leurs couvertures des risques de change, de taux d’intérêt et des matières premières.
Des produits dérivés adaptés à un régime de change flexible
Compte tenu de la modification de la structure des risques financiers et de la volatilités des dernières années, ces produits ne seront utiles dans la couverture des risques que si le système de change évolue vers plus de flexibilité et que les conditions de marchés et les fondamentaux économiques se reflètent sur la valeur réelle du dirham. Pour ce dernier point, le rôle des banques et des intermédiaires financiers est important.
D’un côté, les banques sont censées être des partenaires clés pour aider à la vulgarisation du système au niveau des opérateurs. Hélas, cela risque de ne pas être le cas pour les banques qui ont poussé leurs clients à se couvrir contre les risques de changes pouvant être générés par le nouveau système et qui ont contribué à accroître la méfiance contre ce système avant même sa mise en place.
D’un autre côté, les opérations de change sont exécutées par les banques (à travers leurs salles de marchés) pour le compte des clients institutionnels locaux et étrangers, investisseurs étrangers, importateurs et exportateurs.
Opérations à caractère spéculatif
Ces banques ont donc la responsabilité de gérer l’offre et la demande sur le dirham par rapport aux monnaies étrangères. Si les opérations d’offre et demande de devises et les couvertures correspondantes ne sont pas adossées aux opérations commerciales, la valeur de marché du dirham sera influencée par des opérations propres aux banques et qui peuvent avoir un caractère spéculatif. La valeur du dirham affichée ne reflétera pas sa vraie valeur.
Selon les informations relayées par la presse, les banques ont réalisé des opérations de couverture pour compte propre en vue de faire des bénéfices et profiter de la baisse éventuelle du dirham. C’est un très mauvais signal si cela s’avère vrai.
La question est maintenant de savoir pourquoi les gardes-fous des dispositifs de gestion des risques n’ont pas été suffisants pour alerter à temps sur les dépassements des banques et pour éviter au pays le retard d’une réforme tant attendue.
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