Comment Unilever veut reconquérir l’Afrique de l’Ouest

Secoué sur les marchés très concurrentiels du continent, le géant anglo-néerlandais souhaite renforcer ses positions. Sa stratégie pour rester sur le devant de la scène ? S’appuyer sur des acteurs locaux.

Unilever réalise un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros en Afrique de l’Ouest, dont plus de la moitié au Nigeria. © Unilever

Unilever réalise un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros en Afrique de l’Ouest, dont plus de la moitié au Nigeria. © Unilever

Publié le 23 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Unilever s’est-il endormi sur ses lauriers ? Le géant des biens de consommation, coté à Londres et à Amsterdam, traverse des temps difficiles en Afrique de l’Ouest. Le groupe y est pourtant confortablement installé grâce à des marques populaires – des lessives Omo aux thés Lipton, en passant par les dentifrices Signal ou la margarine Blue Band. Tandis que le Ghana, son deuxième marché dans la région après le Nigeria, a connu une belle croissance avec un chiffre d’affaires qui a progressé de 22 % entre 2010 et 2012, les pays voisins s’enfonçaient dans les crises.

La Côte d’Ivoire a par exemple vu son chiffre d’affaires dégringoler de 147 à 117 millions de dollars (de 115 à 95 millions d’euros) entre 2012 et 2013, avec une perte de 4 millions de dollars. Un choc important pour Unilever, sachant que ce pays est la troisième locomotive dans la région. « Nous avons connu des résultats contrastés ces dernières années », concède Luc-Olivier Marquet, vice-président du groupe chargé de l’Afrique de l’Ouest.

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« Transition »

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Le portefeuille de ce quinquagénaire comprend les treize pays de la région, à l’exception du Nigeria. Avec un chiffre d’affaires de 269 millions d’euros en 2013, l’immense marché nigérian dépasse l’ensemble des pays du reste de la région (250 millions d’euros en 2013). Mais même ce géant a connu cette année un ralentissement : au premier semestre, les revenus de la filiale ont chuté de 1,3 % et, surtout, son résultat net a fondu de 48 % passant de 3,96 à 2,07 milliards de nairas (17,6 à 9,2 millions d’euros).

Bombardé vice-président en juillet 2013 pour redresser la barre, Luc-Olivier Marquet assure que 2014 est une « année de transition », durant laquelle les difficultés économiques du Ghana devraient être compensées par un dynamisme retrouvé en Côte d’Ivoire. Avant que le groupe ne renoue avec une croissance à deux chiffres dans l’ensemble de la région. Ce grand patron n’avait encore jamais oeuvré en Afrique. Pourtant, depuis son bureau surplombant la zone industrielle de Vridi, à Abidjan, il dresse un constat lucide : « Nous avons manqué d’innovation. »

Selon lui, Unilever ne doit pas se reposer sur ses lauriers dans cette région au potentiel de croissance très élevé. Pour rebondir et se maintenir sur le long terme, sa première cible est le personal care (« soins corporels »), qui représente aujourd’hui environ 25 % de ses activités – son deuxième pôle après le home care (« entretien de la maison »), qui pèse 60 %. Le groupe vient d’ouvrir une usine de savonnerie et d’autres produits de soins corporels au Ghana, portant à une dizaine le nombre de ses unités de production dans la région. Et dans l’autre secteur en forte croissance, l’alimentation (environ 10 % du chiffre d’affaires), Unilever veut miser sur la valeur ajoutée de ses marques, à l’image de sa margarine Blue Band, présentée comme « source de nutriments essentiels » pour les enfants.

Croiser le fer

Mais cette multinationale touche-à-tout doit aujourd’hui croiser le fer avec d’autres géants des biens de consommation comme l’américain Procter & Gamble mais aussi de l’alimentaire tels que Nestlé. « Et il ne faut pas perdre de vue les acteurs locaux, très présents et parfois moins chers », indique Julien Garcier du cabinet Sagaci Research. Une concurrence comparable à celle rencontrée au Nigeria ou en Côte d’Ivoire. Dans ce dernier pays, selon une récente étude d’Euromonitor, la lessive Omo (18 % de part de marché) est suivie de près par la marque Nil (14 %), commercialisée par l’ivoirien Sipro-Chim. Cette entreprise abidjanaise devance Unilever dans les sauces avec sa mayonnaise Aromate.

Multinationale touche-à-tout, Unilever doit croiser le fer avec d’autres géants des biens de consommation comme l’américain Procter & Gamble mais aussi de l’alimentaire tels que Nestlé.

Face à cette rude concurrence, le nouvel homme fort du groupe compte lancer de nouveaux produits et, pourquoi pas, absorber des entreprises locales. « Plus réactives, elles peuvent avoir une activité de R&D [recherche et développement] intéressante, par exemple sur les particularités des peaux et des cheveux en Afrique ou sur les goûts alimentaires, explique Luc-Olivier Marquet. Nous gardons toujours un oeil sur des opportunités d’acquisitions, soit pour pénétrer de nouvelles catégories, soit pour entrer dans des pays où nous ne nous sommes pas encore très développés. Il y a aujourd’hui des acteurs locaux qui nous intéressent, mais nous n’en sommes qu’au stade exploratoire. »

Des entreprises locales qui peuvent également devenir des partenaires de choix. Actuellement, Unilever est en négociation avec l’ivoirien Olheol afin de développer la production d’huile de soja, insuffisante dans le pays pour répondre aux besoins de son usine de mayonnaise Calvé, en construction sur le site de Vridi, à Abidjan. De même, pour se procurer du jaune d’oeuf en poudre, le groupe anglo-néerlandais s’est tourné vers Sipra, le leader local de la volaille.

Une démarche qui illustre l’une des obsessions du PDG d’Unilever, Paul Polman : atteindre un sourcing agricole entièrement local en 2020. Après s’être désengagé de l’huile de palme il y a quelques années, la multinationale réfléchit d’ailleurs à réinvestir dans les plantations afin de s’assurer un approvisionnement durable et de qualité.

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