Et si l’Afrique guérissait le monde ?
La perspective d’une exportation massive d’Ebola hors d’Afrique a installé une psychose qui frise l’afrophobie. Le continent menace-t-il la santé du monde ? Selon une récente étude, il fournirait, au contraire, un début de solution aux maladies d’Alzheimer, de Parkinson et aux suites d’AVC.
Que n’a-t-on entendu sur l’Afrique pourvoyeuse de pandémies ? Ce continent imprudent enfanterait les pires maladies, par intimité avec des singes verts zaïrois porteurs du VIH ou par goût de la soupe d’énigmatiques chauves-souris infectées par la fièvre hémorragique. La malaria ? C’est l’Afrique. La fièvre jaune ? C’est l’Afrique. La méningite ? C’est encore l’Afrique. Même le chikungunya, maladie infectieuse devenue fameuse lors des épidémies réunionnaises de 2005 à 2010, c’est sur la terre ferme du Tanganyika qu’il aurait été identifié pour la première fois, en 1952. Certains spécialistes prétendent pourtant qu’on en aurait trouvé trace en Indonésie, dès la fin du XIXe siècle.
Du procès de l’Afrique coupable, on passe progressivement à l’accusation de l’Afrique mendiante. Mendiante de vaccins, même expérimentaux, comme le VSV-EBOV, jamais testé sur des humains, envoyé, récemment, par le Canada pour contrer l’éruption de l’épidémie du virus Ebola en Afrique de l’Ouest.
C’est pourtant la même Afrique qui pourrait fournir au monde des remèdes aux maladies les plus "occidentales". Déjà, l’aloès d’Afrique du Sud soigne les plaies. Déjà, le fenugrec d’Afrique du Nord régule le taux d’insuline. Déjà, le ficoïde tortueux des tribus hottentots a un effet analgésique et anxyolitique. Déjà, l’harpagophytum des bantous soigne les douleurs articulaires. Déjà, l’iboga gabonais est un stimulant biliaire. Déjà, la spiruline tchadienne fournit des protéines naturelles.
Aphrodisiaques et cosmétiques
Et que dire des multiples érections européennes obtenues grâce au Yohimbe, l’un des rares aphrodisiaques homologués par la médecine occidentale ? Des érections d’autant plus spontanées, par ailleurs, que les femmes sont embellies par des cosmétiques venus d’Afrique : l’huile de cumin noir déjà cité dans le Coran, le khôl de l’Égypte ancienne, la pierre d’alun des déodorants corporels, l’incontournable beurre de karité et même la fève de cacao, de plus en plus utilisée dans des crèmes exfoliantes. Moins célèbres, certaines plantes cultivées en Afrique pourraient connaître un franc succès, comme le Rooïbos d’Afrique du Sud, qui, consommé en infusion, aurait des effets thérapeutiques anti-oxydantes et anti-allergiques.
Bien sûr, la liste des vertus attribuées, en Afrique, à certains produits est si "kilomètrique" qu’elle inspire la méfiance. À en croire certains tradipraticiens, certaines feuilles terrasseraient tout autant les brûlures d’estomac que les vergetures, les yeux gonflés que les hémorroïdes. Mais les scientifiques savent ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Et c’est bien un produit d’origine africaine qui pourrait être la future vedette de la médecine mondiale…
Le Voacanga africana, formidable promesse pharmacologique
Dans les pages du Journal of Ethnopharmacology, les chercheurs d’un centre américain, le Salk Institute for Biological Studies, viennent d’annoncer que le Voacanga africana pourrait protéger d’Alzheimer, de Parkinson et des suites d’accidents vasculaires cérébraux. Des pathologies qui ciblent particulièrement ce Nord, du fait d’un allongement de la durée de la vie encore modeste dans les pays du Sud.
C’est notamment dans l’archipel de Sao Tomé-et-Principe que se trouve l’arbuste dont les feuilles et l’écorce sont utilisés localement, depuis des décennies. Traditionnellement, les guérisseurs les prescrivent pour diminuer les inflammations, soulager les troubles mentaux, réduire l’hypertension ou soigner les œdèmes. La plante aiderait même les sorciers à booster leurs expériences divinatoires. Les Américains – "surpris", de leur propre aveu – viennent d’y observer un effet protecteur contre les altérations des cellules, formidable promesse pharmacologique pour les patients atteints de troubles neurodégénératifs.
Si l’Afrique devait se révéler ce nouvel eldorado végétal, il faudrait espérer qu’elle ne soit pas "spoliée" de ses ressources et qu’elle bénéficie, le moment venu, des améliorations de la recherche.
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Damien Glez
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