Algérie : panique chez les nouveaux inscrits dans les universités françaises
Un nouveau règlement oblige les nouveaux inscrits algériens dans les universités françaises à régler à l’avance 30% de leur réservation d’hôtel, s’ils ne disposent pas d’une attestation d’hébergement. Une mesure qui a suscité la panique chez nombre de futurs étudiants.
Comme chaque année, les nouveaux inscrits algériens préparent leur venue en France. Après l’acceptation à l’université vient la demande de visa et, pour l’obtenir, les étudiants doivent justifier de leur logement pendant les trois premiers mois de leur séjour. Ils possèdent alors trois options : présenter une attestation d’hébergement émanant d’un établissement ou d’un particulier, ou encore une réservation d’hôtel. Mais une mesure additionnelle, très critiquée en Algérie, a récemment été introduite. Il est désormais demandé aux futurs étudiants de s’acquitter de 30% des frais de leur réservation d’hôtel au moment du dépôt de la demande de visa.
Mise en place à la fin du mois de juillet, cette mesure complique le départ des étudiants car elle ajoute une contrainte financière que certains d’entre eux sont dans l’incapacité de remplir. Sur son site, l’ambassade de France en Algérie justifie cette mesure par la sécurisation du parcours de l’étudiant, déclarant qu’il s’agit de s’assurer que l’étudiant a bien les moyens de séjourner en France. Elle parle également d’irrégularités : plusieurs étudiants, au moment de justifier de leur logement, optent pour une réservation d’hôtel de trois mois, car elle reste le choix le plus simple. Mais ces réservations sont souvent faites sur des sites en ligne qui permettent l’annulation juste après le dépôt du dossier.
Estimer qu’une personne puisse s’offrir un tel séjour est irréaliste pour un budget étudiant
Contactée par Jeune Afrique, Chafia Mentalecheta, ex-députée des Algériens en France, estime que cette pratique des étudiants est tout à fait compréhensible : « Certes il existe trois options, mais il faut savoir que la majorité de ces étudiants sont dans l’impossibilité de trouver un logement en France depuis l’Algérie. Même dans des établissements tel que ceux proposés par le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), les étudiants algériens ont très peu de chances d’obtenir des places puisque d’autres étudiants (boursiers, échanges universitaires…) sont mis en priorité. Concernant l’attestation d’hébergement chez un particulier, il est vrai que la majorité des étudiants algériens ont des amis ou de la famille qui vivent en France et qui sont généralement disposés à les héberger dès leur arrivée, seulement la mairie ne valide l’attestation d’hébergement qu’avec un nombre minimum de m2 par habitant. Parfois l’hébergeant est dans l’incapacité d’assurer ce minimum et sa demande est donc refusée mais cela ne change en rien le fait qu’il compte effectivement héberger l’étudiant. C’est pour cela que souvent, les étudiants optent pour une réservation d’hôtel, qu’ils pourront annuler par la suite. Et d’ailleurs même s’ils décident effectivement de séjourner dans un hôtel, ce ne sera jamais pour trois mois. Estimer qu’une personne puisse s’offrir un tel séjour est irréaliste pour un budget étudiant. »
Un élan de solidarité
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Suite à un mouvement de panique des futurs étudiants algériens en France, craignant de se voir ainsi refuser leurs demandes de visa, l’Union des étudiants algériens de France (l’UEAF) a pris contact avec le syndicat de l’Union nationale des étudiants de France. Un groupe Facebook « SOS hébergement » a alors été mis en place pour mettre en contact les étudiants qui sont dans l’incapacité de s’acquitter des 30% de frais de réservation d’hôtel avec des volontaires capables de leur fournir une attestation d’hébergement.
Créée depuis la fin du mois de juillet, cette page recueille déjà plus de mille adhérents. Contactée par Jeune Afrique, Solène Delusseau-Gelodin, membre de l’Unef et co-créatrice de la page, affirme qu’ils reçoivent plus de cent demandes par jour : « Nous sommes inondés de messages d’étudiants algériens qui disent qu’ils rêvent depuis toujours de venir étudier en France et que nous sommes désormais leur dernier espoir. »
« Même si nous possédons un large réseau de volontaires, je ne sais pas si nous serons en mesure de satisfaire tout le monde. Il faut savoir que 30% des frais de réservation d’un hôtel pour une durée de trois mois représente au minimum 1 000 euros. C’est énorme, beaucoup de personnes sont dans l’incapacité de présenter une telle somme ! » poursuit-t-elle
Une mesure discriminatoire
Solène Delusseau-Gelodin dénonce également la rétroactivité de la mesure : « Les dossiers des étudiants qui ont eu leur rendez-vous de demande de visa à la mi-juillet ont d’abord été validés sans avoir à présenter les 30% de frais de réservation. Mais après la mise en place de la mesure, ces mêmes personnes ont ensuite été rappelées par le consulat pour s’acquitter de la somme », explique-t-elle.
Les étudiants algériens sont soumis à une autorisation pour travailler à temps partiel, contrairement à leurs voisins tunisiens et marocains
Mais c’est surtout l’exclusivité de cette mesure qui indigne la jeune étudiante : « Cette mesure est discriminatoire et ne vise que les étudiants algériens, les étudiants tunisiens et marocains ne sont pas concernés. Lorsque nous avons tenté de contacter le ministère des affaires étrangères pour demander des explications, ils nous ont répondu que les irrégularités étaient plus fréquentes chez les étudiants algériens. »
Chafia Mentalecheta parle également d’une législation « discriminante ». Les étudiants algériens en France sont régis par l’accord franco-algérien de 1968, qui fixe les conditions d’entrée et de sortie des Algériens dans le pays. Ils sont par exemple soumis à une autorisation pour travailler à temps partiel et ne peuvent obtenir de titre de séjour pluriannuel, contrairement à leurs voisins tunisiens et marocains. Cette mesure vient donc renforcer la discrimination dont sont déjà victimes les étudiants algériens, selon l’ex-députée.
La responsabilité des autorités algériennes
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Cependant pour l’ex-députée, l’état de la situation des Algériens en France relève également de la responsabilité de l’État algérien. Par exemple, l’impossibilité de travailler ne figurait pas dans le texte de 1968, c’est un avenant qui a été ajouté en 2001… à la demande d’Alger.
La communauté algérienne représente la troisième communauté estudiantine la plus importante de France après les Marocains et les Chinois
L’Algérie fait également partie des rares pays à ne pas offrir de maison pour les étudiants à la cité universitaire internationale. Alors que Tunisie, elle, a par exemple annoncé la construction d’une deuxième maison. Pourtant avec plus de 25 000 étudiants algériens en France, cette communauté constitue la troisième communauté estudiantine la plus importante après les Marocains et les Chinois.
« J’espère au moins que la réforme consulaire saura attirer l’attention des autorités algériennes concernant le problème de logement des étudiants algériens en France. L’État algérien dispose d’un patrimoine immobilier en France, il devrait en mettre, au moins une partie au profit des étudiants », regrette Chafia Mentalecheta.
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