Carla Del Ponte : « Je ne peux plus être dans cette commission d’enquête sur la Syrie qui ne fait rien »

Carla Del Ponte, 70 ans, a annoncé via un journal suisse sa démission de la commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie. Elle y critique fortement le travail de la commission en question et accuse le Conseil de sécurité de « ne pas vouloir établir la justice » dans le pays en guerre depuis plus de six ans.

Carla Del Ponte reste membre de la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie jusqu’au mois de septembre 2017. © Martial Trezzini/AP/SIPA

Carla Del Ponte reste membre de la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie jusqu’au mois de septembre 2017. © Martial Trezzini/AP/SIPA

Publié le 7 août 2017 Lecture : 3 minutes.

« Je suis frustrée, j’abandonne ! J’ai déjà écrit ma lettre de démission et vais l’envoyer dans les prochains jours. » C’est en ces termes que Carla Del Ponte a annoncé qu’elle quittait la commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie, alors qu’elle était interrogée par le journal suisse Blick au festival du film Locarno, dans le Tessin, sa région natale. Cinq ans après son arrivée au sein de la commission, chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’Homme en Syrie, l’ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) semble dépitée et en colère.

La session du Conseil des droits de l’Homme, qui doit avoir lieu en septembre, sera donc sa dernière. Une décision à laquelle la commission a répondu par un communiqué, dans lequel elle dit avoir été prévenue par Carla Del Ponté à « la mi-juin » et salue sa « contribution » et ses « efforts » mais estime que « le travail doit se poursuivre ».  « Il est de notre devoir de persister […] au nom des innombrable Syriens qui sont victimes des pires violations des droits de l’Homme et crimes internationaux que l’humanité connaît », estime encore le communiqué.

Les membres du Conseil de sécurité ne veulent pas établir la justice en Syrie

Toutefois, à en croire ses déclarations dans Blick, Carla Del Ponte semble perplexe face au travail fourni par la commission. « Je ne peux plus être dans cette Commission qui ne fait absolument rien », explique-t-elle, accusant même les membres du Conseil de sécurité « de ne pas vouloir établir la justice ». Depuis le début du conflit, le Conseil de sécurité de l’ONU a bloqué de nombreuses résolutions émises par la commission, suite aux vetos imposés par la Russie, allié de Damas.

Des « crimes horribles sont commis en Syrie »
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En 2011, sur le sol syrien seuls l’armée et les rebelles s’opposaient, alors que le régime cherchait à réprimer les manifestations. Six ans après, le conflit syrien s’est nettement complexifié. De nombreux et nouveaux acteurs sont désormais impliqués, tandis que le bilan humanitaire s’élève aujourd’hui à 330 000 morts.

C’est ce que dénonce également Carla Del Ponte dans Blick : « Au début, il y’avait le bien et le mal. L’opposition du côté du bien et le gouvernement dans le rôle du mal », mais désormais « tous en Syrie sont du côté du mal. Le gouvernement Assad a perpétré de terribles crimes contre l’Humanité et utilisé des armes chimiques. Et l’opposition n’est désormais composée que d’extrémistes et de terroristes », juge-t-elle. « Croyez-moi, des crimes horribles comme ceux commis en Syrie, je n’en ai pas vus au Rwanda, ni dans l’ex-Yougoslavie », raconte encore celle qui a travaillé sur les conflits majeurs de ces 30 dernières années.

Une soif de justice 

Ce n’est pas la première fois que Carla Del Ponte fait parler d’elle pour son franc-parler et sa pugnacité. Alors qu’elle était procureur au sein du tribunal pénal international (TPI) pour l’ex-Yougoslavie fin 1999, elle a réussi à obtenir qu’un ancien chef d’État, le Serbe Slobodan Milosevic, réponde de crimes de guerres devant la justice internationale, ce qui ne s’était jamais produit auparavant.

Carla Del Ponte a également bataillé aux côtés du juge italien Giovanni Falcone dans ses investigations sur la Casa Nostra. Elle a par ailleurs mené des enquêtes sur les milieux financiers suisses lorsqu’elle était à la tête du parquet fédéral, dans les années 1990.

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