Yared Berta, d’Ethiopian Airlines : « Le tourisme tire de plus en plus le trafic entre la Chine et l’Afrique »
Avec 62 avions actuellement en commande, Ethiopian Airlines entend certes continuer à développer son réseau africain. Mais une partie de ces avions serviront également à soutenir son développement en Chine, où elle est présente depuis 1973, et où elle dispose désormais de 5 lignes vers Pékin, Shanghaï, Chengdu, Canton et Hong-Kong.
Engagée dans la dynamique des nouvelles routes chinoises de la soie, Ethiopian Airlines entend connecter hommes d’affaires, investisseurs, touristes chinois et africains grâce à son hub d’Addis-Adeba, et profiter des investissements croissants en Afrique, notamment dans les parcs industriels éthiopiens. Yared Berta, directeur régional de la compagnie en Chine répond depuis Pékin aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Vous avez lancé en mai dernier avec Chengdu votre 5e destination chinoise. Quelle est aujourd’hui celle qui marche le mieux ?
Yared Berta : La Chine est notre plus gros marché long-courrier en dehors de l’Afrique. Nous avons 35 vols passagers et 15 vols cargo par semaine à Shanghaï, Canton et Hong-Kong. Toutes nos routes rencontrent du succès, y compris Chengdu lancée en mai dernier, avec 3 fréquences hebdomadaires. En termes de volume, c’est la ligne de Canton que nous opérons avec des 777, en quotidien, qui transporte le plus de passagers. Nous passons à 10 vols hebdomadaires en haute-saison.
Grâce à un environnement propice aux affaires entre la Chine et l’Afrique, il existe encore un très gros potentiel
Prévoyez-vous de lancer prochainement de nouvelles dessertes ?
Nous lancerons prochainement une nouvelle desserte vers Shenzhen, que l’on peut considérer comme la Silicon Valley chinoise. Ce sera un réel défi pour nous, car Shenzhen se trouve à une très grande proximité de Hong-Kong et de Canton. Et on a vu dans le passé qu’il était parfois difficile de proposer des vols sur des destinations trop proches. Nous avions dû fermer Huanghzou, trop proche de Shanghaï, par exemple.
Mais grâce à cet environnement propice aux affaires entre la Chine et l’Afrique, il existe encore un très gros potentiel pour développer le marché de l’aviation entre nos deux continents. L’année dernière, c’est plus de 700 000 personnes qui ont voyagé entre l’Afrique et la Chine. Nous nous basons sur un développement de notre trafic de 13% par an.
À ce rythme, vous pensez que vous pourriez opérer jusqu’à combien de lignes en Chine ?
Il y a une population d’1,4 milliard d’individus en Chine et d’un milliard en Afrique. La connectivité entre la Chine et l’Afrique est en train de croître considérablement. Cinq destinations, c’est donc très peu. Comme compagnie panafricaine, nous avons la responsabilité de mettre en place davantage de connectivité. Après Shenzhen, nous pourrions lancer à l’avenir Chongqing, à l’Ouest ou encore Zhengzou au centre de la Chine …
Après Shenzhen, nous pourrions lancer à l’avenir Chongqing, à l’Ouest ou encore Zhengzou au centre de la Chine …
Nous étudions comment le marché grandit et nous déployons ensuite nos routes, nous promouvons la Chine en Afrique et l’Afrique en Chine. Nous regardons les entreprises qui ont un intérêt en Afrique, la croissance qu’elles pourraient y obtenir et le trafic qui pourrait en découler pour nous. Mais nous voyons aussi quelles destinations pourraient intéresser les Africains, dans quelle partie de la Chine ils pourraient faire des affaires.
On a pourtant l’impression en prenant votre vol Addis-Pékin que vous ne transportez que des voyageurs chinois ?
C’est que la nature des passagers n’est pas du tout la même entre le sud et le nord de la Chine. Pékin, Shanghaï et Chengdu attirent surtout des voyageurs chinois, des hommes d’affaires, des investisseurs, des employés d’entreprises d’État ou de sociétés privées qui développent des projets d’infrastructures ou industriels en Afrique.
À Chengdu, le trafic est dopé par de grandes entreprises comme Dongfeng Electric Company, qui a plein de projets en Afrique et en Éthiopie. Plus de 260 entreprises du classement « Fortune » des 500 plus grandes entreprises mondiales ont ouvert une branche à Chengdu ou dans le Sichuan. De nombreuses machines-outils sont produites ici.
On note une hausse du nombre de programmes d’échanges entre universités africaines et chinoises
On note aussi une hausse du nombre de programmes d’échanges entre universités africaines et chinoises. La Southwestern Electronics and Technology University de Chengdu compte 750 étudiants africains. De nombreux étudiants chinois viennent faire du volontariat en Afrique. À l’inverse de Pékin et Shanghaï, les vols vers Canton et Hong-Kong sont quant à eux surtout fréquentés par des commerçants africains.
Mais le trafic dont nous constatons aujourd’hui qu’il est en augmentation est tiré par le tourisme. Il y a une très forte demande en tourisme pour des destinations comme Le Caire, le Kilimandjaro, l’Afrique du Sud, le Kenya.
Comment comptez-vous vous préparer à l’afflux de touristes chinois en Afrique ?
Cela passe par la « customisation » de nos services, nous souhaitons être chinese friendly. Nous avons embauché une cinquantaine de Chinois dans nos équipages, disposons d’un centre d’appels en chinois, nous avons ouvert une plateforme d’achat sur l’application Wechat, très utilisée en Chine. Nous proposons de la cuisine chinoise à bord et avons ouvert un comptoir d’assistance à l’aéroport d’Addis.
Nous avons embauché une cinquantaine de Chinois dans nos équipages
Votre ligne Addis-Pékin est-elle plus rentable par exemple que votre ligne Addis-Lomé ?
Nous ne réfléchissons pas en termes de section Addis-Lomé ou Addis-Pékin. Nous sommes une compagnie de réseau. Nous calculons notre profitabilité en termes de Pékin-Lomé ou de Pékin-Nairobi, sur l’ensemble du trajet qu’utilisent nos voyageurs au travers de notre hub d’Addis. Nous desservons 56 destinations en Afrique. 30 à 50% de notre trafic s’arrête à Addis, le reste ne fait qu’y transiter. Actuellement, c’est l’ensemble de la route qui est profitable, ce qui nous permet de faire face aux pertes éventuelles. Car on a aussi le devoir d’opérer des dessertes non-profitables.
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