Industrie automobile en Algérie : « Si ça ne fonctionne pas, c’est parce que c’est trop récent »
Des quotas sur les importations de véhicule pour favoriser le développement de la production algérienne : telle était dans l’idée la stratégie adoptée par Alger. Sauf que la rapidité avec laquelle cette politique a été mise en place nuit à son efficacité, estime l’économiste Hassan Haddouche dans une interview à Jeune Afrique.
Le développement d’une filière automobile algérienne est devenu une priorité pour réduire la facture des importations qui tarissent les réserves de changes. Mais certains, comme Mahdjoub Bedda, le ministre algérien de l’Industrie, ont émis des doutes sur la politique des quotas, parlant d’« importations déguisées », grâce à la technique du SKD (semi knocked down) qui revient à importer un véhicule en kits pré-montés, dont l’assemblage n’apporte que très peu de valeur ajoutée.
Résultat, la voiture produite en Algérie est parfois plus chère que sa jumelle importée, et les mesures mises en place n’ont pas eu d’impact sur les réserves de change et la création d’emploi. Hassan Haddouche, économiste algérien revient sur les raisons de l’échec de la voiture « Made in Algérie ».
Jeune Afrique : Comment évolue l’importation automobile dans le pays?
Hassan Haddouche : En 2012-2013, l’importation de véhicule (environ 600 000 véhicules par an) a battu un record et cela a représenté une facture de 7,3 milliards de dollars. Depuis un an et demi, des licences d’importations ont été introduites et les importations de véhicules en Algérie ont chuté. On est passé de 7,3 milliards de dollars d’importations en 2012 à 1 milliard de dollars seulement en 2016. Et cela devrait être pareil en 2017. C’est peu.
Pourquoi l’industrie automobile algérienne n’a pas pris le relais ?
Si ça ne fonctionne pas, c’est parce que c’est trop récent. C’est une question de temps. Le début du développement de l’industrie automobile en Algérie remonte à seulement deux ans. La mise en place ne se fait pas en un clin d’œil. On ne peut pas créer une industrie automobile en quelques années.
On ne peut pas limiter d’un coup les importations et demander à des constructeurs automobiles d’installer des usines géantes en six mois.
Cela signifie-t-il que la politique des quotas menée par le gouvernement est contre-productive ?
Cette politique n’est pas forcément une mauvaise chose. Prenons l’exemple des médicaments en Algérie, un secteur où le gouvernement avait eu une très bonne stratégie de quotas. Il avait négocié et s’était concerté avec les opérateurs économiques nationaux, pour mettre en place sur 10 ans une liste négative, c’est-à-dire des interdictions d’importer un certain nombre de produits, afin de privilégier la fabrication locale. Cette liste s’est allongée progressivement, à mesure que l’outil de production algérien prenait le relais, en interdisant jusqu’à 350 médicaments.
Dans l’industrie automobile, il y a une stratégie du même type qui consiste à négocier avec les constructeurs internationaux des parts de marché contre des investissements. C’est une démarche intelligente, à condition de la mettre en œuvre graduellement, ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. On ne peut pas limiter d’un coup les importations et demander à des constructeurs automobiles d’installer des usines géantes en six mois.
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