Des officiers africains à la tête des forces de paix sur le continent, nouvelle règle ou exception ?

Le lieutenant-général kényan Leonard Muriuki Ngondi a été nommé mardi 8 août commandant de la Minuad au Darfour. Une désignation qui porte désormais à six sur huit le nombre d’Africains à la tête des opérations de maintien de la paix sur le continent.

Un officier serre la main des Casques bleus de la Minusma à Bamako, le 1er juillet 2013. © Harouna Traore/AP/SIPA

Un officier serre la main des Casques bleus de la Minusma à Bamako, le 1er juillet 2013. © Harouna Traore/AP/SIPA

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Publié le 10 août 2017 Lecture : 3 minutes.

« C’est une évolution positive : les natifs du continent sont de plus en plus désignés pour commander les Casques bleus au sein des opérations de maintien de la paix en Afrique. » Jean Delors Biyogue-Bi-Ntougou, spécialiste entre autre des mécanismes africains de paix et de sécurité, estime même que cette « tendance est en train de devenir une règle ».

Dernière illustration en date : le mardi 8 août, António Guterres, secrétaire général de l’ONU, et Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine (UA), ont annoncé la nomination du lieutenant-général kényan Muriuki Ngondi comme commandant de la force hybride ONU-UA au Darfour (Minuad), en remplacement du général pakistanais Fida Malik.

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Qui sont les officiers africains qui commandent les Casques bleus ?

Fin décembre 2015, à la tête du commandement militaire de la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco), c’est un haut-officier brésilien, Carlos Alberto dos Santos Cruz, qui a laissé sa place au général de corps d’armée Derrick Mbuyiselo Mgwebi, de nationalité sud-africaine. Ils ne sont d’ailleurs aujourd’hui que deux non-Africains à diriger des Casques bleus sur le continent : le Général de division chinois Wang Xiaojun à la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) et le général de division belge Jean-Paul Deconinck à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies au Mali (Minusma).

Après le limogeage du général kényan Johnson Mogoa Kimani Ondieki, commandant de la force de l’ONU au Soudan du Sud (Minuss) pour de « graves lacunes identifiées » en novembre et son « remplacement immédiat » par le général rwandais de corps d’armée Frank Mushyo Kamanzi, six opérations de maintien de la paix sur les huit encore présentes en Afrique sont dirigées, du point de vue militaire, par des officiers originaires du continent, ressortissants du Nigeria, du Sénégal, de l’Afrique du Sud, du Kenya, du Rwanda et de l’Éthiopie.

Cliquez et faites défiler les profils pour en savoir plus chacun de ces commandants.

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Sont-ils compétents pour diriger les Casques bleus ?

Formés, pour la plupart, dans une des grandes écoles militaires du monde, la question de la compétence et de la capacité de ces officiers africains à commander des troupes onusiennes ne devrait pas se poser. D’autant qu’ils participent également à des « programmes de renforcement des capacités africaines en matière de maintien de la paix », mis en place par l’ONU et l’Union européenne.

Cette réappropriation en cours de la direction des forces onusiennes par les Africains permet par ailleurs de « sortir du regard colonialiste que l’on pouvait poser sur la question », estime Jean Delors Biyogue-Bi-Ntougou, qui participe aussi au Réseau de recherche sur les opérations de paix (ROP). « Pour plusieurs chefs d’État africains, le fait d’envoyer des officiers occidentaux ou d’autres pays aux commandes des opérations de maintien de la paix chez eux signifiait l’immaturité de l’Afrique à gérer elle-même ses propres problèmes de paix et de sécurité », rappelle le chercheur.

Le problème, c’est la capacité des officiers africains à résister aux pressions des États

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En conséquence, « ces cinq dernières années, l’ONU s’est résolue à travailler en étroite collaboration avec l’UA sur tout ce qui concerne les opérations de maintien de la paix et de prévention de la sécurité, en donnant un rôle majeur à l’organisation continentale. Celle-ci délègue à son tour les responsabilités aux organisations économiques régionales  (CEEAC, Cedeao, Igad…) qui disposent chacune désormais d’un programme Paix et Sécurité », poursuit-il.

Pourquoi faut-il des gardes-fous ?

Mais cette africanisation des processus de maintien de la paix en Afrique nécessite quelques gardes-fous. Car, comme le souligne notre expert, « le problème réside dans la capacité des officiers africains à résister aux pressions des États africains : si un général qui dirige une opération de maintien de la pays cède aux pressions de son pays d’origine, cela peut réduire dangereusement sa marge de manœuvre sur le terrain ».

Autre problématique : celle de la moralité. « Comment ces officiers africains se comportent-ils face à la corruption, aux problèmes d’éthique, à la politisation du mandat de l’ONU ? » interroge Biyongue-Bi-Ntougou. Pour l’instant, aucun des commandants africains n’ont été épinglés pour des manquements en la matière.

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