Meurtre de Michael Brown : Barack Obama est-il le seul à pouvoir ramener l’ordre à Ferguson ?
Barack Obama doit-il s’impliquer plus personnellement pour faire baisser les tensions raciales qui secouent les États-Unis après la mort de Michael Brown ? La question continue de se poser pour le premier président noir de l’histoire du pays qui, en la matière, a joué la prudence depuis son élection.
Sur une grande photo de Barack Obama brandie par des manifestants à Ferguson, on pouvait lire cet appel écrit en lettres capitales : "Venez maintenant, s’il vous plaît !" La pancarte, apparue dans cette petite ville du Missouri secouée par des violences depuis la mort de Michael Brown, jeune Noir tombé sous les balles d’un policier blanc, résume une partie les immenses attentes suscitées – et souvent déçues – par le premier président noir des États-Unis.
Pour Barack Obama, elle soulève une nouvelle fois une question stratégique : doit-il s’impliquer davantage dans un drame faisant ressurgir la question du racisme dans un pays où la ségrégation, dans certains États du Sud, n’a été abrogée qu’il y a un demi-siècle ?
Lundi 18 août, pour la deuxième fois en quatre jours, le président des États-Unis s’est exprimé sur les incidents de Ferguson et a appelé les forces de l’ordre à faire preuve de retenue et les manifestants à se tenir à l’écart de la violence "qui affaiblit la justice plutôt qu’elle ne la renforce".
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Repousser l’image de l’homme providentiel
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Néanmoins, interrogé sur une implication plus "personnelle", notamment sur une éventuelle visite sur les lieux du drame, il a mis en avant sa volonté de faire preuve d’une "grande prudence" à ce stade de l’enquête. Commentant, plus largement, la question des inégalités raciales aux États-Unis, il a souligné le chemin restant à parcourir quand, dans de nombreuses communautés, les jeunes gens de couleur ont "plus de chances de finir en prison ou devant un tribunal que d’accéder à l’université ou d’avoir un bon emploi".
C’est un vaste projet. Notre pays y travaille depuis deux siècles, explique-t-il.
"C’est un vaste projet. Notre pays y travaille depuis deux siècles", a-t-il insisté, comme pour mieux repousser l’idée de l’homme providentiel. Dès la fin de son premier mandat, le 44e président des États-Unis, élu grâce au soutien massif des minorités, avait déjà mis en garde contre des attentes démesurées. "Je n’ai jamais adhéré à l’idée selon laquelle, avec mon élection, nous entrions d’une certaine manière dans une époque postraciale", affirmait-il dans une interview au magazine Rolling Stone en avril 2012.
Sherrilyn Ifill, qui dirige le Fonds pour la justice du NAACP (National Association for the Advancement of Colored People), plus important groupe de défense des droits des Noirs aux États-Unis, juge salutaire que le président se tienne à une certaine distance des événements. "Nous devons faire attention à ne pas réclamer la parole présidentielle à tout instant", estime-t-elle, jugeant que les actes posés par la Maison-Blanche ces derniers jours – enquête fédérale, mais aussi, fait rare, autopsie distincte de celle menée par les autorités locales, d’une part, et la famille, d’autre part – ont été des messages forts pour s’assurer que "justice soit rendue" à Ferguson.
"L’heure d’un message extrêmement fort est venue"
Durant la campagne, Barack Obama avait abordé la question des relations entre Noirs et Blancs de manière très directe en mars 2008 lors d’un discours à Philadelphie, après une controverse sur des propos incendiaires de son ancien pasteur Jeremiah Wright. "Le racisme est un problème que ce pays ne peut se permettre d’ignorer", avait-il lancé. Après son arrivée à la Maison-Blanche, les choses ont pourtant mal démarré. En juillet 2009, Barack Obama a dû faire amende honorable après avoir qualifié de "stupide" l’arrestation d’un ami noir et spéculé sur des motifs racistes sans avoir tous les éléments en main.
Il y a 35 ans, j’aurais pu être Trayvon Martin.
L’affaire Trayvon Martin, jeune homme noir de 17 ans abattu en février 2012 en Floride par un vigile alors qu’il se promenait sans arme dans un quartier résidentiel, a cependant marqué un tournant. À l’issue du processus judiciaire ayant abouti à l’acquittement du meurtrier qui avait plaidé la légitime défense, le président américain s’est livré, en juillet 2013, sur un registre très personnel. Tout en se gardant de critiquer le verdict, il a évoqué la "douleur" provoquée par cette décision au sein de la communauté noire. "Il y a 35 ans, j’aurais pu être Trayvon Martin", a-t-il lancé.
Pour Adolphus Pruitt, président de la branche de NAACP de la ville de Saint-Louis, la tournure prise par les événements à Ferguson, où la garde nationale a été envoyée lundi, justifierait une intervention présidentielle sur la nécessité "de s’attaquer frontalement à la question du racisme et des inégalités socio-économiques". "L’heure d’un message extrêmement fort est venue. L’heure de s’occuper des voisins de Michael Brown est venue", a-t-il conclu.
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